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Économie + Entreprise – The Conversation
2025-11-04T16:18:14Z
tag:theconversation.com,2011:article/264389
2025-11-04T16:18:14Z
2025-11-04T16:18:14Z
Combien l’employeur doit-il payer pour attirer des cadres en dehors des zones urbaines ?
<p><strong>Pourquoi certaines régions, comme l’Île-de-France, continuent-elles à concentrer richesses et habitants, tandis que d’autres peinent à se développer ? La clé se trouve dans le cercle vertueux – ou vicieux – de la densité. Le prix de l’immobilier joue un rôle non négligeable dans cette problématique stratégique à l’heure d’une éventuelle ré-industrialisation.</strong></p>
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<p>La question du développement économique des territoires est avant tout une histoire de poule et d’œuf. Comme la poule est issue de l’œuf qu’a pondu… une poule, un territoire a besoin de travailleurs pour prospérer… mais ces mêmes travailleurs ne s’y installent que si le territoire est suffisamment attractif. Ainsi, un territoire dense offre de meilleures perspectives professionnelles mais aussi des commodités recherchées, comme des écoles, des hôpitaux, des théâtres, des transports ou encore des services publics… Autant de raisons pour les travailleurs de préférer les régions plus développées.</p>
<p>Nous avons étudié <a href="https://shs.cairn.info/revue-d-economie-industrielle-2024-3-page-35">cette dynamique à travers une question précise</a> : comment font les entreprises situées dans des territoires peu denses pour attirer malgré tout des talents ? Une réponse pzut être trouvée du côté de la <a href="https://www.scirp.org/reference/referencespapers?referenceid=2131719">théorie économique des « différences compensatrices »</a>, qui explique les écarts de salaires en fonction des professions et de l’hétérogénéité des territoires.</p>
<h2>Quand la réalité dément la théorie…</h2>
<p>Selon cette théorie des différences compensatrices, les écarts de salaires s’expliquent à la fois par les compétences des individus et par les conditions de travail – qui incluent la qualité de vie. Plus les conditions proposées sont difficiles, plus le salaire doit être élevé pour attirer des travailleurs. Dit autrement, imaginons deux individus possédant des compétences équivalentes, si l’un des deux vit dans une zone moins dense que l’autre, offrant moins de commodités, alors il devrait logiquement être mieux payé (pour compenser cet écart).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/reindustrialiser-ne-fera-pas-revenir-a-la-situation-des-annees-1980-233715">« Réindustrialiser ne fera pas revenir à la situation des années 1980 »</a>
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<p>Or, les données racontent une tout autre histoire. Au contraire, comme on l’observe dans le tableau 1 ci-dessous, les salaires moyens bruts horaires diminuent avec la densité. Pour les cadres, par exemple, ils passent de 43 euros dans les zones les plus denses à 35 euros dans les zones les moins denses – soit une différence de plus de 23 %.</p>
<h2>Le prix de la densité</h2>
<p>Mais ce constat est incomplet. Car les avantages liés à la densité ont un prix : logements plus chers, congestion urbaine, coût de la vie plus élevé… Les prix des logements, en particulier, comme l’illustre le tableau 2, passent de 1 357 euros par m<sup>2</sup> dans les zones les moins denses à 3 042 euros par m<sup>2</sup> dans les zones les plus denses, soit un rapport de plus de 1 pour 2 entre le premier et le dernier quartile.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/692461/original/file-20250923-64-bokfya.png?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/692461/original/file-20250923-64-bokfya.png?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/692461/original/file-20250923-64-bokfya.png?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=213&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/692461/original/file-20250923-64-bokfya.png?ixlib=rb-4.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=213&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/692461/original/file-20250923-64-bokfya.png?ixlib=rb-4.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=213&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/692461/original/file-20250923-64-bokfya.png?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=268&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/692461/original/file-20250923-64-bokfya.png?ixlib=rb-4.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=268&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/692461/original/file-20250923-64-bokfya.png?ixlib=rb-4.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=268&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Source : auteurs.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Deux intuitions émergent de ces chiffres :</p>
<p>Le pouvoir d’achat immobilier constitue un facteur clé de compensation pour les ménages vivant dans des zones peu denses, car le logement représente une part importante du budget (environ 20 % en 2017) [<a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5371304">Insee, <em>Revenus et patrimoine des ménages</em>, 2021</a>] et son prix varie fortement selon la densité locale.</p>
<p>De plus, la baisse des prix immobiliers tend à jouer un rôle de compensation lorsque les autres avantages liés à la densité (prix à la consommation, qualité de vie, accès aux services, etc.) s’amenuisent. Cette compensation est donc plus marquée dans les zones les moins denses et pour les personnes qui valorisent particulièrement les bénéfices de la densité urbaine.</p>
<p>En somme, ce n’est pas tant le salaire en valeur absolue qui compense la faible densité, mais bien le niveau de vie relatif, que nous pouvons mesurer par le rapport entre revenu et prix de l’immobilier.</p>
<p><div inline-promo-placement="editor"></div></p>
<h2>Moins dense mais meilleur niveau de vie</h2>
<p>Comment vérifier que vivre dans une zone moins dense se traduise vraiment par un gain de niveau de vie, surtout pour les plus qualifiés ? Pour répondre à cette question, il faut comparer non plus seulement les salaires, mais le rapport entre revenu et coût de la vie – que nous avons estimé en intégrant le prix de l’immobilier.</p>
<p>C’est un exercice difficile, car de nombreux facteurs entrent en jeu : compétences individuelles (âge, diplôme, genre), caractéristiques du marché du travail (offre et demande d’emplois, organisation des entreprises, exportations, automatisation), et enfin éléments territoriaux (densité, infrastructures, effets d’agglomération). Si l’on ne prend pas systématiquement en compte ces variables, on risque de confondre l’effet réel de la densité avec d’autres déterminants.</p>
<p>Pour dépasser cet obstacle, nous avons mobilisé un volume de données considérable : l’ensemble des contrats de travail signés dans l’industrie manufacturière en 2019, enrichi de données d’entreprises et d’indicateurs locaux. Cette richesse statistique nous a permis d’isoler au mieux l’effet propre de la densité, en comparant des profils similaires à travers des territoires de différentes densités.</p>
<h2>Un salaire qui progresse comme le prix de l’immobilier</h2>
<p>Les résultats sont clairs. Plus la densité augmente, plus le salaire brut nominal progresse… mais le pouvoir d’achat immobilier recule. Une hausse de 1 % de la densité accroît de 0,15 % le temps de travail nécessaire pour acheter un mètre carré de logement. Autrement dit, les salaires montent avec la densité, mais pas assez pour compenser l’explosion des prix immobiliers.</p>
<p>Cet effet touche particulièrement les cadres. Ce sont eux qui voient le plus leurs salaires progresser dans les zones denses… mais ce sont aussi ceux qui perdent le plus en pouvoir d’achat immobilier. En choisissant de s’installer dans une zone moins dense, ils acceptent un sacrifice salarial, mais bénéficient d’un gain considérable sur le logement.</p>
<p>Pourquoi cette « prime » est-elle plus forte pour les cadres ? Dans une optique de différences compensatrices, notre résultat indique que les cadres sont les plus sensibles aux avantages liés à la densité, puisqu’ils sont prêts pour en bénéficier à perdre relativement plus en pouvoir d’achat immobilier.</p>
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<figcaption><span class="caption">BFM Business – 2022.</span></figcaption>
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<h2>Un enjeu de politique publique</h2>
<p>Nos résultats doivent toutefois être interprétés avec prudence. Plusieurs éléments méritent d’être approfondis :</p>
<p><em>Le niveau de formation des travailleurs</em> : faute de données sur le niveau de formation, il est possible que les différences observées reflètent en partie une disparité de profils entre zones denses et moins denses. Si l’on pouvait isoler mieux l’effet de cette variable, la prime identifiée serait probablement encore plus marquée.</p>
<p><em>La dimension familiale</em> : les décisions de mobilité se prennent rarement seul. L’attractivité d’un territoire dépend aussi des emplois pour le conjoint, des écoles pour les enfants, ou encore des infrastructures de santé.</p>
<p><em>L’évolution au cours de la vie</em> : les priorités changent avec l’âge. La proximité d’un lycée importe peu sans enfants adolescents, tandis que l’accès aux soins devient crucial en vieillissant.</p>
<p><em>L’effet du Covid et du télétravail</em> : les données mobilisées datent de 2019. Or, la crise sanitaire a modifié l’arbitrage entre grands centres et territoires moins denses, en donnant un nouvel élan au travail à distance.</p>
<p>Ceci étant rappelé, les zones moins denses sont des candidates naturelles à l’effort de réindustrialisation, ne serait-ce que pour des raisons foncières évidentes. Y attirer des travailleurs qualifiés est un enjeu de taille pour les entreprises. La politique publique se doit d’intégrer ces considérations d’attractivité de l’emploi selon la densité, tandis que les entreprises peuvent trouver un équilibre en s’y installant et bénéficiant du coût de la vie moins cher, à condition que les commodités et l’infrastructure ne soient pas dissuasives.</p>
<p>L’écart grandissant sur ce plan entre zones (très) denses et zones moins denses risque de priver durablement des espaces ayant pourtant un important potentiel de (re)développement industriel. Pour résoudre le problème de la poule et de l’œuf et enclencher des cercles vertueux, seule une coordination de la puissance publique et des entreprises au niveau local pourra permettre une réindustrialisation pérenne, qui bénéficiera aux employés, aux entreprises et aux territoires.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/264389/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Antoine Prevet est directeur executif de l'etilab financé notamment par la Région Île-de-France, Crédit Agricole Île-de-France, Forvis Mazars ainsi que des ETI partenaires : Réseau DEF, Septodont, ETPO, SOCOTEC, Diot-Siaci, Acorus, Henner, Ceva, Prova, E'nergys et Hopscotch.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pierre Fleckinger ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Les zones les moins denses peinent d’autant plus à attirer des industries qu’on y manque de main-d’œuvre. Est-il possible de sortir de ce cercle vicieux ? Comment faire ?
Pierre Fleckinger, Professeur d'économie, chercheur associé à Paris School of Economics, titulaire de la chaire etilab, Mines Paris - PSL
Antoine Prevet, Directeur exécutif Chaire etilab, Chercheur en économie, Mines Paris - PSL
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/268580
2025-11-03T10:49:17Z
2025-11-03T10:49:17Z
Peut-on être trop riche ? Tout dépend de vos convictions profondes et du contexte économique national
<p><strong>Des milliardaires à l’intelligence artificielle, la question reste la même : à partir de quand l’accumulation devient-elle excessive ? Une étude internationale montre que nos réponses dépendent autant de nos valeurs morales que du contexte économique et culturel.</strong></p>
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<p>À travers les cultures, les mêmes questions reviennent : avoir beaucoup d’argent est-il une bénédiction, un fardeau ou un problème moral ? Selon nos nouvelles recherches, la façon dont on perçoit les milliardaires ne relève pas seulement de l’économie. Le jugement dépend aussi de certains instincts culturels et moraux, ce qui aide à expliquer pourquoi les opinions sur la richesse sont si polarisées.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1093/pnasnexus/pgaf158">L’étude</a>, que mon collègue <a href="https://scholar.google.com/citations?user=xvOcrtUAAAAJ&hl=en">Mohammad Atari</a> et <a href="https://scholar.google.com/citations?user=o9WB4v4AAAAJ&hl=en">moi</a> avons publiée en juin 2025 dans la revue scientifique <em>PNAS Nexus</em>, s’appuie sur des données d’enquêtes menées auprès de plus de 4 300 personnes dans 20 pays. Nous avons constaté que, si la plupart des gens dans le monde ne condamnent pas fermement le fait de posséder « trop d’argent », il existe des différences culturelles marquées.</p>
<p>Dans les pays riches et plus égalitaires sur le plan économique, comme la Suisse ou la Belgique, les personnes interrogées étaient plus enclines à juger immoral le fait de détenir trop de richesses. À l’inverse, dans des pays plus pauvres et plus inégalitaires, comme le Pérou ou le Nigeria, l’accumulation de richesses était perçue comme davantage acceptable.</p>
<p>Au-delà des aspects économiques, nous avons constaté que les jugements sur la richesse excessive sont aussi façonnés par des intuitions morales plus profondes. Notre étude <a href="https://doi.org/10.1037/pspp0000470">s’appuie sur la <em>moral foundations theory</em></a> (<em>théorie des fondements moraux</em>), qui propose que le sens du bien et du mal repose sur six valeurs fondamentales : le soin, l’égalité, la proportionnalité, la loyauté, l’autorité et la pureté. Nous avons observé que les personnes attachées à l’égalité et à la pureté étaient plus susceptibles de considérer la richesse excessive comme répréhensible.</p>
<p>Le résultat concernant l’égalité était attendu, mais le rôle de la « pureté » est plus surprenant. La notion de pureté est généralement associée à des idées de propreté, de sacralité ou d’évitement de la contamination – découvrir qu’elle est liée à une perception négative de la richesse donne un nouveau sens à l’expression anglaise « <em>filthy rich</em> » (mot à mot « salement richenbsp;», de « <em>filth</em> » qui signifie «dégoûtant, obscène, corrompu »).</p>
<p>En tant que chercheur en <a href="https://www.jacksonptrager.com/">psychologie sociale</a> étudiant la morale, la culture et la technologie, je m’intéresse à la façon dont ce type de jugements varie selon les groupes et les sociétés. Les systèmes sociaux et institutionnels interagissent avec les croyances morales individuelles, façonnant la manière dont les gens perçoivent des sujets de société clivants comme la richesse et les inégalités – et, en retour, la façon dont ils s’engagent face aux politiques et aux conflits qui en découlent.</p>
<h2>Pourquoi est-ce important ?</h2>
<p>Les milliardaires exercent une influence croissante dans la politique, la technologie et le développement mondial. Selon l’organisation Oxfam, qui lutte contre la pauvreté, le 1 % le plus riche de la planète <a href="https://www.oxfam.org/en/press-releases/worlds-top-1-own-more-wealth-95-humanity-shadow-global-oligarchy-hangs-over-un">détenait en 2024 plus de richesses que 95 % de l’humanité réunie</a>.</p>
<p>Les tentatives de réduction des inégalités par l’impôt ou la régulation des plus riches reposent toutefois peut-être sur une hypothèse erronée : celle selon laquelle l’opinion publique condamnerait largement les richesses extrêmes. Si, au contraire, la majorité considère l’accumulation de richesses comme moralement justifiable, de telles réformes risquent de rencontrer un soutien limité.</p>
<p>Si notre étude montre que la plupart des gens dans le monde ne considèrent pas la richesse excessive comme moralement condamnable, ceux vivant dans des pays plus riches et plus égalitaires sont en revanche bien plus enclins à la critiquer. Ce contraste soulève une question plus aiguë : lorsque les habitants de sociétés privilégiées dénoncent les milliardaires et cherchent à limiter leur influence, mettent-ils réellement en lumière une injustice mondiale – ou projettent-ils leur propre sentiment de culpabilité ? </p>
<p>Imposent-ils un principe moral façonné par leur prospérité à des pays plus pauvres, où la richesse peut représenter la survie, le progrès ou même l’espoir ?</p>
<h2>Ce qu’on ignore encore</h2>
<p>Une question reste ouverte : comment ces perceptions évoluent-elles avec le temps ? Les attitudes changent-elles à mesure que les sociétés deviennent plus riches ou plus égalitaires ? Les jeunes sont-ils plus enclins que les générations plus âgées à condamner les milliardaires ? Notre étude offre un instantané, mais des recherches menées sur le long terme pourraient montrer si les jugements moraux suivent les évolutions économiques ou culturelles plus larges.</p>
<p>Une autre incertitude concerne le rôle inattendu de la pureté. Pourquoi une valeur associée à la propreté et à la sacralité influencerait-elle la manière dont on juge les milliardaires ? <a href="https://doi.org/10.1093/pnasnexus/pgaf158">Notre étude complémentaire</a> a révélé que les préoccupations liées à la pureté dépassent la question de l’argent et s’étendent à d’autres formes d’« excès », comme le rejet d’« une trop grande » ambition, sexualité ou recherche de plaisir. Cela suggère que les individus perçoivent peut-être l’excès en lui-même – et pas seulement l’inégalité – comme une forme de corruption.</p>
<h2>Et ensuite ?</h2>
<p>Nous poursuivons nos recherches sur la manière dont les valeurs culturelles, les systèmes sociaux et les intuitions morales façonnent les jugements portés sur l’équité et sur l’excès – qu’il s’agisse de la richesse et de l’ambition, ou encore du savoir et de la puissance de calcul de l’intelligence artificielle.</p>
<p>Comprendre ces réactions morales instinctives au sein de systèmes sociaux plus larges est essentiel pour les débats sur les inégalités. Mais cela peut aussi aider à expliquer comment les individus évaluent les technologies, les dirigeants et les institutions qui accumulent un pouvoir ou une influence disproportionnés, jugés excessifs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/268580/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jackson Trager ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Peut-on être trop riche ? Derrière la question se cachent des considérations morales profondément ancrées. Une étude internationale éclaire sur la façon dont nos valeurs influencent nos jugements.
Jackson Trager, Ph.D. Candidate in Psychology, USC Dornsife College of Letters, Arts and Sciences
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tag:theconversation.com,2011:article/265100
2025-11-03T10:25:53Z
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Quand l’enseignement supérieur s’enracine dans son territoire : déni de mondialisation ou stratégie gagnante ?
<p><strong>Et si la reconnaissance internationale des universités et des écoles de commerce passait par le terroir ? Alors que la course mondiale aux classements – celui de Shanghai ou d’autres – tend à uniformiser les programmes d’enseignement supérieur, l’ancrage local constitue aussi un atout stratégique.</strong></p>
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<p>Dans un paysage académique mondialisé, les grandes marques universitaires se livrent une compétition féroce pour figurer aux premières places des différents palmarès et classements internationaux. La réputation et la légitimité des universités et des écoles reposent encore largement sur la performance de leur recherche académique, comme en témoignent la culture du <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/1056492605276850">« <em>Publish or perish</em> »</a> ou les <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s43545-022-00443-3">critères du classement de Shanghai</a>. Cette dynamique tend à renforcer la <a href="https://www.researchgate.net/publication/349663031_Higher_Education_in_2050_High_Participation_and_Vertical_Stratification_A_Concept_Note">polarisation entre des universités de rang mondial et des établissements régionaux</a> dans un <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10734-013-9684-y">contexte de mimétisme institutionnel</a> et d’uniformisation des programmes d’enseignement supérieur.</p>
<h2>Orientation des financements</h2>
<p>Mais derrière cette image globalisée de la performance, les établissements d’enseignement supérieur demeurent intimement liés à leur territoire d’implantation. Cet ancrage local est notamment scruté de près par les pouvoirs publics, qui en font un critère pour orienter leurs financements, et par les acteurs institutionnels et les organismes d’accréditation, qui l’intègrent dans leurs critères de qualité pour octroyer le droit de délivrer des diplômes et accréditer des programmes.</p>
<p>Ce rapport au territoire ne se réduit toutefois pas à une logique réglementaire ou budgétaire et soulève une interrogation plus stratégique : la proximité avec les acteurs économiques, sociaux et culturels locaux peut-elle paradoxalement constituer une voie d’accès au rayonnement international pour les établissements d’enseignement supérieur ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-secrets-de-la-domination-de-luniversite-harvard-au-classement-de-shanghai-264516">Les secrets de la domination de l’Université Harvard au classement de Shanghai</a>
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<p>Pour tenter de répondre à cette question, nous avons mené un travail d’investigation qui a donné lieu à un article de recherche <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10734-025-01416-0">publié dans la revue internationale <em>Higher Education</em></a>. Notre publication interroge et invite à repenser la relation entre enracinement local et visibilité mondiale des établissements d’enseignement supérieur à travers un cas emblématique : les régions viticoles françaises et les formations d’enseignement supérieur dédiées au secteur du vin.</p>
<p>Pour essayer de savoir si l’ancrage régional de ces programmes d’enseignement supérieur pouvait constituer un atout dans la compétition internationale entre établissements, notre projet de recherche repose sur une double méthodologie, à la fois quantitative (classement, attractivité, employabilité, résultats académiques de 72 formations en vin réparties sur l’ensemble des régions françaises) et qualitative (22 entretiens semi-directifs menés auprès de responsables académiques, étudiants et diplômés de programmes en vin et de professionnels du secteur viticole).</p>
<h2>Attractivité internationale accrue</h2>
<p>Notre travail est fondé sur deux hypothèses. La première postule que la réputation d’une région et la richesse de son écosystème (c’est-à-dire la densité des acteurs économiques, culturels et institutionnels liés à ce secteur) influencent directement la performance et la visibilité des formations supérieures spécialisées dans ce domaine. La seconde avance l’idée que ces formations confèrent alors à leurs établissements d’origine une attractivité internationale accrue au lieu de les limiter à un rayonnement local.</p>
<p>Pour explorer cette relation, notre travail a mobilisé deux concepts :</p>
<ul>
<li><p><a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10734-022-00955-0">l’heuristique « <em>glonacale</em> »</a>, soit un cadre théorique qui permet d’analyser le positionnement des établissements d’enseignement supérieur en considérant simultanément leurs échelles globale, nationale et locale ;</p></li>
<li><p><a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=vJiRSeXJ-soC&oi=fnd&pg=PR5&dq=Sheppard,+E.,+%26+McMaster,+R.+B.+(Eds.).+(2008).+Scale+and+geographic+inquiry :+Nature,+society,+and+method.+John+Wiley+ %26+Sons&ots=LsUPcbiyhT&sig=d2Psaz16JLMQY2EYfhrNouC41hA&redir_esc=y#v=onepage&q=Sheppard %2C %20E. %2C %20 %26 %20McMaster %2C %20R. %20B. %20(Eds.). %20(2008). %20Scale %20and %20geographic %20inquiry %3A %20Nature %2C %20society %2C %20and %20method. %20John %20Wiley %20 %26 %20Sons&f=false">l’échelle « géo-cognitive »</a>, qui désigne l’espace géographique dans lequel les établissements d’enseignement supérieur se positionnent. Cet outil permet de prendre en compte et d’interpréter la proximité et la portée symboliques et fonctionnelles des acteurs de cet espace.</p></li>
</ul>
<h2>Des liens stratégiques</h2>
<p>Les résultats de notre étude révèlent ainsi une forte corrélation entre la réputation d’une région spécialisée dans un secteur et la performance des programmes de formation implantés dans cette région et dédiés à ce secteur. Dans le cas des régions viticoles françaises, plus un territoire est identifié et réputé pour son activité, sa culture et son histoire viticoles (Bordeaux, Champagne, Bourgogne…), plus les formations viticoles implantées sur ce territoire bénéficient d’une image de qualité.</p>
<p>Surtout, les liens de ces formations avec l’écosystème local (entreprises, syndicats, institutions) renforcent leurs contenus pédagogiques, favorisent l’employabilité de leurs diplômés et améliorent leur légitimité académique. C’est l’ensemble des critères de performance des programmes d’enseignement qui sont ainsi renforcés par le territoire d’accueil, en particulier l’attractivité auprès des étudiants étrangers.</p>
<h2>Contourner la hiérarchie classique</h2>
<p>Mais au-delà de ces résultats, qui peuvent sembler logiques, notre étude démontre surtout que les régions dotées d’une spécialisation historique, culturelle ou économique forte, telle que celle en lien avec les bassins viticoles, offrent un espace stratégique alternatif aux universités et aux écoles. Les échelles géo-cognitives liées aux programmes en lien avec le vin permettent de contourner la hiérarchie académique classique centrée sur la recherche.</p>
<p>Ces formations offrent notamment la possibilité de valoriser des caractéristiques distinctives dans les processus d’audit et d’accréditation des universités et des écoles. Elles créent ainsi, pour les établissements d’enseignement supérieur, un espace parallèle de légitimité stable et attractif qui leur permet de se distinguer dans un environnement universitaire dominé par les <a href="https://library.oapen.org/handle/20.500.12657/22777">dynamiques de concurrence et de standardisation fondées sur la taille et les disciplines académiques</a>.</p>
<p>Cette recherche démontre ainsi que les formations spécialisées peuvent jouer un rôle stratégique dans l’ancrage territorial des établissements d’enseignement supérieur tout en leur offrant des avantages compétitifs sur la scène mondiale. </p>
<p>L’enseignement supérieur globalisé ne s’oppose donc pas à la logique de spécialisation régionale : bien au contraire, celle-ci peut constituer un levier majeur de segmentation et de rayonnement stratégique. Pour les universités et les écoles, miser sur les atouts locaux de leurs régions d’implantation est aussi une manière de renforcer leur rayonnement global et de se distinguer dans un monde académique de plus en plus concurrentiel et mondialisé. Un exemple à méditer pour les établissements d’enseignement supérieur présents dans des régions réputées pour des spécialisations fortes similaires au vin.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/265100/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Président de l'European Association of Wine Economists</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Olivier Guyottot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Alors que la course mondiale aux classements, celui de Shanghai ou d’autres, tend à uniformiser les programmes d’enseignement supérieur, l’ancrage local constitue un atout stratégique.
Jean-Marie Cardebat, Professeur d'économie à l'Université de Bordeaux et Professeur affilié à l'INSEEC Grande Ecole, Université de Bordeaux
Olivier Guyottot, Enseignant-chercheur en stratégie et en sciences politiques, INSEEC Grande École
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2025-11-03T10:25:21Z
2025-11-03T10:25:21Z
Utilisation de l’écriture inclusive par les marques : indifférence des hommes, soutien nuancé des femmes
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/697202/original/file-20251020-66-qvvhns.jpg?ixlib=rb-4.1.0&rect=0%2C88%2C2048%2C1365&q=45&auto=format&w=1050&h=700&fit=crop" /><figcaption><span class="caption">Les femmes affichent une attitude plus favorable que les hommes à l’égard de la marque lorsque celle-ci utilise une écriture inclusive.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://reworlding.fr/les-3-regles-tres-simples-du-langage-inclusif/">Reworlding</a></span></figcaption></figure><p><strong>L’écriture inclusive fait régulièrement la une des journaux en France. Entre défenseurs et opposants, le débat semble sans fin. Mais que se passe-t-il lorsque des marques utilisent cette écriture pour communiquer ? Une étude révèle que les réactions sont loin d’être homogènes.</strong></p>
<hr>
<p><a href="https://doi.org/10.1037/pspa0000188">La linguistique distingue trois types de langues à travers le monde</a> :</p>
<ul>
<li><p>les langues genrées, comme le français ou l’espagnol, qui attribuent un genre grammatical aux noms communs : le bateau, la mer, la plage, le sable, etc. ;</p></li>
<li><p>les langues à genre naturel, comme l’anglais, qui ne marquent pas le genre des noms communs – le déterminant est <em>the</em> pour tous les objets –, mais qui marquent le genre principalement dans les pronoms pour les personnes – <em>she</em>/<em>her</em> pour une fille ou une femme et <em>he</em>/<em>his</em> pour un homme ou un garçon ;</p></li>
<li><p>Les langues non genrées, comme le chinois ou le turc, qui n’intègrent pas de distinctions grammaticales de genre.</p></li>
</ul>
<p>En France, langue dite genrée, le masculin est considéré comme « neutre » et, au pluriel, il « l’emporte sur » le féminin, selon la formule consacrée. Pourtant, des formes dites inclusives, comme le point médian de « salarié·es », se développent pour tenter de rendre visible la diversité des genres. Cette volonté s’appuie sur les travaux en sociolinguistiques qui montrent que la <a href="https://doi.org/10.1016/B978-0-12-820480-1.00147-9">langue façonne notre perception du monde et de notre environnement</a>. Si le sujet fait polémique, c’est parce que l’écriture inclusive interroge le pouvoir symbolique de la langue : qui est inclus ou exclu par les mots que nous choisissons ?</p>
<p>Notre <a href="https://doi.org/10.1108/APJML-01-2025-0068">étude</a>, menée auprès de 800 consommatrices et consommateurs français, en analyse le phénomène.</p>
<h2>Réaction envers la marque</h2>
<p>Pour comprendre ces réactions, nous avons mené une expérience. Chaque participante ou participant à notre étude voyait un post d’une marque de jus de fruits, rédigé avec différentes formes d’écriture inclusive – comme « les client·es » – ou sans, et avec ou sans explication de ce choix par la marque. Nous avons ensuite mesuré leurs réactions, leur attitude envers la marque et leur intention d’achat. Il existe plusieurs formes d’écriture inclusive, nous les avons toutes testées.</p>
<ul>
<li>La double flexion consiste à écrire les deux genres séparés par « et » (ex. : « toutes et tous ») ;</li>
<li>La double flexion contractée fusionne les terminaisons féminines et masculines grâce à un point médian ou un point (ex. : « étudiant·e·s ») ;<br></li>
<li>Les termes épicènes ou collectifs que nous appelons forme « dégenrée », ne marquent pas le genre (ex. : « le lectorat » plutôt que « les lecteurs ») ;<br></li>
<li>Le masculin générique, la forme usuelle en français avec le masculin qui l’emporte sur le féminin ;<br></li>
<li>Le féminin générique, avec l’ensemble des accords au féminin. C’est d’ailleurs cette forme qui est perçue comme la plus sexiste et la moins inclusive par l’ensemble des répondants.</li>
</ul>
<h2>Les hommes indifférents… sauf si la marque explique son choix</h2>
<p>Les résultats indiquent que, globalement, les hommes ne réagissent pas différemment à un post utilisant l’écriture inclusive par rapport à un post classique.</p>
<p>Leur attitude, leur intention d’achat ou leur perception de la marque ne changent pas. Cependant, un point intéressant émerge : lorsque la marque explique son choix d’utiliser l’écriture inclusive, en rappelant qu’il s’agit d’une démarche d’égalité ou d’inclusivité, l’attitude des hommes devient plus positive.</p>
<p>Cette explication semble lever une forme de méfiance et permet d’intégrer le message sans rejet.</p>
<h2>Les femmes soutiennent l’inclusif mais pas toutes ses formes</h2>
<p>Globalement, les femmes affichent une attitude plus favorable que les hommes à l’égard de la marque lorsque celle-ci utilise une écriture inclusive. Elles perçoivent la marque comme plus proche de leurs valeurs et se disent plus enclines à acheter le produit.</p>
<p>Cet effet varie toutefois selon leur vision des rôles de genre. </p>
<p>Les femmes qui adhèrent fortement aux stéréotypes traditionnels – par exemple, l’idée que les hommes et les femmes ont des « rôles naturels » différents – se montrent plus réticentes à l’égard de l’écriture inclusive. Chez elles, l’écriture inclusive (en particulier la forme contractée, c’est-à-dire le point médian, et la forme dégenrée) tend à provoquer un rejet de la marque.</p>
<p>On ne retrouve pas cet effet de l’adhésion aux stéréotypes de genre chez les hommes. Ce n’est pas cela qui influence leurs perceptions et comportements liés à l’écriture inclusive.</p>
<p>Notre étude montre que la forme d’écriture inclusive la plus controversée, celle avec le point médian, suscite davantage de réactions négatives. Comme pour les hommes, lorsque la marque justifie son choix, cette forme controversée est toutefois mieux acceptée.</p>
<h2>Puissance idéologique de la langue</h2>
<p>Ces résultats mettent en lumière le poids idéologique de la langue. Le masculin reste perçu comme neutre.</p>
<p>Ce constat rejoint les travaux en sociolinguistique sur <a href="https://doi.org/10.1177/1088868318782848">l’androcentrisme (une vision du monde qui voit l’homme comme l’humain neutre ou typique) et sur la domination symbolique</a>.</p>
<p>Il révèle aussi une ligne de fracture : les femmes ne constituent pas un groupe homogène sur ces questions. Celles qui adhèrent aux normes traditionnelles deviennent les gardiennes d’un certain conservatisme linguistique.</p>
<h2>Quelles implications pour les marques ?</h2>
<p>Pour les professionnels du marketing, l’écriture inclusive n’est pas qu’une question de style : elle engage la perception de la marque. </p>
<p>Notre étude conseille :</p>
<ul>
<li><p>d’expliquer son choix d’écriture inclusive, notamment pour rassurer les consommateurs qui y sont indifférents ou qui sont sceptiques. Ainsi, les marques remporteront leur adhésion ;</p></li>
<li><p>d’adapter la forme utilisée : certaines sont perçues comme plus acceptables que d’autres. Le point médian, plus controversé, peut être mis de côté au profit de termes épicènes ou de la double flexion dans le cadre d’une communication qui se veut consensuelle. En revanche, une marque militante pourra choisir la double flexion contractée (le point médian) ;</p></li>
<li><p>de connaître son audience : les femmes y sont majoritairement favorables, mais il existe des nuances idéologiques. Comme nous l’avons montré, celles qui adhèrent aux stéréotypes de genre auront tendance à rejeter les marques utilisant l’écriture inclusive.</p></li>
</ul><img src="https://counter.theconversation.com/content/260370/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
L’écriture inclusive fait régulièrement la une des journaux en France. Entre défenseurs et opposants, le débat semble sans fin. Mais que se passe-t-il lorsque des marques l’utilisent pour communiquer ?
Magali Trelohan, Enseignante-chercheuse, comportements de consommations, sociaux et environnementaux, EM Normandie
Abdul Zahid, Lecturer Marketing Management, Anglia Ruskin University
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/264597
2025-11-03T10:25:05Z
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Quand les imaginaires des marques nous inspirent
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/698730/original/file-20251027-76-x54gm5.jpg?ixlib=rb-4.1.0&rect=0%2C0%2C5353%2C3568&q=45&auto=format&w=1050&h=700&fit=crop" /><figcaption><span class="caption">Les marques produisent des imaginaires collectifs et peuvent être considérées comme «&nbsp;des acteurs politiques&nbsp;».</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/paris-france-december-6-2023-giant-2397892079">HJBC/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p><strong>Traversé par de multiples crises, le réel est devenu anxiogène. Il réclame de nouveaux modèles et de nouveaux rêves. Dans ce contexte, les imaginaires des marques viennent se substituer aux grands récits collectifs défaillants, en offrant aux individus de quoi se projeter, espérer, et peut-être apporter de nouvelles raisons de croire. C’est ce qu’analysent ici Valérie Zeitoun et Géraldine Michel, avec Raphaël LLorca, expert associé à la Fondation Jean-Jaurès, Arnaud Caré, directeur général délégué d’Ipsos, et Nicolas Cardon, directeur de l’expérience client d’Ipsos.</strong></p>
<hr>
<p>« L’esprit du voyage par Louis Vuitton », « La beauté plurielle de Dove », « Le sport inclusif » de Nike, ces imaginaires irriguent notre quotidien. Ils deviennent des forces de projection et de conviction collective, bien au-delà de leur valeur marchande. Face à l’évolution de leur rôle se pose la question de leur influence dans l’ordre social et/ou politique, au-delà de l’ordre marchand.</p>
<p>Comment, dans leur mission d’agent social, les marques participent-elles et poussent-elles au progrès social et environnemental, et permettent-elles ainsi de renouer avec de nouvelles utopies ?</p>
<h2>L’imaginaire</h2>
<p>L’imaginaire est le fruit de l’imagination d’un individu, d’un groupe ou d’une société. Il produit des représentations ou des mythes qui entretiennent un rapport plus ou moins détaché de la réalité.</p>
<p>Poser <a href="https://chaire.marquesetvaleurs.org/evenements/les-imaginaires-de-marque-a-lepreuve-du-reel/">l’imaginaire et le réel en parallèle</a> tend à accentuer la tension qui existe entre ces deux notions. Leur relation relève d’une dialectique qui interroge la manière dont l’imaginaire se rapporte au réel et réciproquement. Pour explorer ce rapport complexe, il est possible de distinguer trois dynamiques principales : une dynamique d’opposition, une dynamique de substitution et une dynamique d’enrichissement.</p>
<h2>L’imaginaire comme illusion</h2>
<p>Depuis <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-chemins-de-la-philosophie/l-allegorie-de-la-caverne-vivons-nous-dans-l-illusion-1903901">l’allégorie de la caverne de Platon</a>, la tradition philosophique a longtemps pensé l’imaginaire et le réel de manière adverse. Pour Platon, les individus vivent souvent dans l’ignorance, attachés aux apparences, et il faut un effort de pensée pour accéder à la vérité, c’est-à-dire au « monde des Idées ». Dans cette perspective, le réel renvoie au monde des idées invariables et immuables tandis que l’imaginaire est lui entendu comme illusoire, fictif, sans réalité. </p>
<p>Notre culture occidentale est profondément ancrée dans cette opposition, valorisant le réel comme domaine de la vérité et de la connaissance, reléguant l’imaginaire au rang du fantasme.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/693615/original/file-20250930-56-be6mr5.jpeg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/693615/original/file-20250930-56-be6mr5.jpeg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/693615/original/file-20250930-56-be6mr5.jpeg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/693615/original/file-20250930-56-be6mr5.jpeg?ixlib=rb-4.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/693615/original/file-20250930-56-be6mr5.jpeg?ixlib=rb-4.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/693615/original/file-20250930-56-be6mr5.jpeg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/693615/original/file-20250930-56-be6mr5.jpeg?ixlib=rb-4.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/693615/original/file-20250930-56-be6mr5.jpeg?ixlib=rb-4.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Affiche publicitaire de la marque Persil qui « lave plus blanc que blanc ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://bibliotheques-specialisees.paris.fr/ark:/73873/pf0000834846">Bibliothèque spécialisée de Paris</a>, <a class="license" href="http://artlibre.org/licence/lal/en">FAL</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans le domaine de la consommation, la célèbre réclame de Persil (« lave plus blanc ») est emblématique d’une rhétorique publicitaire fondée sur l’excès de promesse. En invoquant l’idée d’un « plus blanc que blanc », elle promet l’inatteignable et participe à une forme d’aliénation ou d’asservissement. Le récit de marque se réduit alors à l’idée d’une illusion, voire d’une tromperie.</p>
<h2>L’imaginaire comme idéalisation</h2>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/693616/original/file-20250930-56-o6ibn3.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/693616/original/file-20250930-56-o6ibn3.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/693616/original/file-20250930-56-o6ibn3.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/693616/original/file-20250930-56-o6ibn3.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/693616/original/file-20250930-56-o6ibn3.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/693616/original/file-20250930-56-o6ibn3.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/693616/original/file-20250930-56-o6ibn3.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/693616/original/file-20250930-56-o6ibn3.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Publicité du Big Mac de McDonald’s en Thaïlande.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/bangkok-thailand-7-july-2025-mcdonalds-2650675721">Opasbbb/Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><a href="https://www.gallimard.fr/catalogue/simulacres-et-simulation/9782073039590">Le philosophe Jean Baudrillard</a> propose une autre perspective. Selon lui, l’imaginaire ne s’oppose plus simplement au réel, mais s’y substitue. Le simulacre n’est pas une simple copie du réel : il en efface la référence. Il produit l’illusion d’un monde réel, mais entièrement artificiel, forme d’hyperréalité, saturée d’images et de signes.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/693617/original/file-20250930-66-4hrhaf.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/693617/original/file-20250930-66-4hrhaf.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/693617/original/file-20250930-66-4hrhaf.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/693617/original/file-20250930-66-4hrhaf.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/693617/original/file-20250930-66-4hrhaf.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/693617/original/file-20250930-66-4hrhaf.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/693617/original/file-20250930-66-4hrhaf.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/693617/original/file-20250930-66-4hrhaf.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Photo d’un Big Mac dans un restaurant McDonald’s.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/burger-hand-big-tasty-girls-mac-2133482843">Liveheavenly/Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’imaginaire, dès lors, se substitue au réel et l’idéalise. Les campagnes publicitaires de la marque McDonald’s qui reposent sur une représentation parfaite du hamburger – comparée à la réalité du hamburger servi dans les restaurants – génèrent un simulacre. Les consommateurs n’achètent pas un hamburger, mais l’image idyllique du hamburger.</p>
<h2>L’imaginaire comme ressource du réel</h2>
<p>Une troisième approche, initiée par le <a href="https://www.gallimard.fr/catalogue/phenomenologie-de-la-perception/9782070293377">philosophe Maurice Merleau-Ponty</a>, envisage au contraire l’imaginaire comme une composante fondamentale du réel. Dans cette perspective, l’imaginaire ne s’oppose pas au réel, il en est le prolongement, voire un producteur. L’imaginaire permettrait d’accéder au réel autrement, éventuellement de le transformer en lui imprimant de nouvelles formes.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ErwS24cBZPc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>L’imaginaire ouvre vers d’autres réels possibles. C’est dans cette dynamique que certaines marques s’inscrivent, et ce faisant réinventent les modalités de notre environnement. C’est le cas de la marque Apple. À son lancement, elle apporte une nouvelle vision de l’ordinateur personnel axée sur la convivialité et le design de l’objet pour s’inscrire dans le quotidien des individus, et se positionner contre des usages de l’époque qui considéraient l’ordinateur comme strict objet du monde du travail.</p>
<h2>La fabrique de nouveaux réels collectifs</h2>
<p>Dès 1957, le <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/mythologies-roland-barthes/9782021034479">sémiologue Roland Barthes</a> met en évidence la capacité des objets et des signes de consommation à produire un imaginaire socialement partagé. La marque se définit comme <a href="https://www.dunod.com/entreprise-et-economie/au-coeur-marque-cles-du-management-marques-0">objet social</a> et réservoir symbolique. Elle ne se réduit pas à un simple signe marchand, elle agit comme un médiateur symbolique, capable de relier les individus à des <a href="https://www.puf.com/la-marque">univers de significations collectives</a>.</p>
<p>Elle produit du sens et génère de la valeur en projetant des imaginaires partagés. Dans cette direction, les <a href="https://books.google.fr/books ?hl=fr&lr=&id=thiThfWnZ6UC&oi=fnd&pg=PR9&dq=Holt,+D.+B.+(2004),+How+brands+become+icons,+the+principles+of+cultural+branding,+ %E2 %80 %AAHarvard+Business+Press&ots=dJSFznrfJO&sig=-ut85A9VlESVIMYFZy2nsVnrQac&redir_esc=y#v=onepage&q=Holt %2C %20D. %20B. %20(2004) %2C %20How %20brands %20become %20icons %2C %20the %20principles %20of %20cultural %20branding %2C %20 %E2 %80 %AAHarvard %20Business %20Press&f=false">marques iconiques</a> le deviennent, justement, parce qu’elles articulent des imaginaires culturels qui viennent répondre à des enjeux sociaux forts. Nike, en soutenant publiquement le <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/09/26/nike-profite-de-l-effet-kaepernick_5360503_3234.html">footballeur Colin Kaepernick</a> dans sa protestation contre les violences policières faites aux Afro-Américains, incarne un imaginaire de résistance.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/693679/original/file-20250930-56-n4krsu.png?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/693679/original/file-20250930-56-n4krsu.png?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/693679/original/file-20250930-56-n4krsu.png?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/693679/original/file-20250930-56-n4krsu.png?ixlib=rb-4.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/693679/original/file-20250930-56-n4krsu.png?ixlib=rb-4.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/693679/original/file-20250930-56-n4krsu.png?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/693679/original/file-20250930-56-n4krsu.png?ixlib=rb-4.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/693679/original/file-20250930-56-n4krsu.png?ixlib=rb-4.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Publicité de la marque Nike pour fêter les 30 ans de son slogan « Just do it » avec le footballeur états-unien Colin Kaepernick.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.wk.com/work/nike-dream-crazy/">Nike</a></span>
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</figure>
<p>Avec sa campagne <a href="https://www.patagonia.com/stories/dont-buy-this-jacket-black-friday-and-the-new-york-times/story-18615.html">« Don’t Buy This Jacket »</a>, la marque <em>outdoor</em> Patagonia a supporté un imaginaire plus sobre. Elle incite les consommateurs à ne pas céder au consumérisme. Cet imaginaire s’incarne aussi dans les actes – réparabilité des produits, soutien à des actions environnementales, etc. – et, de fait, devient le réel.</p>
<p>D’autres marques pourraient être ici mentionnées, Dove et le nouvel imaginaire de la beauté : vision alternative qui remet en cause une beauté normative pour la rendre plurielle, femmes de toutes morphologies, âges, origines ou couleurs de peau. C’est encore Ikea ou Levi’s qui participent d’imaginaires plus inclusifs en soutenant la cause LGBTQIA+. Toutes ces marques participent d’une forme d’engagement, fondé sur de nouveaux imaginaires sociaux et/ou culturels, qui permet d’enrichir, de modifier, de transformer le réel.</p>
<h2>La marque, un acteur politique ?</h2>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/693694/original/file-20250930-56-j4rs82.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/693694/original/file-20250930-56-j4rs82.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/693694/original/file-20250930-56-j4rs82.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=452&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/693694/original/file-20250930-56-j4rs82.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=452&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/693694/original/file-20250930-56-j4rs82.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=452&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/693694/original/file-20250930-56-j4rs82.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=568&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/693694/original/file-20250930-56-j4rs82.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=568&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/693694/original/file-20250930-56-j4rs82.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=568&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Publicité d’avril 2024 en France de la marque Burger King, « mettant l’accent » sur la région provençale.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/france-07-april-2024-burger-king-2451295999">HenrySaintJohn/Shutterstock</a></span>
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<p>Les marques produisent des imaginaires collectifs, en ce sens, comme le propose Raphaël LLorca, elles peuvent être considérées comme <a href="https://www.jean-jaures.org/publication/le-roman-national-des-marques-le-nouvel-imaginaire-francais/">« des acteurs politiques »</a> qui structurent et façonnent notre appréhension du réel. L’imaginaire national et la signification « d’être français » se fonde aujourd’hui, en partie, sur des projections et/ou des incarnations proposées par les acteurs marchands tous secteurs confondus, la mode, les transports ou la grande distribution.</p>
<p>L’ironie, souligne Raphaël LLorca, c’est que ce sont souvent des marques étrangères, et singulièrement états-uniennes, comme Burger King ou Nike, qui proposent leur version du roman national français ! </p>
<p>Dans tous les cas, la sécrétion d’imaginaires politiques de la part d’acteurs marchands constitue une rupture profonde dans l’équilibre des forces entre les trois ordres traditionnels – ordres politique, religieux et marchand.</p>
<h2>Imaginaires de marques et engagement</h2>
<p>Une <a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/marque-engagee-ou-marque-engageante-limportance-dun-alignement-strategique">étude Ipsos</a> fait le constat d’un lien entre engagement individuel et engagement des marques. Il apparaît ainsi que les fans de marques engagées, comme Disney, Deezer ou Heineken, sont eux-mêmes plus impliqués que la moyenne française dans les causes d’équité et d’égalité entre les populations.</p>
<p>Plus important, en termes de gestion de marque, il apparaît que cette adhésion aux marques, porteuses d’imaginaires positifs, va au-delà d’une élection de principe. 50 % des Français interrogés déclarent, dans le contexte actuel, qu’ils seraient prêts à acheter moins de produits provenant de marques éloignées de leur engagement pour l’équité, la diversité et l’inclusion. Ces résultats montrent que les marques ont le pouvoir de nourrir le réel d’imaginaires sociaux, culturels voire politiques.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/698731/original/file-20251027-56-u09hi2.png?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/698731/original/file-20251027-56-u09hi2.png?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/698731/original/file-20251027-56-u09hi2.png?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=253&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/698731/original/file-20251027-56-u09hi2.png?ixlib=rb-4.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=253&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/698731/original/file-20251027-56-u09hi2.png?ixlib=rb-4.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=253&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/698731/original/file-20251027-56-u09hi2.png?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=318&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/698731/original/file-20251027-56-u09hi2.png?ixlib=rb-4.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=318&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/698731/original/file-20251027-56-u09hi2.png?ixlib=rb-4.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=318&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les Français et les politiques de « diversité et d’inclusion » en entreprise à l’ère de Donald Trump (sondage réalisé en avril 2025 auprès de 800 Français représentatifs de la population nationale).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ipsos</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Mais comment peuvent-elles le faire ? À cette question, une <a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/marque-engagee-ou-marque-engageante-limportance-dun-alignement-strategique">seconde étude Ipsos</a> explore les conditions d’émergence de nouveaux réels aspirationnels.</p>
<p>Les marques doivent incarner ces imaginaires si elles souhaitent construire des liens émotionnels avec les consommateurs et citoyens. Près de 69 % des interrogés affirment être disposés à rompre avec des marques qui ne tiendraient pas leurs promesses sur des sujets sociaux ; 70 % se déclarent prêts à suivre une marque à laquelle ils sont émotionnellement liés, contre 45 % lorsque ce lien n’est que fonctionnel.</p>
<p>Les imaginaires des marques deviennent des forces de projection et de conviction collective, bien au-delà de leur valeur marchande. Les marques qui s’engagent dans de nouveaux imaginaires et qui leur donnent une réalité tangible favorisent l’engagement des individus, collaborateurs et clients. Ainsi, elles génèrent une adhésion et une implication pérenne, mais, surtout, elles participent d’un élan transformatif social et peut-être politique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/264597/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Les imaginaires de marques viennent se substituer aux grands récits collectifs, y compris le roman national français, en apportant de nouvelles raisons d’espérer.
Valérie Zeitoun, Maitre de Conférences, IAE Paris – Sorbonne Business School
Géraldine Michel, Professeur, IAE Paris – Sorbonne Business School
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/265102
2025-11-03T10:24:58Z
2025-11-03T10:24:58Z
Ce que font vraiment les analystes financiers
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/697815/original/file-20251022-56-fntrb3.jpg?ixlib=rb-4.1.0&rect=428%2C0%2C3240%2C2160&q=45&auto=format&w=1050&h=700&fit=crop" /><figcaption><span class="caption">Au-delà des transactions financières, les marchés sont animés par une communauté humaine de professionnels, avec ses règles, ses valeurs et ses récits.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/reviewing-notes-financial-chart-overlay-on-2661071283">Vectorfusionart/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p><strong>Que font réellement ces analystes financiers, dits analystes « sell-side », au sein des grandes banques d’affaires ? Une étude consacrée à leur travail à travers les pratiques d’évaluation de la performance montre la complexité de ce métier finalement peu connu.</strong></p>
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<p>Les analystes financiers dits <em>sell-side</em> conseillent des milliers de professionnels, en particulier les <a href="https://theconversation.com/blackrock-un-mastodonte-financier-au-pouvoir-dinfluence-pourtant-mesure-238391">fonds d’investissement</a> qui gèrent les retraites et l’épargne de nombreuses personnes à travers le monde. La <a href="https://books.openedition.org/septentrion/8673">recherche en finance</a> s’est beaucoup concentrée sur la fiabilité de leurs recommandations et sur la façon dont elles informent des mouvements de marché, le travail des analystes étant de produire des prévisions fiables.</p>
<p>S’inscrivant dans les travaux en sociologie de la finance, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1045235425000085">notre étude</a> ne se penche pas tant sur le rôle des analystes, mais sur ce que leur organisation attend d’eux. Nous appréhendons les analystes non pas comme membre des marchés financiers, mais comme membres d’une organisation marchande – la banque qui les emploie – qui les rémunère et les évalue.</p>
<h2>Interface des entreprises et des fonds d’investissement</h2>
<p>Les analystes <em>sell-side</em> vendent des services financiers à différents clients (d’où le nom <em>sell-side</em>). Ils émettent des conseils sur la vente ou l’achat d’actions boursières de sociétés cotées. Ces analystes sont soumis à une <a href="https://www-sciencedirect-com.neoma-bs.idm.oclc.org/science/article/pii/S0361368205000073">régulation stricte</a>. Ils sont l’interface entre les départements de communication financière des grandes entreprises cotées et les fonds d’investissement, qui investissent en bourse l’argent de leurs clients.</p>
<p>La régulation porte particulièrement sur la prévention des <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11142-020-09545-w">conflits d’intérêts</a> et du <a href="https://theconversation.com/marches-financiers-les-inities-sont-ils-reellement-avantages-142497">délit d’initié</a>, réglementant les informations que les analystes ont le droit ou non de transmettre en fonction de leurs interlocuteurs, selon quels moyens – rapport écrit public, discussions informelles, etc.</p>
<h2>Indispensables aux banques</h2>
<p>Profession plus discrète que celle de <a href="https://theconversation.com/lethique-a-t-elle-sa-place-chez-les-traders-177002">traders</a>, les analystes financiers sont indispensables aux banques. Ils leur fournissent une légitimité puisqu’ils sont reconnus comme des experts sur les marchés financiers. Pour autant, la multiplication des bases de données, ainsi que la concurrence d’ <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=4003418">« activistes »</a>, les <em>short-seller</em>, remet en question cette expertise et notamment l’objectivité des rapports publiés par les analystes <em>sell-side</em>.</p>
<p>Notre étude se concentre sur le système d’<a href="https://theconversation.com/la-face-cachee-de-levaluation-annuelle-111854">évaluation de la performance</a> des analystes par leur banque. Ce système est particulièrement complexe, car il fait intervenir des groupes professionnels internes et externes à la banque. En externe, les équipes d’analystes <em>sell-side</em> sont soumises chaque année à des classements réalisés par des sites, tels que <a href="https://www.extelinsights.com/news/latest-rankings">Extel</a>.</p>
<h2>Classement des analystes financiers</h2>
<p>Ces classements mettent en compétition les équipes d’analystes entre banques, mais aussi à l’intérieur des banques – entre secteurs d’activités ou zones géographiques couverts –, voire à l’intérieur de leur équipe. Les classements sont constitués suite à la collecte des votes effectués par les analystes <em>buy-side</em>, c’est-à-dire les analystes financiers présents chez les clients des banques (d’où le nom buy-side).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/vendeurs-activistes-et-analystes-financiers-des-expertises-antagonistes-183687">Vendeurs activistes et analystes financiers, des expertises antagonistes</a>
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<p>Ces classements sont par la suite intégrés dans l’évaluation interne de la performance des analystes dans leur banque. D’autres groupes professionnels de la banque comme les vendeurs et les traders sont également amenés à voter pour les analystes, les classant à nouveau.</p>
<p>Plus un analyste <em>sell-side</em> marque la mémoire d’un analyste <em>buy-side</em> ou d’un vendeur, plus ce dernier a des chances de voter pour lui. Selon certains participants à notre étude, il n’existe pas de norme pour marquer la mémoire d’un investisseurs. Un analyste peut aussi bien plaire à un client pour la qualité de ses analyses que pour sa personnalité, ou encore sa capacité à aider les analystes buy-side dans leurs propres analyses. Ce qui importe c’est que le votant se souvienne de lui.</p>
<h2>Des analystes entrepreneurs de leur réputation</h2>
<p>Dans le but d’obtenir une bonne évaluation de leur performance, les analystes doivent travailler leur <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11133-007-9083-8">réputation</a> en externe, mais aussi en interne. Si on les imagine régulièrement en contact avec leurs clients investisseurs, notre étude met en lumière l’existence d’un <em>gatekeeper</em> : le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0890838921000032">vendeur</a>, appelé encore <em>sales</em>, en charge de gérer la relation client.</p>
<p>Le vendeur, ou <em>sales</em>, constitue un intermédiaire incontournable qui transmet les arguments des analystes pour appuyer son discours commercial. Les analystes doivent à ce titre effectuer un travail de mise en valeur de leurs recherches. En effet, les vendeurs lisent rarement les rapports, surtout écrits, comme le montrent le <a href="https://kclpure.kcl.ac.uk/ws/portalfiles/portal/103531767/Write_to_Speak_FINAL_VERSION.pdf">professeur de comptabilité Crawford Spence et ses co-auteurs</a> dans une logique de conformité à la loi.</p>
<p>La régulation encadre ces échanges : les espaces de travail des analystes et des vendeurs sont strictement séparés. Il existe donc une ambiguïté entre ce qu’exige la régulation – une séparation stricte des activités – et ce que reflète le système d’évaluation de la performance des analystes, devoir être apprécié et reconnu par les vendeurs.</p>
<h2>Performativité des narratifs d’analyste</h2>
<p>L’économiste <a href="https://press.princeton.edu/books/hardcover/9780691182292/narrative-economics">Robert Shiller</a> a mis en avant à quel point l’économie se constitue à partir de <a href="https://www.nber.org/system/files/working_papers/w23075/w23075.pdf">récits</a>, c’est-à-dire d’histoires, ou <em>stories</em>, qui circulent et donnent un sens des évènements économiques. Chez les analystes financiers, ces « narratifs » correspondent aux interprétations et recommandations que font les analystes pour leurs clients. Notre étude prolonge ces travaux, ainsi que ceux de <a href="https://www.anthro.unibe.ch/about_us/people/prof_dr_leins_stefan/index_eng.html">l’anthropologue Stefan Leins</a> en mobilisant le concept d’<a href="https://catalogo.sandamaso.es/EITRecord/156005362">autorité narrative</a>. Cette autorité, et la compétition qui existe entre analystes pour l’obtenir, est au fondement de leur évaluation.</p>
<p>C’est en faisant <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0361368222000010">circuler ces narratifs</a> d’analystes qu’on voit leur <a href="https://www.cnrtl.fr/definition/performativit%C3%A9">« performativité »</a>. Par l’intermédiaire des vendeurs, les narratifs des analystes <em>sell-side</em> atteignent les clients investisseurs qui peuvent eux-mêmes les réutiliser pour défendre leurs idées auprès de leurs propres clients. C’est ainsi que les narratifs circulent sur les marchés. Or, la valeur de ces narratifs dépend aussi des « modes » existantes sur les marchés, modes dont la dimension éphémère contraste avec le temps long nécessaire à un analystes pour développer une expertise. Comme dit l’une de nos sources, Michael, analyste <em>sell-side</em> dans une banque d’une capitale financière européenne :</p>
<blockquote>
<p>« Si tu es réputé comme étant le meilleur fabricant de cabines téléphoniques aujourd’hui, tu es peut-être la star des cabines téléphoniques, mais plus personne n’en veut donc ça ne sert à rien. »</p>
</blockquote>
<p>Ces modes sont cruciales pour les banques, car ces dernières se rémunèrent sur les transactions effectuées pour le compte de leurs clients. Les secteurs « à la mode » génèrent potentiellement plus de commissions, puisque le volume de transaction y est plus important. Elles ont comme contrepartie de remettre en cause régulièrement la valeur de l’expertise des analystes.</p>
<p>Notre étude rappelle ainsi qu’au-delà des transactions et des rapports écrits, les marchés sont bien animés par des professionnels incarnés qui parlent, échangent, analysent au quotidien. Ils font de ces termes un peu abstraits une <a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/10.1086/374404">communauté d’humains</a> qui constituent sans toujours en avoir clairement l’idée les marchés qu’ils ne cessent de décrire tout au long de leurs carrières.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/265102/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cette étude a été menée dans le cadre d'une thèse de doctorat financée par l'ESCP Europe et le réseau Netw@rks.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pénélope Van den Bussche ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Que font réellement les analystes financiers qui commentent les marchés financiers et qui conseillent des milliers d’investisseurs dans le monde ?
Pierre Lescoat, Professeur Assistant, Neoma Business School
Pénélope Van den Bussche, Maîtresse de conférences en Sciences de gestion, Université Paris Dauphine – PSL
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/267901
2025-11-03T08:48:16Z
2025-11-03T08:48:16Z
Syrian forced migrants in Turkey have built businesses despite challenges. Here’s what has helped them succeed
<p>By the end of 2024, the number of people worldwide who had been “forcibly displaced as a result of persecution, conflict, violence, human rights violations or events seriously disturbing public order” and had fled their countries stood at approximately 42.7 million, <a href="https://www.unhcr.org/about-unhcr/overview/figures-glance">according to the UN Refugee Agency</a>. Whether they are asylum seekers requesting temporary sanctuary or refugees who are unwilling to return to their countries of origin, forced migrants are people who haphazardly migrate to and strive to find safety in a new country.</p>
<p>While much attention focuses on their immediate needs, such as shelter, food, and security, many forced migrants are doing something remarkable: they’re starting businesses. For example, in Turkey, over 14,000 formal businesses owned or co-owned by Syrian forced migrants have been registered since the war in Syria began in 2011. By opening small restaurants, grocery stores and service providers, these entrepreneurs are working to rebuild their lives and contribute to their host communities.</p>
<p>However, building a business is often an uphill battle. Many forced migrant entrepreneurs face language barriers, discrimination and legal uncertainty. Yet, some manage to succeed. What makes the difference? Our <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0969593125000320">recent research</a> on Syrian forced migrant entrepreneurs in Turkey offers new insights. We point to the key factors that shape whether forced migrant businesses thrived or struggled. Understanding how these factors interact may reveal not only how to most effectively support forced migrant entrepreneurship but also how to ensure more inclusive societies.</p>
<h2>The role of a host country identity</h2>
<p>Forced migrants often turn to entrepreneurship <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11187-019-00310-1">out of necessity</a>. Barred from regular employment or struggling to find work due to unrecognised credentials or to prejudice, many start small businesses to survive. The key question here is what transforms that act of survival into a story of success in a host country? Our study of 170 Syrian forced migrant entrepreneurs showed that their business performance didn’t just depend on acumen or capital but was also tied to how they saw themselves with respect to the host society.</p>
<p>Those who had a host country identity, that is, who reported having a strong sense of belonging and an emotional and mental connection to the people and institutions in Turkey, were more likely to adapt their businesses to local customers, seek opportunities, and build lasting relationships. A host country identity was a predictor of both financial performance (ie whether the business was more profitable and had higher returns relative to its main competitors) and customer performance (ie whether the business attained superior outcomes in managing its customer base compared to its main competitors).</p>
<p>A host country identity doesn’t form in a vacuum. Local language proficiency plays a powerful role. In our study, forced migrants who felt confident speaking the host country’s language were more likely to feel connected to local contexts, including markets and customers. In contrast, perceived discrimination had the opposite effect. We found that when entrepreneurs reported being treated unfairly by customers, landlords, or officials, it chipped away at their sense of belonging. In fact, social exclusion can be subtle, with customers avoiding shops, commercial landlords denying lease agreements, or government officials delaying permits. We found that these experiences hindered the success of forced migrants’ businesses by curbing their sense of connectedness to the host country.</p>
<h2>The role of legal protection – and its timing</h2>
<p>Legal status plays a critical but often overlooked role in this story. In Turkey, Syrian forced migrants are granted “temporary protection” status, which affects their ability to access capital and open formal businesses. But not everyone receives this protection at the same time. We found that promptly granted formal protection was crucial. Forced migrants who received legal temporary protection shortly after arrival were affected by discriminatory attitudes to a lesser extent, hence feeling more secure and included in the host country. By contrast, those who waited longer for protection tended to be more adversely affected by discriminatory attitudes, which weakened their feeling of connection toward the host country. Even when they eventually got legal status, the damage to their sense of belonging had often already been done. We believe that this delay creates a kind of invisible disadvantage, one that policies aimed at helping forced migrants rarely address.</p>
<h2>A social justice issue</h2>
<p>This isn’t only about forced migrant business owners, but all of us. When forced migrant entrepreneurs succeed, they don’t just lift themselves out of poverty or precarity. They create jobs, pay taxes, serve customers, and <a href="https://www.emerald.com/jec/article/18/3/487/1227429/Do-refugee-inflows-contribute-to-the-host">bring new ideas into local economies</a>. They become part of the social and economic fabric of their communities. In contrast, when they’re held back due to language barriers, discrimination or slow-moving legal systems, everyone loses out on their potential.</p>
<p>This is also a social justice issue. Forced migrants didn’t choose to leave their homes. Many lost everything. And yet, instead of giving up, they’re trying to contribute and belong. The least we can do is remove the barriers that make their integration harder than it already is.</p>
<p>Our research suggests a few actions that policymakers and civil society can take. First, ensure timely legal protection for forced migrants. Fast-tracking legal status can give them the foundation they need to start planning their lives and their businesses with confidence. Second, invest in language programmes. Forced migrants with strong language skills are better positioned to engage economically and socially. Third, combat discrimination through public education. Negative stereotypes about forced migrants don’t just hurt feelings, they hurt economies. Promoting positive narratives and intergroup contact can reduce prejudice and build more inclusive communities.</p>
<p>The Fast Track initiative in Sweden, which partially reflected these recommendations by focusing on <a href="https://lifelonglearning-toolkit.uil.unesco.org/en/node/126">language learning, credential recognition, and “workplace integration”</a>, illustrated how targeted support can accelerate inclusion. According to a <a href="https://nordicwelfare.org/integration-norden/wp-content/uploads/sites/2/2018/06/Labour-market-integration-of-newly-arrived-in-the-Nordic-countries_2.pdf">report prepared for the Nordic Council of Ministers</a>, a Fast Track effort that focused on newly arrived entrepreneurs “led to… increased motivation and inspiration” and “83 new businesses [being] initiated by participants”. These findings underscore the potential effects of coordinated, early interventions.</p>
<p>Forced migration is one of the defining issues of our time. As wars, climate change, and instability continue to uproot people, countries around the world will need to do more than offer short-term aid. They’ll need to offer pathways to belonging, and that starts with recognising that forced migrant entrepreneurs aren’t a problem to be solved. They’re part of how countries can integrate newcomers while boosting economic growth and community development.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/653322/original/file-20250305-56-uw659u.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/653322/original/file-20250305-56-uw659u.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=342&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/653322/original/file-20250305-56-uw659u.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=342&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/653322/original/file-20250305-56-uw659u.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=342&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/653322/original/file-20250305-56-uw659u.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/653322/original/file-20250305-56-uw659u.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/653322/original/file-20250305-56-uw659u.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>A weekly e-mail in English featuring expertise from scholars and researchers. It provides an introduction to the diversity of research coming out of the continent and considers some of the key issues facing European countries. <a href="https://theconversation.com/europe/newsletters?promoted=europe-newsletter-116">Get the newsletter!</a></em></p>
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<p><em>The European Academy of Management (EURAM) is a learned society founded in 2001. With over 2,000 members from 60 countries in Europe and beyond, EURAM aims at advancing the academic discipline of management in Europe.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/267901/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>This work was supported by the Department of Research and Universities of the Generalitat de Catalunya and the Ramon Llull University (2023-URLProj-079).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Burcin Hatipoglu et Eren Akkan ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>
Research into these entrepreneurs may carry lessons for societies and governments around the world.
Eren Akkan, Associate Professor, Kedge Business School; European Academy of Management (EURAM)
Burcin Hatipoglu, Assistant Professor, Business School, UNSW Sydney
Kerem Gurses, Professor, Department of Management and Technology, Universitat Ramon Llull
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/266691
2025-11-02T07:55:28Z
2025-11-02T07:55:28Z
Pourquoi la France, malgré la dégradation de sa note par les agences financières, reste emprunteuse « sans risque » pour les régulateurs ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/699449/original/file-20251030-56-ixniss.jpg?ixlib=rb-4.1.0&rect=0%2C52%2C4187%2C2791&q=45&auto=format&w=1050&h=700&fit=crop" /><figcaption><span class="caption">Si la France est notée par trois agences (Standard & Poor’s, Moody’s, et Fitch), les notations la plus élevée et la plus basse sont écartées&nbsp;; c’est celle du milieu qui est retenue.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/london-october-2018-fitch-ratings-exterior-1209505471">WilliamBarton/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p><strong>Malgré la dégradation de la note de la France de AA- à A+ en septembre 2025 par l’agence Fitch, puis en octobre 2025 par Standard & Poor’s, l’Hexagone est toujours considéré comme un emprunteur « sans risque » dans les bilans des banques et des assureurs. Pourquoi ce décalage ?</strong></p>
<hr>
<p>Vendredi 12 septembre 2025, <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2025/09/12/dette-fitch-fait-perdre-son-double-a-a-la-france_6640683_823448.html">Fitch a dégradé la note de la France de AA- à A+</a>, après la clôture des marchés. Symboliquement, c’est un coup dur. Pour la première fois depuis plus de dix ans, la France a perdu son badge « double A ». Et pourtant, le lundi suivant, rien n’avait changé : le CAC 40 était en hausse et les <a href="https://www.lafinancepourtous.com/outils/questions-reponses/quest-ce-quun-spread-de-taux/"><em>spreads</em> de crédit</a> de la France étaient stables.</p>
<p>Rebelote un mois plus tard : le 18 octobre, <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/sp-abaisse-la-note-souveraine-de-la-france-2193150">Standard & Poor’s (S&P) abaisse à son tour la note de la France à A+</a>. Là encore, aucune réaction notable des marchés – ni sur les <em>spreads</em> obligataires ni sur l’indice CAC 40. Le 24 octobre, <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/10/25/moody-s-maintient-la-note-de-la-france-mais-la-place-sous-perspective-negative_6649229_3234.html">Moody’s a pour sa part placé la note AA- de la France sous perspective négative</a>.</p>
<p>L’explication courante ? Les marchés avaient déjà anticipé ces décisions. Mais est-ce vraiment toute l’histoire ?</p>
<p>Dans cet article, nous expliquons pourquoi, tant dans le cadre de la réglementation bancaire (<a href="https://eur-lex.europa.eu/eli/reg/2013/575/oj/eng">Capital Requirements Regulation</a>, CRR) relative aux exigences de fonds propres, que de la réglementation des assurances (<a href="https://www.eiopa.europa.eu/browse/regulation-and-policy/solvency-ii_en">Solvency II</a>), la France est toujours considérée comme un emprunteur entrant dans la définition d’un pays « sans risque ».</p>
<p>Cela peut aider à comprendre l’impact limité jusqu’à présent des dégradations successives de Fitch et de Standard & Poor’s, tout en soulignant que les mécanismes bancaires et assurantiels à l’œuvre peuvent soudainement se transformer en couperet.</p>
<h2>Notations vs échelons</h2>
<p>Dans le cadre des approches standardisées, les réglementations prudentielles européennes (<a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/HTML/?uri=CELEX:32024R1820">2024/1820</a> et <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/HTML/?uri=OJ:L_202401872">2024/1872</a> essentiellement) ne fonctionnent pas directement avec des notations alphabétiques, mais s’appuient sur des <em>credit quality step</em> (CQS), soit des échelons de qualité de crédit. Ces échelons sont des catégories générales qui regroupent plusieurs notations :</p>
<p>– CQS 0 : AAA (Solvency II uniquement ; le CRR ne comporte pas de niveau 0), comme l’Allemagne, la Suisse, le Danemark, les Pays-Bas ou la Suède.</p>
<p>– CQS 1 : AAA à AA- (CRR)/CQS 1 et AA+ à AA- (Solvency II), comme l’Autriche, la Finlande, l’Estonie, la Belgique ou la République tchèque.</p>
<p>– CQS 2 : A+ à A-, comme la Slovénie, la Slovaquie, la Pologne, la Lituanie ou la Lettonie.</p>
<p>– CQS 3 : BBB+ à BBB-, comme l’Italie, la Roumanie, la Bulgarie, la Croatie, ou la Hongrie.</p>
<p>– CQS 4-6 : notations spéculatives (BB+ et inférieures), comme la Serbie, le Monténégro, la Macédoine du Nord ou le Kosovo.</p>
<p>Techniquement, selon les réglementations bancaires et assurantielles, la dégradation de la note de la France par Fitch en septembre 2025 aurait pu la faire passer de CQS 1 à CQS 2. Mais ce n’est pas le cas.</p>
<p>Jusqu’en octobre 2025, date de la dégradation de la note française par Standard & Poor’s, ces deux cadres réglementaires continuaient de traiter la France comme un émetteur de très haute qualité, c’est-à-dire « AA » et non « A ». Cela tient à la manière dont les réglementations traitent les notes multiples : ni les banques ni les assureurs ne retiennent mécaniquement la note la plus basse.</p>
<h2>Règle de la deuxième meilleure notation</h2>
<p>En vertu de la réglementation <a href="https://www.judict.eu/en/hla/32013R0575-X/article-138">bancaire</a> et <a href="https://www.eiopa.europa.eu/rulebook/solvency-ii-single-rulebook/article-2417_en">assurantielle</a> européenne, la règle de la deuxième meilleure notation s’applique.</p>
<p>Par exemple, si un débiteur est noté par trois agences (S&P, Moody’s, Fitch), les notations la plus élevée et la plus basse sont écartées, et celle du milieu est retenue. Tant que deux des trois agences maintenaient la France dans la catégorie AA, la notation de référence aux fins du capital réglementaire restait CQS 1.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/moodys-standard-and-poors-fitch-plongee-au-coeur-du-pouvoir-des-agences-de-notation-228810">Moody’s, Standard & Poor’s, Fitch… plongée au cœur du pouvoir des agences de notation</a>
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<p>En d’autres termes, même après la dégradation par Fitch à A+, les régulateurs continuaient de classer la France comme « AA ». Ce n’est qu’après la dégradation par S&P, le 17 octobre 2025, que la France est effectivement passée en CQS 2. Moody’s, de son côté, a maintenu sa note AA-, mais l’a placée sous perspective négative le 24 octobre – un signal d’alerte, certes, mais sans conséquence réglementaire à ce stade.</p>
<p>Toutes les dégradations ne se valent pas. Certaines modifient immédiatement la manière dont les institutions financières européennes doivent traiter le risque. D’autres, en revanche, restent sans effet opérationnel. Et pourtant, aucune n’a véritablement fait réagir les marchés.</p>
<h2>Illusion réglementaire de la sécurité</h2>
<p>Pour la plupart des débiteurs, tels que les entreprises ou les institutions financières, le passage d’un échelon de qualité de crédit, ou <em>credit quality step</em> (CQS), à un autre a une incidence directe sur les exigences de fonds propres. Dans le cas particulier des États souverains européens, même un passage officiel au CQS 2 n’a guère d’importance.</p>
<p>En vertu des règles actuelles, les obligations souveraines de l’Union européenne libellées dans leur propre devise ont en effet une pondération de risque de 0 %. Pourquoi ?</p>
<p>Dans la pratique, les banques ne sont pas tenues de mettre de côté des fonds propres pour <a href="https://www.judict.eu/en/hla/32013R0575/article-114">couvrir le risque de défaut des emprunts de la France libellés en euros</a>, et ce, quelle que soit la note attribuée à cette dette par les agences de notation.</p>
<p>De même, les assureurs qui détiennent des obligations émises par les États de l’Union européenne (libellées dans leur propre monnaie) ne sont soumis à <a href="https://www.eiopa.europa.eu/rulebook/solvency-ii-single-rulebook/article-5800_en">aucune exigence de capital</a> pour se prémunir contre un éventuel défaut de paiement sur ces titres.</p>
<p>Les seules exigences de fonds propres pour ces obligations proviennent des risques dits « de marché » : le risque de taux d’intérêt, c’est-à-dire la perte potentielle liée à une hausse des taux, et le risque de change, en cas de variation défavorable des devises étrangères. Aucun capital n’est exigé au titre du <em>spread</em> de crédit, c’est-à-dire du risque que le marché exige une prime plus élevée pour prêter à l’État.</p>
<p>Les prêts à la France – ou à tout autre État souverain européen dans sa monnaie nationale – sont considérés comme sans risque de crédit. Ce cadre a été conçu pour éviter la fragmentation et traiter la dette publique de tout État membre européen comme la base du système financier, quelle que soit la situation individuelle de chaque pays.</p>
<h2>Paradoxe systémique</h2>
<p>Les marchés font bien sûr déjà la distinction entre les États souverains. Les écarts se creusent, les prix des <a href="https://www.banque-france.fr/fr/publications-et-statistiques/publications/quoi-servent-les-cds"><em>credit defaut swaps</em></a> (CDS) – qui permettent aux investisseurs de s’assurer contre le défaut d’un émetteur de dette – augmentent et les investisseurs exigent une prime pour les crédits les plus faibles, bien avant que la dégradation ne soit officielle.</p>
<p>Du point de vue des fonds propres réglementaires, le cadre existant ne laisse aucune place à une distinction progressive au sein de l’Union européenne. La conséquence est claire : les États souverains européens sont considérés comme « sûrs » par définition, jusqu’à ce qu’ils ne le soient plus…</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/H_E87jrdWIo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Cela crée une sorte d’« effet de falaise » organique. Tant que la confiance institutionnelle reste suffisante, la réglementation atténue partiellement la reconnaissance du risque. Dès qu’un seuil est franchi – souvent un seuil de confiance, plutôt que purement comptable –, la correction devient brutale. Ce qui devrait être une réévaluation progressive se transforme en rupture systémique.</p>
<p>Il y a quinze ans, la <a href="https://www.banque-france.fr/system/files/2024-08/fiche_dettes-souveraines.pdf">crise de la dette publique en Grèce</a> avait suffi à déclencher une crise à l’échelle européenne. Aujourd’hui, la France nous rappelle que l’architecture même de la réglementation européenne rend sa stabilité financière moins graduelle que binaire. Tant que les marchés y croient, tout tient. Mais si la confiance venait à se dérober, ce n’est pas seulement la France qui vacillerait – ce serait toute l’Europe.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/266691/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rémy Estran est président de l'EACRA (European Association of Credit Rating Agencies). </span></em></p>
Les agences de notation Fitch et Standard & Poor’s ont dégradé la note de la France de AA- à A+. Contre-intuitivement, les banques et assurances considèrent toujours l’Hexagone comme un débiteur « sûr ».
Rémy Estran, CEO – Scientific Climate Ratings, EDHEC Business School
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/268673
2025-11-01T09:03:42Z
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La grande histoire de la Sécurité sociale de 1945 à nos jours
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/699451/original/file-20251030-56-ak59kx.jpg?ixlib=rb-4.1.0&rect=72%2C118%2C691%2C460&q=45&auto=format&w=1050&h=700&fit=crop" /><figcaption><span class="caption">Pour les 70&nbsp;ans de la Sécurité sociale en 2015, un timbre commémoratif réunissait Pierre Laroque, premier directeur général de la «&nbsp;Sécu&nbsp;» (à gauche de l’image), et Ambroise Croizat, ministre communiste du travail et de la sécurité sociale (à droite). </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.wikitimbres.fr/timbres/10103/2015-70-ans-de-securite-sociale-pierre-laroque-ambroise-croizat">Wikitimbres</a></span></figcaption></figure><p><strong>Créée en 1945, la Sécurité sociale répondait à un objectif ambitieux : mettre les Français à l’abri du besoin et instaurer un ordre social nouveau. Fruit d’un compromis entre l’État et le mouvement ouvrier, cette institution a profondément façonné la solidarité sociale en France. Retour sur l’histoire d’un système révolutionnaire, aujourd’hui confronté à des défis de gouvernance et de légitimité.</strong></p>
<p><em>Cet article est publié en partenariat avec</em> Mermoz, <em>la revue du Cercle des économistes dont le dont le numéro 8 a pour thème <a href="https://lecercledeseconomistes.fr/formats/publications/notre-modele-social-un-chef-doeuvre-en-peril/">« Notre modèle social, un chef-d’œuvre en péril »</a>.</em>.</p>
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<p>La Sécurité sociale fête ses quatre-vingts ans. Née en 1945, dans un pays où tout est à reconstruire, cette institution sociale affiche alors l’ambition de créer un « ordre social nouveau ». La Sécurité sociale vise à mettre l’ensemble de la population « à l’abri du besoin » et à la libérer de « la peur du lendemain ».</p>
<p>À la Libération, la solidarité en armes exprimée dans la Résistance devait, en quelque sorte, se transcrire dans une solidarité sociale. Cette idée caractérise le compromis institutionnel à l’origine de la Sécurité sociale, entre un État social émancipateur et un mouvement ouvrier puissant et organisé. Dans les décennies suivantes, la démocratie sociale originelle disparaît progressivement, d’abord au profit d’un paritarisme plus favorable au patronat, puis dans le sens d’une gouvernance reprise en main par l’État.</p>
<h2>Une longue histoire</h2>
<p>Commençons par rappeler que tout ne s’est pas créé en 1945. Le plan français de sécurité sociale est le fruit d’un processus qui s’inscrit dans le temps long, et l’on peut en faire remonter les origines philosophiques à la Révolution française, un moment important de « laïcisation de la charité religieuse » qui avait cours depuis le Moyen Âge et sous l’Ancien Régime. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1793 pose ainsi pour la première fois le principe selon lequel « les secours publics sont une dette sacrée » de la nation. Après la chute des robespierristes, qui portaient cette aspiration, les expérimentations en matière de secours publics disparaissent.</p>
<p>Commence alors un XIX<sup>e</sup> siècle marqué par le refus de l’État d’intervenir directement dans les affaires économiques et sociales, mais aussi par le retour de la charité assistancielle. En parallèle, deux traditions se développent en matière de protection sociale : d’une part, une conception républicaine, qui revendique une solidarité nationale, et d’autre part, une tradition ouvrière, qui repose sur l’entraide collective au sein des caisses de secours mutuels et qui est attachée à une gestion par les travailleurs eux-mêmes. La fin du siècle est quant à elle marquée par le développement d’une philosophie, le <a href="https://laviedesidees.fr/Le-solidarisme-de-Leon-Bourgeois">solidarisme, inspirée de l’œuvre de Léon Bourgeois</a>. Ce courant de pensée postule que la société doit être organisée autour de la solidarité nationale. Il inspire la « nébuleuse réformatrice » à l’origine de l’État social, à travers les <a href="https://www.persee.fr/doc/sotra_0038-0296_1981_num_23_1_1657">premières lois sur les accidents du travail en 1898</a>, sur les retraites ouvrières et paysannes en 1910 ou encore sur les assurances sociales en 1928-1930.</p>
<p>Mais ces anciennes législations sont imparfaites, car elles ne couvrent que les salariés les plus pauvres, elles dispensent des prestations jugées insuffisantes et on y adhère selon le principe de la « liberté d’affiliation ». Cela signifie que le système compte une multiplicité de caisses, d’origine patronale, mutualiste, confessionnelle, syndicale ou départementale, dont l’efficacité est inégale. Compte tenu de ce bilan critique, le <a href="https://museedelaresistanceenligne.org/media2839-Programme-daction-du-CNR">programme du Conseil national de la résistance</a> (CNR), adopté dans la clandestinité le 15 mars 1944, entend réformer cette ancienne législation, à travers « un plan complet de sécurité sociale ». Le Gouvernement provisoire de la République française va donc s’y atteler, une fois le territoire national libéré.</p>
<h2>Une réforme révolutionnaire</h2>
<p>Ce contexte a permis la réalisation d’une « réforme révolutionnaire ». La Sécurité sociale repose sur des mesures prises par le pouvoir politique : elle s’est construite à partir d’ordonnances, comme celles du 4 et du 19 octobre 1945 portant création de la Sécurité sociale, sur des lois, comme celle du 22 mai 1946 portant généralisation de la Sécurité sociale, ou encore sur de nombreux décrets. En revanche, elle n’en est pas moins révolutionnaire par sa portée, par son ambition, celle de créer un « ordre social nouveau », pour reprendre une expression du haut fonctionnaire Pierre Laroque, elle-même déjà présente chez Jean Jaurès. Le 23 mars 1945, Laroque proclame : </p>
<blockquote>
<p>« C’est une révolution qu’il faut faire et c’est une révolution que nous ferons ! »</p>
</blockquote>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/mesurer-le-non-recours-pour-eviter-de-depenser-un-pognon-de-dingue-99250">Mesurer le non-recours pour éviter de dépenser « un pognon de dingue »</a>
</strong>
</em>
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<p>Si le rôle de l’institution est incarné par Pierre Laroque, premier directeur de la Sécurité sociale, celui du mouvement ouvrier l’est par Ambroise Croizat. Ancien ouvrier dès l’âge de treize ans, dirigeant de la Fédération des métaux de la Confédération générale du travail (CGT) et député communiste sous le Front populaire, <a href="https://theses.fr/s300790">Ambroise Croizat devient président de la commission du travail et des affaires sociales de l’Assemblée consultative provisoire à la Libération, puis ministre du travail et de la sécurité sociale, du 21 novembre 1945 au 4 mai 1947</a>.</p>
<p>Avec Pierre Laroque, ils mettent en œuvre le régime général de la Sécurité sociale, qui repose sur quatre principes fondamentaux. Tout d’abord, il doit s’agir d’un régime universel : l’ensemble de la population, de la naissance à la mort, doit bénéficier de la Sécurité sociale. De plus, le millier de caisses qui existaient du temps des assurances sociales est remplacé par un système obligatoire reposant sur une seule caisse primaire par département, une caisse régionale et une caisse nationale, prenant en charge l’ensemble des risques sociaux. </p>
<p>Le financement par la cotisation sociale constitue le troisième principe. Renvoyant à la formule « de chacun selon ses moyens à chacun selon ses besoins », ce mode de financement par répartition permet au budget de la Sécurité sociale d’être autonome et donc de ne pas dépendre des arbitrages budgétaires de l’État. Enfin, le quatrième principe, sans doute le plus original, renvoie à la démocratie sociale : les caisses de la Sécurité sociale sont gérées « par les intéressés eux-mêmes ».</p>
<h2>Des oppositions diverses</h2>
<p>De nombreuses oppositions vont tenter de retarder, voire d’empêcher, cette réalisation. Dans les milieux patronaux d’abord, hostiles vis-à-vis de la cotisation patronale, de la caisse unique et de la gestion des caisses par les travailleurs. La Mutualité et les assurances privées craignent de perdre le rôle qu’elles avaient dans les anciennes assurances sociales. Les médecins libéraux ont peur d’être « fonctionnarisés » et de perdre leur liberté d’exercice, tandis que les cadres n’ont pas envie d’être associés au même régime que les salariés. Face à ces obstacles, Croizat et Laroque font preuve de pragmatisme, en donnant partiellement satisfaction à la Mutualité, ou encore aux cadres, avec la création d’un régime complémentaire, l’Agirc. Les artisans, commerçants, professions libérales et agriculteurs obtiennent la mise en place de régimes particuliers.</p>
<p>Entre 1945-1967, la gestion des caisses de la Sécurité sociale est donc organisée selon le principe de la démocratie sociale, en reconnaissant un pouvoir syndical fort. En effet, les conseils d’administration des caisses sont composés à 75 % par des représentants des salariés et à 25 % par ceux du patronat. Ces administrateurs sont d’abord désignés selon le principe de la représentativité syndicale. Le syndicat chrétien de la CFTC refuse alors de participer à la mise en œuvre du régime général car il perd la gestion de ses anciennes caisses confessionnelles, mais aussi parce qu’il craint de subir l’hégémonie de la CGT. Les militants cégétistes disposent de fait d’un quasi-monopole dans la mise en œuvre du régime général sur le terrain.</p>
<p><div inline-promo-placement="editor"></div></p>
<p><a href="https://shs.cairn.info/la-securite-sociale-de-pierre-laroque--9782905882974">La Sécurité sociale à la française n’est donc pas un système étatique</a>. Sur le plan juridique, les caisses primaires et régionales sont de droit privé, tandis que la caisse nationale est un établissement public à caractère administratif. L’État, à travers le ministère du travail et de la sécurité sociale – et la direction de la Sécurité sociale qui en dépend –, voit son pouvoir limité à certaines prérogatives, qui restent importantes : en plus du pouvoir normatif, qui s’exprime par la fixation du taux de cotisation et du montant des prestations, l’État dispose aussi d’une fonction de contrôle sur l’activité des caisses.</p>
<h2>Une gestion ouvrière fragilisée</h2>
<p>Au cours de l’année 1947, le changement de contexte politique a des conséquences directes sur la Sécurité sociale. Le 24 avril 1947, des « élections sociales » sont instaurées pour renforcer sa dimension démocratique et donnent lieu à une véritable campagne politique. La CGT obtient environ 60 % des voix, la CFTC 26 % et la Mutualité 10 %. Le 4 mai, les communistes sont exclus du gouvernement. L’entrée dans la logique de la guerre froide fragilise la gestion ouvrière de la Sécurité sociale, en particulier à la suite de la scission syndicale entre la CGT et Force ouvrière.</p>
<p>En 1958, l’instauration de la V<sup>e</sup> République permet à l’État d’intervenir plus directement. Les ordonnances Debré instaurent la nomination des directeurs de caisses par l’exécutif, et non plus leur élection par les conseils d’administration. En 1960, les pouvoirs des directeurs augmentent, au détriment de ceux des conseils d’administration. Au cours de la même année, le corps de l’Inspection générale de la Sécurité sociale est créé, de même que le Centre d’études supérieures de la Sécurité sociale – devenue l’EN3S en 2004 –, participant à la professionnalisation du personnel des caisses.</p>
<p>À partir de 1967, la démocratie sociale disparaît, au profit d’un nouveau principe, le paritarisme. Instauré par les <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000339812/">ordonnances Jeanneney</a>, le paritarisme repose en théorie sur un partage du pouvoir entre partenaires sociaux, à parts égales entre syndicats de salariés et patrons. Dans les faits, ce nouveau mode de gestion renforce le pouvoir du patronat, qui joue de la division syndicale. De même, les élections sociales sont supprimées, et la caisse unique est divisée en quatre branches autonomes, chacune présidée par un haut fonctionnaire. </p>
<p>Tout se passe comme si le compromis de 1945 entre l’État social et les syndicats ouvriers s’était renversé au profit d’une nouvelle alliance entre la « technocratie » et le patronat. En tout cas, l’ensemble de ces mesures répond aux revendications du Conseil national du patronat français (CNPF).</p>
<h2>La crise de l’État-providence</h2>
<p>Les années 1980-1990 voient s’imposer un autre discours, celui sur la <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/24119-quest-ce-que-la-crise-de-letat-providence">« crise de l’État-providence »</a>. Un État réformateur, avec à sa tête le socialiste François Mitterrand depuis 1981, réalise certes la promesse d’une retraite à 60 ans et celle de restaurer les élections sociales. Mais l’affaiblissement des syndicats et le « tournant de la rigueur » de 1983 consacrent l’objectif de réduction des dépenses publiques, partagé par tous les gouvernements successifs. </p>
<p><a href="https://michelrocard.org/site-michel-rocard/analyses/economie/vers-la-fiscalisation-du-financement-de-la-securite-sociale--la-creation-de-la-contribution-sociale-generalisee">L’instauration de la contribution sociale généralisée (CSG) en 1990-1991</a> participe quant à elle de la fiscalisation du financement de la Sécurité sociale, au détriment de la cotisation sociale, ce qui justifie politiquement une intervention accrue de l’État.</p>
<p>Une parlementarisation de la gestion de la Sécurité sociale se développe ainsi entre 1996 et 2004. Le rôle du Parlement et l’influence des directives européennes en matière budgétaire et réglementaire se traduisent par plusieurs mesures prises en 1996 : l’instauration par ordonnances d’une loi de financement de la Sécurité sociale votée chaque année, la suppression définitive des élections sociales et la création de deux outils de gouvernance budgétaire, l’objectif national des dépenses de l’Assurance maladie (Ondam) et la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades). En 2000, c’est au tour du Conseil d’orientation des retraites (COR) d’être créé.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/DIwE4dCcg0A?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">France Inter, 2025.</span></figcaption>
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<h2>Néomanagement et logique comptable</h2>
<p>Enfin, depuis 2004, s’est imposée une <a href="https://shs.cairn.info/revue-de-gestion-des-ressources-humaines-2019-2-page-3">gouvernance managériale, fortement inspirée du « nouveau management public »</a>. Cette évolution est symbolisée par la réforme de l’assurance-maladie et celle de l’hôpital public, avec l’instauration de la tarification à l’activité (T2A). Les différentes branches sont désormais gérées par des directeurs généraux aux pouvoirs élargis, tandis que des Conventions d’objectifs et de gestion (COG) sont contractées tous les quatre ans entre l’État et les branches, puis déclinées au niveau des caisses.</p>
<p>Une logique comptable de définition d’objectifs et d’évaluation des résultats s’impose donc devant l’exigence de répondre à des besoins et de garantir l’accès aux droits des bénéficiaires. Cette gouvernance managériale parvient parfois à mener des réformes impopulaires, comme la réforme des retraites de 2023 passée via l’usage de l’article 49.3 de la Constitution et le détournement d’un PLFSS rectificatif. Néanmoins, se pose dès lors la question du consentement populaire à ce mode de gestion, qui fragilise une institution centrale du pacte social républicain.</p>
<p>Les commémorations du 80<sup>e</sup> anniversaire de la Sécurité sociale ont ainsi été propices à la remise en cause d’une gouvernance, dénoncée comme étant antidémocratique, y compris parfois au sein même des élites de l’État social. Certains appellent à renouer avec les ambitions portées, en son temps, par Pierre Laroque, leur illustre prédécesseur, notamment en termes de démocratie sociale.</p>
<hr>
<p><em>Cet article est publié en partenariat avec</em> Mermoz, <em>la revue du Cercle des économistes dont le numéro 8 a pour objet <a href="https://lecercledeseconomistes.fr/formats/publications/notre-modele-social-un-chef-doeuvre-en-peril/">« Notre modèle social, un chef-d’œuvre en péril »</a>. Vous pourrez y lire d’autres contributions</em>.</p>
<p><em>Le titre et les intertitres sont de la rédaction de</em> The Conversation France.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/268673/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Léo Rosell ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
À sa création, en 1945, la Sécurité sociale résulte d’un compromis entre l’État et le mouvement ouvrier. Quatre-vingts ans plus tard, qu’en reste-t-il ?
Léo Rosell, Ater, Université Paris Dauphine – PSL
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tag:theconversation.com,2011:article/268520
2025-10-30T15:05:08Z
2025-10-30T15:05:08Z
De Chirac à Macron, comment ont évolué les dépenses de l’État
<p><strong>Pour stabiliser la dette publique de la France, l’État doit réduire son déficit. Outre la hausse des prélèvements, il doit aussi de diminuer ses dépenses. Mais avant de les réduire, il importe de savoir comment ces dépenses ont évolué ces trente dernières années.</strong></p>
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<p>L’analyse historique des dépenses de l’État peut être utile pour prendre aujourd’hui des décisions budgétaires. Qu’ont-elles financé ? Les salaires des agents ? Des achats de biens et services ? Des transferts ? Quels types de biens publics ont-elles permis de produire (éducation, santé, défense…) ?</p>
<p>Le futur budget de l’État doit tenir compte de ces évolutions passées, des éventuels déséquilibres en résultant, tout en réalisant que ces choix budgétaires auront des impacts sur la croissance et les inégalités spécifiques à la dépense considérée.</p>
<h2>Près de 30 milliards d’économies annoncées</h2>
<p>Le <a href="https://www.budget.gouv.fr/reperes/loi_de_finances/articles/projet-loi-finances-2026">projet de loi de finances actuellement discuté pour l’année 2026</a> prévoit 30 milliards d’euros d’économies, ce qui représente 1,03 % du PIB. Ces économies sont obtenues avec 16,7 milliards d’euros de réduction de dépenses (0,57 point de PIB), et 13,3 milliards d’euros de hausse de la fiscalité. Le déficit public, prévu à 5,6 % en 2025 (163,5 milliards d’euros pour 2025) ne serait donc réduit que de 18,35 %. Pour atteindre l’objectif de stabiliser la dette publique, il faudra amplifier cet effort les prochaines années pour économiser approximativement 120 milliards d’euros (4 points de PIB), soit quatre fois les économies prévues dans le PLF 2026.</p>
<p>Ces réductions à venir des dépenses s’inscrivent dans un contexte. En moyenne, dans les années 1990, les dépenses publiques représentaient 54 % du PIB. Dans les années 2020, elles avaient augmenté de 3 points, représentant alors 57 % du PIB, soit une dépense annuelle additionnelle de 87,6 milliards d’euros, ce qui représente plus de cinq fois les économies inscrites dans le PLF pour 2026. Depuis 2017, ces dépenses ont augmenté d’un point de PIB, soit une hausse annuelle de 29,2 milliards d’euros (1,75 fois plus que les économies du PLF 2026). Étant données ces fortes hausses passées, des réductions de dépenses sont possibles sans remettre en cause le modèle social français. Mais, quelles dépenses réduire ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lendettement-de-letat-sous-chirac-sarkozy-hollande-macron-ce-que-nous-apprend-lhistoire-recente-261478">L’endettement de l’État sous Chirac, Sarkozy, Hollande, Macron… ce que nous apprend l’histoire récente</a>
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<h2>De plus en plus de transferts sociaux</h2>
<p>Chaque poste de dépense se compose d’achats de biens et services (B & S) utilisés par l’État (au sens large, c’est-à-dire l’ensemble des administrations publiques centrales, locales et de sécurité sociale) pour produire, de salaires versés aux agents, et de transferts versés à la population. Quel poste a fortement crû depuis 1995 ?</p>
<p>Le tableau 1 montre qu’en 1995, 40,2 % des dépenses étaient des transferts (soit 22,05 points de PIB), 35,5 % des achats de B & S (soit 19,45 points de PIB) et 24,3 % des salaires (soit 13,33 points de PIB). En 2023, 44,1 % étaient des transferts (+ 3,06 points de PIB), 34,5 % des achats de B & S (- 0,15 point de PIB) et 21,4 % des salaires (- 1,07 points de PIB). Le budget s’est donc fortement réorienté vers les transferts. Les dépenses consacrées aux salaires ont évolué moins vite que le PIB, le poids de ces rémunérations dans les dépenses baissant fortement.</p>
<p><em>Lecture</em> : En 1995, les transferts représentaient 22,05 points de PIB, soient 40,2 % des dépenses totales. Le chiffre entre parenthèses indique la part de cette dépense dans les dépenses totales. Δ : différence entre 2023 et 1995 en points de PIB et le chiffre entre parenthèses l’évolution de la part.</p>
<p>L’État a donc contenu ces achats de B & S et réduit sa masse salariale, quand bien même les effectifs croissaient de plus de 20 % (données <a href="https://fipeco.fr/pdf/emploispublics2023.pdf">FIPECO</a>). Simultanément, l’emploi salarié et non salarié du secteur privé augmentait de 27 % (données <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/2424696">Insee</a>). Des effectifs augmentant moins que dans le privé et une part de la production de l’État dans le PIB progressant révèlent une plus forte hausse de la productivité du travail du secteur public. Mais, ceci ne s’est pas traduit par une augmentation des rémunérations du public. Au contraire, l’écart de salaire entre le public et le privé s’est fortement réduit sur la période, passant de +11,71 % en 1996 en faveur du public (données <a href="https://www.bnsp.insee.fr/ark:/12148/bc6p0702fpd.pdf">Insee (1999)</a> pour le public et <a href="https://www.bnsp.insee.fr/ark%3A/12148/bc6p0702j0f.pdf">Insee (1997)</a> pour le privé), à 5,5 % en 2023 (données <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/8270416">Insee (2024a)</a> pour le privé et <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/8612453">Insee (2024b)</a> pour le public).</p>
<p>Cette première décomposition montre que l’organisation de la production de l’État (achat de B & S et salaires) n’a pas dérivé, mais que les hausses des dépenses de redistribution (+ 3,06 points de PIB en trente ans) ont fortement crû. Ces hausses de transferts correspondent aux trois quarts des économies nécessaires à la stabilisation de la dette publique.</p>
<h2>De moins en moins d’argent pour les élèves et la défense</h2>
<p>Les dépenses de l’État se décomposent en différents services, c'est-à-dire, en différentes fonctions (l'éducation, la défense, la protection sociale…). La figure 1 montre que les dépenses des services généraux, d’éducation et de la défense ont crû moins vite que le PIB depuis 1995 (surface rouge). En effet, leurs budgets en points de PIB ont respectivement baissé de 2,14 points, 0,78 point et 0,68 point de PIB. Si la baisse du premier poste peut s’expliquer, en partie, par la rationalisation liée au recours aux technologies de l’information, et la seconde par l’arrêt de la conscription, celle de l’éducation est plus surprenante.</p>
<p><div inline-promo-placement="editor"></div></p>
<p>Elle l’est d’autant plus que <a href="https://www.ipp.eu/publication/retraites-des-fonctionnaires-detat-faut-il-changer-la-convention-comptable/">Aubert <em>et al.</em> (2025)</a> ont montré que 15 % de ce budget incluait (soit 0,75 point de PIB) des dépenses de retraites qu’il « faudrait » donc réallouer vers les pensions pour davantage de transparence. La croissance constante de cette contribution aux pensions dans le budget de l’éducation indique que les dépenses consacrées aux élèves sont en forte baisse, ce qui peut être mis en lien avec la dégradation des résultats des élèves de France aux tests de type Pisa. Enfin, dans le contexte géopolitique actuel, la baisse du budget de la Défense peut aussi sembler « peu stratégique ».</p>
<p>Lecture : En 1995, les dépenses de protection sociale représentaient 21,41 points de PIB, dont 18,14 points de PIB en transferts, 1,16 point en salaires et 2,11 points en B&S ; en 2023, elles représentaient 23,33 points de PIB dont 20,16 points, 1,12 point en salaire et 2,0 points en B&S.</p>
<h2>De plus en plus pour la santé et la protection sociale</h2>
<p>La surface verte de la figure 1 regroupe les fonctions qui ont vu leurs budgets croître plus vite que le PIB, de la plus faible hausse (ordre public/sécurité, avec + 0,24 point de PIB) aux plus élevées (santé, + 1,72 point de PIB, et protection sociale, + 1,92 point de PIB). Ces deux postes de dépenses représentent 65,3 % des hausses. Viennent ensuite les budgets sport/culture/culte, environnement et logement qui se partagent à égalité 24 % de la hausse totale des dépenses (donc approximativement 8 % chacun). Enfin, les budgets des affaires économiques et de l’ordre public/sécurité expliquent les 10,7 % restant de hausse des dépenses, à hauteur de 6,4 % pour le premier et 4,3 % pour le second.</p>
<p>Si l’on se focalise sur les plus fortes hausses, c’est-à-dire, la santé et la protection sociale, les raisons les expliquant sont différentes. Pour la protection sociale, les dépenses de fonctionnement sont quasiment stables (B&S et salaires) alors que les prestations sont en forte hausses (+ 2 points de PIB). Les dépenses de santé voient aussi les prestations offertes croître (+ 1 point de PIB), mais se caractérisent par des coûts croissants de fonctionnement : + 0,6 point pour les B&S, et + 0,12 point de PIB pour les salaires des personnels de santé, alors que les rémunérations baissent dans le public, ceux des agents de l’éducation, par exemple, passant de 4,28 à 3,47 points de PIB (-0,81 points de PIB).</p>
<h2>Dans la protection sociale, de plus en plus pour la maladie et les retraites</h2>
<p>La protection sociale, premier poste de dépense (23,33 % du PIB), regroupe différentes sous-fonctions représentées dans la figure 2. À l’exception des sous-fonctions maladie/invalidité (+ 0,07 point de PIB), exclusion sociale (+ 0,43 point du PIB) et pensions (+ 2,41 points de PIB), les budgets de toutes les sous-fonctions de la protection sociale ont vu leur part baisser (surface en rouge). Les réformes des retraites ont donc été insuffisantes pour éviter que les pensions soient la dépense en plus forte hausse.</p>
<p>Enfin, si on ajoute aux dépenses de santé la partie des dépenses de protection sociale liée à la maladie et à l'invalidité (voir la figure 2), alors ces dépenses globales de santé ont crû de 1,79 point de PIB entre 1995 et 2023.</p>
<h2>Quels enseignements tirer ?</h2>
<p>Ces évolutions suggèrent que les budgets à venir pourraient cibler les économies sur les dépenses de santé et les pensions, ces deux postes ayant déjà fortement crû dans le passé. Évidemment, une partie de ces hausses est liée à l’inévitable vieillissement de la population. Mais une autre vient de l’augmentation des prestations versées à chaque bénéficiaire. Par exemple, la pension de retraite moyenne est passée de <a href="https://www.cor-retraites.fr/sites/default/files/2024-06/RA2024finale.pdf">50 % du salaire moyen dans les années 1990 à 52,3 % en 2023</a>. Le coût de la prise en charge d’un infarctus du myocarde est passé de 4,5 Smic dans les années 1990 à <a href="http://www2.assemblee-nationale.fr/static/16/pdf/annexe1REPSS-Maladie.pdf">5,6 Smic dans les années 2020</a></p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/fQ-ZTpC8HlM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">France 24, octobre 2025.</span></figcaption>
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<p>En revanche, un rattrapage portant sur l’éducation et la Défense semble nécessaire au vu du sous-investissement passé et des défis à venir. Les rémunérations des agents du public doivent aussi être reconsidérées. Le tableau 2 montre que le PLF 2026 propose des mesures répondant en partie a ce rééquilibrage en réduisant les dépenses de protection sociale et en particulier les pensions. Enfin, le PLF 2026 prévoit une hausse du budget de la défense, alors que la réduction de 8,6 milliards d’euros des budgets des fonctions hors défense et ordre public épargne l’éducation.</p>
<p>Au-delà de ces arguments de rééquilibrage, les choix budgétaires doivent aussi reposer sur une évaluation d’impact sur l’activité (croissance et emploi). Les analyses de <a href="https://www.cepremap.fr/2024/11/limpact-du-projet-de-loi-de-finances-2025-sur-la-croissance-lemploi-et-le-deficit-public/">Langot <em>et al.</em> (2024)</a> indiquent que les baisses de transferts indexés sur les gains passés (comme les retraites) peuvent avoir un effet positif sur la croissance, facilitant alors la stabilisation de la dette publique, au contraire des hausses des prélèvements. </p>
<p>Privilégier la production des biens publics aux dépens des transferts se justifie aussi au regard des enjeux géopolitiques et climatiques, et permet également de réduire les inégalités (voir <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6964922">André <em>et al.</em> (2023)</a>).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/268520/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Si les dépenses publiques ont progressé, il importe de savoir quels postes principaux sont concernés. C'est un préalable si le gouvernement veut les réduire.
François Langot, Professeur d'économie, Directeur adjoint de l'i-MIP (PSE-CEPREMAP), Le Mans Université
Fabien Tripier, Professeur d'économie, Université Paris Dauphine – PSL
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tag:theconversation.com,2011:article/267675
2025-10-30T14:44:01Z
2025-10-30T14:44:01Z
Stabilité affichée, risques cachés : le paradoxe des (cryptoactifs) « stablecoins »
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/698891/original/file-20251028-56-sjogu8.jpg?ixlib=rb-4.1.0&rect=803%2C0%2C4975%2C3317&q=45&auto=format&w=1050&h=700&fit=crop" /><figcaption><span class="caption">Les _stablecoins_ apparaissent comme un instrument de dollarisation et une menace pour la souveraineté monétaire des États, notamment ceux de la zone euro.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-illustration/stable-coin-stablecoins-cryptocurrencies-market-price-2290351895">Funtap/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p><strong>Présentés comme des ponts entre la finance traditionnelle et l’univers des cryptoactifs, les « stablecoins » (jetons indexés) prétendent révolutionner la monnaie et la finance. Pourtant, ils portent en germe une double menace : la fragilisation de l’ordre monétaire, fondé sur la confiance, et de l’ordre financier, en créant de nouveaux canaux de risque.</strong></p>
<hr>
<p>Les « <em>stablecoins</em> » sont des « jetons qui ont pour objectif de pallier la forte volatilité des cryptoactifs traditionnels grâce à l’indexation de leur valeur sur celle d’une devise ou d’un panier de devises (dollar, euro, yen) dans un rapport de 1 : 1, ou encore sur une matière première (or, pétrole) » ainsi que <a href="https://www.economica.fr/crypto-actifs-une-menace-pour-lordre-monetaire-et-financier-c2x41488698">nous l’expliquons dans notre ouvrage avec Nadia Antonin</a>. Pour chaque unité de <em>stablecoin</em> émise, la société émettrice conserve en réserve une valeur équivalente, sous forme de monnaie fiduciaire ou d’actifs tangibles servant de garantie.</p>
<p>On peut distinguer trois types de <em>stablecoins</em> en fonction du type d’ancrage :</p>
<ul>
<li><p>Les <em>stablecoins</em> centralisés, où l’ancrage est assuré par un fonds de réserve stocké en dehors de la chaîne de blocs (<em>off chain</em>).</p></li>
<li><p>Les <em>stablecoins</em> décentralisés garantis par d’autres cryptoactifs, où le collatéral est stocké sur la chaîne de blocs (<em>on chain</em>).</p></li>
<li><p>Les <em>stablecoins</em> décentralisés algorithmiques.</p></li>
</ul>
<p>Fin octobre 2025, la capitalisation de marché des <em>stablecoins</em> atteint 312 milliards de dollars (plus de 269 milliards d’euros), dont 95 % pour les <em>stablecoins</em> centralisés. Nous nous concentrons sur ces derniers.</p>
<h2>Genius Act vs MiCA</h2>
<p>Concernant la composition des réserves, les réglementations diffèrent selon les pays. La loi <a href="https://www.congress.gov/bill/119th-congress/senate-bill/1582/text">Genius</a>, adoptée par le Congrès des États-Unis en juillet 2025, dispose que <a href="https://www.andese.org/contributions/chroniques-de-nadia-antonin/610-stablecoins-enjeux-et-defis-du-genius-act.html">chaque <em>stablecoins</em> de paiement doit être garanti à 100 % par des actifs liquides</a>, principalement des dollars américains, des bons du Trésor ou des dépôts bancaires. Il prévoit également des rapports mensuels détaillés et un audit annuel obligatoire pour les grands émetteurs.</p>
<p>Dans l’Union européenne (UE), le <a href="https://theconversation.com/cryptomonnaies-les-visions-de-trump-et-de-lunion-europeenne-sont-elles-opposees-246791">règlement MiCA</a> impose des conditions beaucoup plus strictes. Il exige que les actifs soient entièrement garantis par des réserves conservées dans des banques européennes et soumis à des audits indépendants au moins deux fois par an.</p>
<h2>Stabilité du système monétaire fragilisée</h2>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/698918/original/file-20251028-66-uy2epc.png?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/698918/original/file-20251028-66-uy2epc.png?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/698918/original/file-20251028-66-uy2epc.png?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=936&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/698918/original/file-20251028-66-uy2epc.png?ixlib=rb-4.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=936&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/698918/original/file-20251028-66-uy2epc.png?ixlib=rb-4.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=936&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/698918/original/file-20251028-66-uy2epc.png?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1177&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/698918/original/file-20251028-66-uy2epc.png?ixlib=rb-4.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1177&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/698918/original/file-20251028-66-uy2epc.png?ixlib=rb-4.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1177&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"><em>Crypto-actifs. Une menace pour l’ordre monétaire et financier</em>, par Céline et Nadia Antonin.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.economica.fr/crypto-actifs-une-menace-pour-lordre-monetaire-et-financier-c2x41488698">Economica</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Bien que plus « stables » en apparence que d’autres cryptoactifs, les <em>stablecoins</em> échouent à satisfaire les trois principes qui, selon la <a href="https://www.bis.org/publ/arpdf/ar2025e.pdf">littérature monétaire</a> institutionnelle, définissent la stabilité d’un système monétaire : l’unicité, l’élasticité et l’intégrité.</p>
<p>Historiquement, le principe d’unicité garantit que toutes les formes de monnaie <br>– billets, dépôts, réserves… – sont convertibles à parité, assurant ainsi une unité de compte stable. Les <em>stablecoins</em>, émis par des acteurs privés et non adossés à la monnaie centrale, mettent fin à cette parité : leur valeur peut s’écarter de celle de la monnaie légale, introduisant un risque de fragmentation de l’unité monétaire.</p>
<p>Le principe d’élasticité renvoie à la capacité du système monétaire à ajuster l’offre de liquidités aux besoins de l’économie réelle. Contrairement aux banques commerciales, qui créent de la monnaie par le crédit sous la supervision de la banque centrale, les émetteurs de <em>stablecoins</em> ne font que transformer des dépôts collatéralisés : ils ne peuvent ajuster la liquidité aux besoins de l’économie.</p>
<p>Le principe d’intégrité suppose un cadre institutionnel garantissant la sécurité, la transparence et la légalité des opérations monétaires. Les <em>stablecoins</em> échappent à la supervision prudentielle, exposant le système à des risques de blanchiment, de fraude et de perte de confiance.</p>
<h2>La question des réserves</h2>
<p>L’existence et la qualité des réserves sont fragiles. Il faut garder à l’esprit que les actifs mis en réserve ne sont pas équivalents à la monnaie banque centrale : ils sont exposés aux risques de marché, de liquidité et de contrepartie. </p>
<p>Aux États-Unis, les émetteurs (comme Tether ou Circle) publient des attestations périodiques, mais ne produisent pas d’audit en temps réel. Rappelons qu’en 2021, Tether s’était vu infliger une amende de 41 millions de dollars (plus de 35 millions d’euros) par la <a href="https://www.cftc.gov/PressRoom/PressReleases/8450-21">Commodity Futures Trading Commission</a> des États-Unis, pour avoir fait de fausses déclarations sur la composition de ses réserves. Les réserves sont souvent fragmentées entre plusieurs juridictions et déposées dans des institutions non réglementées.</p>
<hr>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ou-placer-les-stablecoins-parmi-les-cryptoactifs-256663">Où placer les stablecoins parmi les cryptoactifs ?</a>
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<p>Le modèle économique des émetteurs de <em>stablecoins</em> repose sur la rémunération de leurs réserves. Il va de soi qu’ils n’ont aucun intérêt à détenir des actifs sûrs et à faible rendement. Imaginons que survienne une annonce qui sèmerait le doute sur la qualité des réserves. En l’absence d’accès aux facilités de la banque centrale ou à une assurance-dépôts, une perte de confiance se traduirait mécaniquement par une panique et un risque de perte d’ancrage.</p>
<p>Cette fragilité mine l’une des fonctions essentielles de la monnaie : la réserve de valeur.</p>
<h2>Instrument de dollarisation et de colonisation monétaire</h2>
<p>Les <em>stablecoins</em> apparaissent comme un instrument de dollarisation et une menace pour la souveraineté monétaire des États. En 2025, <a href="https://www.dbresearch.com/PROD/RI-PROD/PDFVIEWER.calias?pdfViewerPdfUrl=PROD0000000000603306">99,0 % des <em>stablecoins</em> sont adossés au dollar</a> en termes de capitalisation de marché. En diffusant des <em>stablecoins</em> adossés au dollar dans les économies émergentes ou faiblement bancarisées, les <em>stablecoins</em> favorisent une dollarisation numérique qui érode la souveraineté monétaire des banques centrales.</p>
<p>Pour l’UE, le risque est celui d’une colonisation monétaire numérique : des systèmes de paiement, d’épargne et de règlement opérés par des acteurs privés extra-européens. Les <em>stablecoins</em> conduisent également à une privatisation du seigneuriage – la perception de revenus liés à l’émission de monnaie, normalement perçus par la Banque centrale européenne (BCE). Les émetteurs de <em>stablecoins</em> captent la rémunération des actifs de réserve sans redistribuer ce rendement aux porteurs. Ce modèle détourne la fonction monétaire : la liquidité publique devient une source de profit privé, sans contribution à la création de crédit ou à l’investissement productif.</p>
<h2>Risque de crise financière systémique</h2>
<p>L’interconnexion entre <em>stablecoins</em> et finance traditionnelle accroît le risque systémique. En cas de perte de confiance, un mouvement de panique pourrait pousser de nombreux détenteurs à échanger leurs <em>stablecoins</em>, mettant en péril la capacité des émetteurs à rembourser. Or, les détenteurs ne sont pas protégés en cas de faillite, ce qui renforce le risque de crise systémique.</p>
<p>Le marché des <em>stablecoins</em> est très lié au marché de la dette souveraine états-unienne. La demande supplémentaire de <em>stablecoins</em> a directement contribué à l’augmentation des <a href="https://www.banque-france.fr/en/publications-and-statistics/publications/stablecoins-and-financing-real-economy">émissions de bons du Trésor à court terme (<em>T-bills</em>) aux États-Unis</a> et à la <a href="https://www.bis.org/publ/work1270.pdf">baisse de leur rendement</a>. La liquidation forcée de dizaines de milliards de <em>T-bills</em> perturberait le marché états-unien de la dette à court terme.</p>
<h2>Risque de crédit et de fraude</h2>
<p>Les <em>stablecoins</em> accroissent le risque de crédit, car comme les autres cryptoactifs, ils offrent un accès facilité à la finance décentralisée. Or, les possibilités d’effets de levier – autrement dit d’amplification des gains et des pertes – sont plus forts dans la finance décentralisée que dans la finance traditionnelle.</p>
<p>Mentionnons le risque de fraude : selon le <a href="https://www.fatf-gafi.org/fr/the-fatf.html">Groupe d’action financière</a> (Gafi), les <em>stablecoins</em> représentent désormais la majeure partie des activités illicites sur la chaîne de blocs, soit environ 51 milliards de dollars (44 milliards d’euros) en 2024.</p>
<p>Les <em>stablecoins</em> fragilisent la souveraineté des États, introduisent une fragmentation monétaire et ouvrent la voie à de nouvelles vulnérabilités financières. Pour l’Europe, l’alternative réside dans le développement d’une monnaie numérique de banque centrale, où l’innovation se conjugue avec la souveraineté. La vraie innovation ne réside pas dans la privatisation de la monnaie, mais dans l’appropriation par les autorités monétaires des outils numériques.</p>
<hr>
<p><em>Cette contribution est publiée en partenariat avec les <a href="https://www.journeeseconomie.org/">Journées de l’économie</a>, cycle de conférences-débats qui se tiendront du 4 au 6 novembre 2025, au Lyon (Rhône). Retrouvez ici le <a href="https://www.journeeseconomie.org/affiche-conference2025">programme complet</a> de l’édition 2025, « Vieux démons et nouveaux mondes »</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/267675/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Céline Antonin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Présentés comme des ponts entre la finance traditionnelle et l’univers des cryptoactifs, les stablecoins portent en germe la fragilisation de l’ordre monétaire et de l’ordre financier.
Céline Antonin, Chercheur à Sciences Po (OFCE) et chercheur associé au Collège de France, Sciences Po
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2025-10-29T14:34:16Z
2025-10-29T14:34:16Z
Redirection du commerce chinois vers l’Europe : petits colis, grand détour
<p><strong>À la suite des droits de douane mis en place par Donald Trump, on observe une réorientation significative du commerce chinois des États-Unis vers l’Union européenne à travers les… petits colis. Explication en chiffres et en graphiques.</strong></p>
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<p>La hausse spectaculaire des <a href="https://theconversation.com/apres-lechec-des-droits-de-douane-de-trump-1-pourquoi-cela-serait-il-un-succes-sous-trump-2-253645">droits de douane imposée par les États-Unis</a> aux importations en provenance de Chine (57,6 % fin août, après un pic à 135,3 % en avril d’après les calculs du <a href="https://www.piie.com/research/piie-charts/2019/us-china-trade-war-tariffs-date-chart">Peterson Institute for International Economics</a>) ferme largement le marché états-unien aux exportateurs chinois. La chute massive des exportations chinoises vers les États-Unis qui s’en est suivie, en recul de près de 25 % sur la période juin-août 2025 par rapport aux mêmes mois de 2024, témoigne de l’ampleur du choc.</p>
<p>Le risque est que, confrontés à la fermeture de l’un de leurs deux principaux marchés, les exportateurs chinois cherchent à réorienter leurs exportations, laissant planer le doute d’une redirection massive vers l’Union européenne (UE). Dans cette perspective, la Commission européenne a mis en place une <a href="https://policy.trade.ec.europa.eu/enforcement-and-protection/trade-defence/monitoring-trade-diversion_en">surveillance du détournement des flux commerciaux</a> pour identifier les produits faisant l’objet d’une hausse rapide des quantités importées et d’une baisse de prix, toutes origines confondues.</p>
<h2>Dynamiques saisonnières</h2>
<p>Le premier graphique montre que, depuis février, la baisse des exportations chinoises s’est accompagnée d’une hausse de celles vers l’Union européenne. Une analyse des évolutions passées révèle toutefois que la hausse observée au deuxième trimestre 2025 correspond en partie à un rebond saisonnier observé à la même époque les années précédentes et lié au Nouvel An chinois, que cela soit pour l’Union européenne, les États-Unis, le Vietnam, le Japon ou la Corée du Sud. Il est essentiel d’interpréter les évolutions récentes au regard des dynamiques saisonnières des années antérieures.</p>
<p>Observer une hausse des importations ne suffit pas à conclure à une redirection du commerce chinois des États-Unis vers l’Union européenne (UE). </p>
<p>Pour qu’un tel phénomène soit avéré, il faut que les mêmes produits soient simultanément concernés par une hausse des volumes d’exportations de la Chine vers l’UE et une baisse vers les États-Unis. Par exemple, une hausse des exportations de <a href="https://theconversation.com/le-bond-en-avant-de-lindustrie-automobile-chinoise-de-1953-a-nos-jours-265607">véhicules électriques chinois</a> vers l’UE ne peut pas être considérée comme une réorientation du commerce puisque ces produits n’étaient pas exportés auparavant vers les États-Unis.</p>
<p>De la même manière, les produits faisant l’objet d’exceptions dans les droits mis en place par Donald Trump, comme certains produits électroniques, certains combustibles minéraux ou certains produits chimiques, ne sont pas susceptibles d’être réorientés. Cela ne signifie pas qu’une augmentation des flux d’importations de ces produits ne soulève pas des enjeux de compétitivité et de concurrence pour les acteurs français ou européens. Mais ces enjeux sont d’une autre nature que ceux liés à une pure redirection du commerce chinois consécutive à la fermeture du marché des États-Unis.</p>
<h2>Deux critères complémentaires</h2>
<p>Pour identifier les produits pour lesquels la fermeture du marché états-unien a entraîné une redirection du commerce chinois vers l’Union européenne (UE), nous combinons deux critères :</p>
<ul>
<li><p>Si, d’une année sur l’autre, le volume des exportations d’un produit vers l’UE augmente plus vite que celui des trois quarts des autres produits chinois exportés vers l’UE en 2024.</p></li>
<li><p>Si, d’une année sur l’autre, le volume des exportations d’un produit vers les États-Unis diminue plus vite que celui des trois quarts des autres produits chinois exportés vers les États-Unis en 2024.</p></li>
</ul>
<p>Seuls les produits pour lesquels les exportations chinoises vers les États-Unis étaient suffisamment importantes avant la fermeture du marché états-unien sont retenus. Soit les 2 499 produits pour lesquels la part des États-Unis dans les exportations chinoises dépassait 5 % en 2024. Pour 402 de ces produits, le volume des exportations chinoises a enregistré une forte baisse entre juin-août 2024 et juin-août 2025.</p>
<h2>Près de 176 produits concernés</h2>
<p>En combinant les deux critères, 176 produits sont concernés en juin-août 2025 (graphique 2), soit 44 % des produits dont les ventes ont nettement chuté sur le marché états-unien. Parmi eux, 105 concernent des produits pour lesquels l’Union européenne a un avantage comparatif révélé, c’est-à-dire pour lesquels la hausse des importations se fait sur une spécialisation européenne. </p>
<p>Moins de la moitié des 176 produits connaît simultanément une forte baisse de leur prix, suggérant qu’une partie de la redirection du commerce chinois entraîne une concurrence par les prix sur le marché européen.</p>
<p>En valeur, les 176 produits identifiés représentent 7,2 % des exportations chinoises vers l’Union européenne sur la dernière période disponible, et la tendance est clairement à la hausse (graphique 3). Cette progression s’explique pour beaucoup par la hausse des flux de petits colis redirigés vers l’UE depuis qu’en avril 2025, les États-Unis ont supprimé <a href="https://www.whitehouse.gov/fact-sheets/2025/04/fact-sheet-president-donald-j-trump-closes-de-minimis-exemptions-to-combat-chinas-role-in-americas-synthetic-opioid-crisis/">l’exemption de droits de douane sur les colis en provenance de Chine</a>.</p>
<h2>Secteurs des machines, chimie et métaux</h2>
<p>Les produits sujets à redirection vers le marché européen sont très inégalement répartis entre secteurs (graphique 4). En nombre, on les retrouve concentrés dans les secteurs des machines et appareils (42 produits), de la chimie (31) et des métaux (22). En valeur cependant, les secteurs les plus concernés sont de très loin les petits colis (qui représentent 5,4 % du commerce bilatéral en juin-août 2025) et, dans une moindre mesure, les équipements de transport, les huiles et machines et appareils.</p>
<p>En comparaison, le Japon subit davantage la réorientation du commerce chinois puisque 298 produits sont identifiés en juin-août 2025 (graphique 5). Ces produits représentent une part beaucoup plus importante des exportations chinoises vers le Japon (16,2 % en juin-août 2025). Des dynamiques similaires sont observées en Corée du Sud (196 produits, représentant 2,7 % de son commerce bilatéral avec la Chine) et le Vietnam (230 produits, 6,5 % de son commerce bilatéral avec la Chine).</p>
<h2>Fin du régime douanier simplifié</h2>
<p>Consciente de la menace qu’ils représentent, la Commission européenne prévoit, dans le cadre de la prochaine réforme du Code des douanes, de mettre fin au régime douanier simplifié dont ces petits colis bénéficient actuellement. Cette réforme ne devrait pas entrer en vigueur avant 2027. D’ici là, certains États membres tentent d’aller plus vite. </p>
<p>En France, le gouvernement a récemment proposé, dans le cadre de son projet de loi de finance, d’instaurer une <a href="https://theconversation.com/comment-fait-temu-pour-proposer-des-prix-aussi-bas-245814">taxe forfaitaire par colis</a>. Mais, sans coordination européenne, la mesure risque d’être contournée : les colis pourraient simplement transiter par un pays de l’UE à la taxation plus clémente.</p>
<p>Au-delà des petits colis, un certain nombre d’autres produits sont également soumis à des hausses rapides des quantités importées, susceptibles de fragiliser les producteurs européens, mais ils représentent une part limitée des importations européennes en provenance de Chine. Des tendances qui devront être confirmées dans les prochains mois par un suivi régulier.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/268450/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
À la suite des droits de douane mis en place par Donald Trump, on observe une réorientation significative du commerce chinois des États-Unis vers l’Union européenne à travers les… petits colis.
Charlotte Emlinger, Économiste, CEPII
Kevin Lefebvre, Économiste, CEPII
Vincent Vicard, Économiste, adjoint au directeur, CEPII
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tag:theconversation.com,2011:article/263068
2025-10-28T14:19:18Z
2025-10-28T14:19:18Z
Économie circulaire : les consommateurs, acteurs oubliés de la réglementation européenne
<p><strong>Parfois présentés comme des victimes des actions des producteurs, les consommateurs détiennent pourtant un vrai pouvoir d’agir, au-delà de leur comportement d’achat. Les évolutions récentes de la réglementation en matière d’économie circulaire dans l’Union européenne le rappellent. Décryptage.</strong></p>
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<p>L’<a href="https://www.ecologie.gouv.fr/politiques-publiques/leconomie-circulaire">économie circulaire</a> a pour objectif de produire des biens et des services de manière durable en réduisant les déchets et l’exploitation des ressources naturelles. Si l’on parle souvent des rôles des institutions, des entreprises ou des ONG dans cette transition, le consommateur reste un acteur trop souvent sous-estimé. </p>
<p>Il joue pourtant un rôle crucial, parfois même sans le savoir, sur l’évolution de la réglementation européenne, comme en atteste l’émergence du concept de <a href="https://www.europarl.europa.eu/factsheets/fr/sheet/77/consommation-et-production-durables">« droit à la consommation durable »</a>.</p>
<h2>Un puissant levier d’action</h2>
<p>Les préférences des consommateurs ont toujours été un levier d’action puissant pour orienter les marchés et les politiques publiques. Dans le cadre de l’économie circulaire, plusieurs évolutions réglementaires récentes en Europe illustrent cette influence indirecte.</p>
<p>Prenons l’exemple du gaspillage alimentaire, qui a fait l’objet d’une loi en France, dite <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/loi-anti-gaspillage-economie-circulaire">loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (Agec)</a> (n°2020-105 du 10 février 2020). Cette dernière étend notamment l’obligation d’un diagnostic anti-gaspillage aux industries agroalimentaires et introduit un label national « anti-gaspillage alimentaire ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-face-cachee-du-vrac-252439">La face cachée du vrac</a>
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<p>Par ailleurs, l’essor de <a href="https://affichage-environnemental.ademe.fr/">l’affichage environnemental</a>, prévu dans le cadre du <a href="https://commission.europa.eu/strategy-and-policy/priorities-2019-2024/european-green-deal_fr">Pacte vert</a> pour l’Europe, trouve ses racines dans une exigence citoyenne accrue pour la transparence. En choisissant de privilégier des produits plus durables ou issus du recyclage, les consommateurs ont progressivement orienté les stratégies des entreprises, qui, à leur tour, ont poussé à la création de normes harmonisées au niveau européen.</p>
<h2>Accélérer les réformes</h2>
<p>Plus encore, en s’organisant en collectifs, les citoyens peuvent faire pression pour accélérer les réformes. La définition d’un régime juridique spécifique pour les <a href="https://www.vie-publique.fr/questions-reponses/272031-protection-des-consommateurs-les-actions-de-groupe-europeennes">actions de groupe</a> (directive <a href="https://commission.europa.eu/law/law-topic/consumer-protection-law/representative-actions-directive_fr">UE 2020/1828</a>), proposée par la Commission européenne, atteste de cet impact croissant des consommateurs sur la réglementation européenne.</p>
<p>Les consommateurs européens n’ont pas nécessairement conscience de l’influence qu’ils peuvent avoir sur la réglementation. Mais, lorsque des milliers de personnes adoptent des comportements similaires, comme acheter des vélos électriques ou se tourner vers les circuits courts, elles créent une dynamique de marché qui attire l’attention des décideurs politiques. Ces derniers, soucieux de répondre aux attentes de la société, ajustent alors les normes et les lois.</p>
<h2>Des labels un peu flous</h2>
<p>Cette influence parfois inconsciente des consommateurs européens sur la réglementation pose également des questions éthiques et pratiques. Les consommateurs disposent-ils réellement des informations nécessaires pour orienter efficacement les politiques ? </p>
<p>À titre d’exemple, une <a href="https://www.actu-environnement.com/ae/news/directive-ecoblanchiment-Europe-43062.php4">étude menée en 2020 par la Commission européenne</a>, recensant 230 labels de durabilité et 100 labels d’énergie verte au sein de l’UE, démontre que 53 % de ces allégations économiques donnent des renseignements vagues, trompeurs ou non fondés, et que 40 % d’entre elles ne sont absolument pas étayées.</p>
<p>Dans ce contexte, la responsabilité des consommateurs européens n’est-elle pas parfois démesurée, au regard des moyens limités dont ils disposent pour déchiffrer des marchés complexes ?</p>
<h2>Dimension démocratique</h2>
<p>Le concept de <a href="https://www.europarl.europa.eu/factsheets/fr/sheet/77/consommation-et-production-durables">« droit à la consommation durable »</a> gagne progressivement du terrain dans les discussions politiques et académiques. En 2018, une <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52018DC0183&from=GA">communication de la Commission européenne</a> associe pour la première fois consommation et environnement. </p>
<p>Le consommateur est alors identifié comme un acteur clé pour réussir la transition vers une économie circulaire. À ce titre, il doit à la fois avoir accès à davantage d’informations en matière de réparabilité et de durabilité des produits et être mieux protégé des allégations environnementales trompeuses (<em>greenwashing</em>). Il s’agit dans ce cadre d’un prolongement naturel des <a href="https://www.europarl.europa.eu/factsheets/fr/sheet/47/les-mesures-de-protection-des-consommateurs">droits des consommateurs</a> tels qu’ils ont été définis dans les différentes directives européennes.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/F9oSk1NKqCw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Adopter une approche centrée sur ce droit renforce la légitimité des politiques publiques. En reconnaissant les consommateurs comme des acteurs actifs de la transition vers une économie circulaire, l’Union européenne pourrait accroître l’adhésion des citoyens à ses initiatives. Cela offre un cadre juridique pour résoudre certaines controverses, telles que l’obsolescence programmée ou encore le <em>greenwashing</em>.</p>
<h2>Vers une responsabilité partagée</h2>
<p>Pour que le consommateur européen joue pleinement son rôle dans la transition vers une économie circulaire, il est crucial d’établir une responsabilité partagée. Les entreprises doivent proposer des produits et services conformes aux principes de durabilité, tandis que les pouvoirs publics doivent créer un cadre réglementaire incitatif et équitable.</p>
<p>Cependant, le cadre réglementaire européen souffre de disparités d’application au sein des États membres. Plus encore, la multiplication des crises en cours et à venir (géopolitiques, climatiques mais aussi sociales) impactent parfois le calendrier des avancées réglementaires ou nécessitent un réajustement de la régulation. La <a href="https://www.robert-schuman.eu/questions-d-europe/738-les-diverses-causes-de-la-crise-agricole-en-europe">récente crise sociale des agriculteurs</a>, qui a touché plusieurs pays européens, comme l’Allemagne ou la France, a relancé le débat d’une pause en matière de règles environnementales.</p>
<p>En parallèle, certains principes en lien avec l’économie circulaire remettent en cause le droit des consommateurs. Par exemple, l’approbation en mai 2024 de la <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/right-to-repair-products/">directive sur le droit à la réparation</a> crée un ensemble d’outils et d’incitations visant à rendre la réparation plus attractive pour les consommateurs européens. </p>
<p>Vouloir imposer la réparation au détriment du remplacement d’un produit représenterait une régression des droits des consommateurs. Aujourd’hui, le consommateur peut choisir librement entre réparer et remplacer un produit défectueux. Mais l’Europe envisage d’imposer la réparation comme premier recours, ce qui limiterait la possibilité d’exiger un remplacement immédiat. Le consommateur devra alors attendre le retour de son produit réparé, quelques jours… ou quelques semaines.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/paradoxe-de-lindice-de-durabilite-les-ecolos-remplacent-plus-frequemment-leurs-produits-250467">Paradoxe de l’indice de durabilité : les écolos remplacent plus fréquemment leurs produits</a>
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<p>Il est donc important que le droit à la consommation durable conduise à une harmonisation, à l’échelle européenne, de la protection du consommateur en prenant en compte les réalités et contraintes de l’ensemble des parties prenantes.</p>
<h2>Un acteur incontournable</h2>
<p>Dans cette grande transition vers l’économie circulaire, le consommateur européen occupe une place à part. Son rôle dépasse largement le cadre de ses achats : il devient un acteur influent, capable de façonner les politiques publiques et d’imposer des standards plus élevés de durabilité. </p>
<p>Renforcer ce « droit à la consommation durable » pourrait non seulement accélérer les avancées réglementaires, mais aussi engager les citoyens dans un projet collectif ambitieux. En prenant conscience de son pouvoir et en exigeant des politiques à la hauteur des enjeux, le consommateur européen peut devenir le véritable moteur d’une Europe plus verte, plus juste et plus circulaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/263068/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Au sein de l’économie circulaire, le rôle du consommateur dépasse l’acte d’achat : il influence aussi la conception, la fabrication et la durabilité des produits.
Karine Bouvier, Chercheuse, Université de Strasbourg
Jeanne Bessouat, Associate professor in Supply Chain Management, Université de Strasbourg
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tag:theconversation.com,2011:article/267489
2025-10-28T09:42:22Z
2025-10-28T09:42:22Z
Le cas Yuka : quand l’information sur les aliments convoque confiance, « empowerment » et gouvernance algorithmique
<p><strong>Portées par la popularité de Yuka ou d’Open Food Facts, les applications de scan alimentaire connaissent un réel engouement. Une étude analyse les ressorts du succès de ces outils numériques qui fournissent des informations nutritionnelles perçues comme plus indépendantes que celles présentes sur les emballages et délivrées soit par les pouvoirs publics (par exemple, l’échelle Nutri-Score) soit par les marques.</strong></p>
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<p>La confiance du public envers les autorités et les grands industriels de l’alimentaire s’érode, et un phénomène en témoigne : le succès fulgurant des applications de scan alimentaire. Ces outils numériques, tels que Yuka ou Open Food Facts, proposent une alternative aux étiquettes nutritionnelles officielles en évaluant les produits au moyen de données collaboratives ouvertes ; elles sont ainsi perçues comme plus indépendantes que les systèmes officiels.</p>
<p>Preuve de leur succès, on apprend à l’automne 2025 que l’application Yuka (<em>créée en France en 2017, ndlr</em>) est désormais plébiscitée aussi aux États-Unis. <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/make-america-svelte-again-lappli-francaise-yuka-plebiscitee-aux-etats-unis-2191979">Robert Francis Kennedy Jr, le ministre de la santé de l’administration Trump, en serait un utilisateur revendiqué</a>.</p>
<h2>Une enquête autour des sources d’information nutritionnelle</h2>
<p>La source de l’information apparaît essentielle à l’ère de la méfiance. C’est ce que confirme <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/mar.22214">notre enquête</a> publiée dans <em>Psychology & Marketing</em>. Dans une première phase exploratoire, 86 personnes ont été interrogées autour de leurs usages d’applications de scan alimentaire, ce qui nous a permis de confirmer l’engouement pour l’appli Yuka.</p>
<p>Nous avons ensuite mené une analyse quantitative du contenu de plus de 16 000 avis en ligne concernant spécifiquement Yuka et, enfin, mesuré l’effet de deux types de signaux nutritionnels (soit apposés sur le devant des <a href="https://theconversation.com/topics/emballages-35895">emballages</a> type Nutri-Score, soit obtenus à l’aide d’une application de scan des aliments comme Yuka).</p>
<p>Les résultats de notre enquête révèlent que 77 % des participants associent les labels nutritionnels officiels (comme le <a href="https://theconversation.com/topics/nutri-score-103046">Nutri-Score</a>) aux grands acteurs de l’industrie agroalimentaire, tandis qu’ils ne sont que 27 % à percevoir les applis de scan comme émanant de ces dominants.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-danone-retire-le-nutri-score-de-ses-yaourts-a-boire-249964">Pourquoi Danone retire le Nutri-Score de ses yaourts à boire</a>
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<p>À noter que cette perception peut être éloignée de la réalité. Le <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/nutrition-et-activite-physique/articles/nutri-score">Nutri-Score</a>, par exemple, n’est pas affilié aux marques de la grande distribution. Il a été développé par le ministère français de la santé qui s’est appuyé sur les travaux d’une équipe de recherche publique ainsi que sur l’expertise de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et du Haut Conseil de la santé publique (HCSP).</p>
<div style="font-family: 'Arial', serif; color: #333; padding: 50px 0;">
<div style="max-width: 1200px; margin: 0 auto; padding: 20px; border-left: 3px solid #1A1A1A; border-radius: 20px; background-color: #F7F7F7;">
<h1>C’est quoi, le Nutri-Score ? </h1>
<ul>
<li>Le Nutri-Score est un logo apposé, sur la base du volontariat, sur l’emballage de produits alimentaires pour informer le consommateur sur leur qualité nutritionnelle.</li>
<li>L’évaluation s’appuie sur une échelle de cinq couleurs allant du vert foncé au orange foncé. Chaque couleur est associée à une lettre, de A à E.</li>
<li>La note est attribuée en fonction des nutriments et aliments à favoriser dans le produit pour leurs qualités nutritionnelles (fibres, protéines, fruits, légumes, légumes secs) et de ceux à éviter (énergie, acides gras saturés, sucres, sel et édulcorants pour les boissons).</li>
</ul>
</div>
<p></p></div><p></p>
<p>De son côté, la base de données <a href="https://fr.openfoodfacts.org/">Open Food Facts</a> (<em>créée en France en 2012, ndlr</em>) apparaît comme un projet collaboratif avec, aux manettes, une association à but non lucratif. Quant à <a href="https://yuka.io/">l’application Yuka</a>, elle a été créée par une start-up.</p>
<h2>Des applis nutritionnelles perçues comme plus indépendantes</h2>
<p>Ces applications sont vues comme liées à de plus petites entités qui, de ce fait, apparaissent comme plus indépendantes. Cette différence de perception de la source engendre un véritable fossé de confiance entre les deux types de signaux. Les consommateurs les plus défiants se montrent plus enclins à se fier à une application indépendante qu’à une étiquette apposée par l’industrie ou par le gouvernement (Nutri-Score), accordant ainsi un avantage de confiance aux premières.</p>
<p>Ce phénomène, comparable à un effet « David contre Goliath », illustre la manière dont la défiance envers, à la fois, les autorités publiques et les grandes entreprises alimente le succès de solutions perçues comme plus neutres. Plus largement, dans un climat où rumeurs et désinformation prospèrent, beaucoup préfèrent la transparence perçue d’une application citoyenne aux communications officielles.</p>
<h2>Dimension participative et « volet militant »</h2>
<p>Outre la question de la confiance, l’attrait des applications de scan tient aussi à l’<em>empowerment</em> ou empouvoirement (autonomisation) qu’elles procurent aux utilisateurs. L’<em>empowerment</em> du consommateur se traduit par un sentiment accru de contrôle, une meilleure compréhension de son environnement et une participation plus active aux décisions. En scannant un produit pour obtenir instantanément une évaluation, le citoyen reprend la main sur son alimentation au lieu de subir passivement l’information fournie par le fabricant.</p>
<p><div inline-promo-placement="editor"></div></p>
<p>Cette <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-meilleur-des-mondes/yuka-open-food-facts-que-peuvent-les-apps-face-a-l-industrie-agro-alimentaire-1144094">dimension participative</a> a même un volet qui apparaît militant : Yuka, par exemple, est souvent présentée comme l’arme du « petit consommateur » contre le « géant agro-industriel ». Ce faisant, les <a href="https://agoramanagers.tv/customer-empowerment-quand-lavis-et-les-decisions-des-clients-font-bouger-les-entreprises/">applications de scan contribuent à autonomiser les consommateurs</a> qui peuvent ainsi défier les messages marketing et exiger des comptes sur la qualité des produits.</p>
<h2>Des questions de gouvernance algorithmique</h2>
<p>Néanmoins, cet <em>empowerment</em> s’accompagne de nouvelles questions de gouvernance algorithmique. En effet, le <a href="https://doi.org/10.1016/j.jbusres.2024.115039">pouvoir d’évaluer les produits bascule des acteurs traditionnels vers ces plateformes et leurs algorithmes</a>. Qui définit les critères du score nutritionnel ? Quelle transparence sur la méthode de calcul ? Ces applications concentrent un pouvoir informationnel grandissant : elles peuvent, d’un simple score, influer sur l’image d’une marque, notamment celles à la notoriété modeste qui ne peuvent contrer une mauvaise note nutritionnelle.</p>
<p>Garantir la sécurité et l’intégrité de l’information qu’elles fournissent devient dès lors un enjeu essentiel. À mesure que le public place sa confiance dans ces nouveaux outils, il importe de s’assurer que leurs algorithmes restent fiables, impartiaux et responsables. Faute de quoi, l’espoir d’une consommation mieux informée pourrait être trahi par un excès de pouvoir technologique non contrôlé.</p>
<p>À titre d’exemple, l’algorithme sur lequel s’appuie le Nutri-Score est réévalué en fonction de l’avancée des connaissances sur l’effet sanitaire de certains nutriments et ce, en toute transparence. <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/nutrition-et-activite-physique/articles/nutri-score#block-371455">En mars 2025, une nouvelle version de cet algorithme Nutri-Score est ainsi entrée en vigueur</a>.</p>
<p>La montée en puissance des applications de scan alimentaire est le reflet d’une perte de confiance envers les institutions, mais aussi d’une aspiration à une information plus transparente et participative. Loin d’être de simples gadgets, ces applis peuvent servir de complément utile aux politiques de santé publique (et non s’y substituer !) pour reconstruire la confiance avec le consommateur.</p>
<p>En redonnant du pouvoir au citoyen tout en encadrant rigoureusement la fiabilité des algorithmes, il est possible de conjuguer innovation numérique et intérêt général. Réconcilier information indépendante et gouvernance responsable jouera un rôle clé pour que, demain, confiance et choix éclairés aillent de pair.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/267489/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie-Eve Laporte a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche (ANR). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Béatrice Parguel, Camille Cornudet, Fabienne Berger-Remy et Jean-Loup Richet ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>
Une étude analyse le succès d’applications d’évaluation de produits alimentaires, comme Yuka ou Open Food Facts, perçues comme plus indépendantes que le Nutri-Score ou que les industriels.
Jean-Loup Richet, Maître de conférences et co-directeur de la Chaire Risques, IAE Paris – Sorbonne Business School; Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Béatrice Parguel, Chargée de recherche CNRS, Université Paris Dauphine – PSL
Camille Cornudet, Maître de conférence, Université Paris Nanterre
Fabienne Berger-Remy, Maîtresse de conférences HDR en sciences de gestion, Université Paris Dauphine – PSL
Marie-Ève Laporte, Professeure en sciences de gestion, Université Paris-Saclay
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/266697
2025-10-27T14:53:57Z
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L’industrie automobile européenne face à la guerre en Ukraine
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/696904/original/file-20251017-56-r9zq4d.jpg?ixlib=rb-4.1.0&rect=390%2C0%2C4218%2C2812&q=45&auto=format&w=1050&h=700&fit=crop" /><figcaption><span class="caption">Avec la guerre en Ukraine, la rupture des chaînes d’approvisionnement de l’industrie automobile européenne a conduit à l’arrêt de plusieurs usines d’assemblage en Allemagne.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/munich-germany-july-10-2019-lots-1495443896">servickuz/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p><strong>Depuis 2022, la guerre en Ukraine a conduit le secteur automobile à revoir ses chaînes de valeur en gérant de nouveaux risques. Les constructeurs européens de véhicules cherchent à ajuster leur organisation toyotiste, dite « au plus juste », en acceptant de recréer des stocks, d’intégrer verticalement certains partenaires stratégiques et de repenser la localisation des productions.</strong></p>
<hr>
<p>Au-delà du drame humain, le conflit en Ukraine a obligé les industriels européens de l’automobile à ajuster leurs chaînes de valeurs et à repenser la localisation de leurs activités. Dans un article publié en 2022 dans la <a href="https://shs.cairn.info/revue-d-economie-financiere-2022-3-page-207"><em>Revue d’économie financière</em></a>, nous analysions les déflagrations et recompositions économiques de ce conflit à travers la situation délicate de l’industrie automobile européenne à l’aube de la guerre.</p>
<p>Déjà soumis à la pénurie des semi-conducteurs et la pandémie de Covid-19, les constructeurs et les équipementiers automobiles ont dû engager, en à peine quelques mois, des reconfigurations de leurs chaînes de valeurs. Les modèles de production ont alors été revus, en particulier par ceux inspirés du « juste à temps ». Au-delà de l’abandon du marché russe ceux d’entre eux qui s’y étaient engagés tels que Renault-Nissan, Volkswagen, ou Michelin, les orientations stratégiques ont été profondément remises en question.</p>
<p>Avec quelles réussites ?</p>
<h2>Chaînes de valeur déjà en tension avant le conflit</h2>
<p>Le 24 février 2022, le conflit en Ukraine éclate tandis que le secteur automobile européen peine à digérer les deux crises du Covid-19 et de la pénurie des <a href="https://theconversation.com/production-de-semi-conducteurs-aux-etats-unis-la-relocalisation-fait-face-a-une-penurie-de-competences-252675">semi-conducteurs</a>. Le conflit précipite le secteur dans une rupture de chaînes de valeurs du fait de l’<a href="https://oica.net/category/sales-statistics/">effondrement du marché russe couplé à l’atonie des marchés européens</a>.</p>
<iframe title="Évolution du marché automobile (VPN) en Europe et en Russie (2019–2021)" aria-label="Tableau" id="datawrapper-chart-pUEiN" src="https://datawrapper.dwcdn.net/pUEiN/1/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100%!important; border: none;" height="1400" data-external="1" width="100%"></iframe>
<p>Au cours des premiers mois de la guerre, le marché russe s’est effondré de 85 %. Le marché ukrainien, certes plus petit, mais stratégiquement important pour certains fournisseurs, a vu ses immatriculations chuter de plus de 90 %. La rupture des chaînes d’approvisionnement a conduit à l’arrêt de plusieurs usines d’assemblage comme en Allemagne pour Volkswagen à Zwickau et à Dresde en mars 2022. La vulnérabilité du modèle de production <em>lean</em> est apparue au grand jour. Conçu pour réduire les stocks et les coûts, le modèle semble peu adapté à un monde devenu bien plus fragmenté, exposé à des événements géopolitiques extrêmes.</p>
<p>La transition vers une mobilité décarbonée oblige les acteurs à se tourner vers le <a href="https://shs.cairn.info/magazine-questions-internationales-2022-3-page-129">tout électrique</a> nécessitant métaux et terres rares. Cette transition complique la tâche des industries européennes, puisque la Russie est un acteur majeur dans l’exportation de métaux essentiels à la fabrication de moteurs, de catalyseurs et de batteries, comme l’aluminium, le nickel ou encore le palladium. Le prix de ces matériaux a ainsi bondi entre 2020 et 2022 ce qui a contribué à l’inflation des prix des véhicules.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/697231/original/file-20251020-56-es0zyv.png?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/697231/original/file-20251020-56-es0zyv.png?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/697231/original/file-20251020-56-es0zyv.png?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=502&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/697231/original/file-20251020-56-es0zyv.png?ixlib=rb-4.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=502&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/697231/original/file-20251020-56-es0zyv.png?ixlib=rb-4.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=502&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/697231/original/file-20251020-56-es0zyv.png?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=630&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/697231/original/file-20251020-56-es0zyv.png?ixlib=rb-4.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=630&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/697231/original/file-20251020-56-es0zyv.png?ixlib=rb-4.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=630&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Indices des prix des matières premières 2019-2022.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/serie/010002010">INSEE</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Régionalisation accrue de la production automobile</h2>
<p>Le retrait du marché russe par les marques européennes a laissé la place aux <a href="https://theconversation.com/le-bond-en-avant-de-lindustrie-automobile-chinoise-de-1953-a-nos-jours-265607">acteurs chinois</a> qui ont vu leurs parts de marché progresser depuis 2022. Grâce aux « nouvelles routes de la soie », qui renforcent les liens logistiques entre Moscou et Pékin, des constructeurs comme Geely ou Haval ont été parmi les premiers à se positionner pour approvisionner le marché russe.</p>
<p>Au-delà des risques de sanctions pour Pékin, cette stratégie illustre comment la géopolitique redessine les équilibres industriels à l’échelle mondiale.</p>
<p>La guerre en Ukraine a amené les constructeurs à modifier leurs priorités, puisque la logique de gestion des risques est alors devenue primordiale devant l’efficacité économique. La révision des chaînes de valeur a amené les constructeurs à diversifier leurs fournisseurs et internaliser davantage d’étapes de production. Il s’agit du rachat ou de la prise de participation dans les entreprises qui fabriquent certains composants devenus stratégiques – on parle alors d’intégration verticale puisque les constructeurs absorbent des entreprises qui interviennent en amont du processus de production des véhicules. Ces derniers ont également dû accepter les coûts liés au maintien de stocks stratégiques. La proximité géographique et la fiabilité des partenaires sont apparues tout aussi importantes que le prix.</p>
<p>Pour limiter les risques, l’industrie automobile européenne cherche dès lors à sécuriser l’accès aux matières premières critiques et à réduire sa dépendance vis-à-vis de régions politiquement instables. La régionalisation accrue de la production s’impose.</p>
<h2>Relance des volumes en Europe à travers davantage de petits véhicules abordables</h2>
<p>La sécurisation des approvisionnements s’avère particulièrement ardue dans la transition énergétique qui s’annonce.</p>
<p>L’électrification de la filière automobile crée de nouvelles fragilités. Pourquoi ? Parce qu’elle requiert une quantité accrue de semi-conducteurs et de <a href="https://theconversation.com/lithium-graphite-nickel-leurope-relance-sa-strategie-industrielle-de-matieres-premieres-critiques-de-lextraction-au-recyclage-256664">minéraux rares</a>, comme le lithium et le cobalt. Les tensions géopolitiques autour de Taïwan, premier fabricant mondial de puces électroniques, ou dans la région du Sahel, stratégique pour l’approvisionnement en uranium et autres ressources, pourraient provoquer de nouvelles crises d’approvisionnement.</p>
<p>Cette contrainte oblige l’Europe à trouver des voies possibles pour une sécurité économique permettant à toute la filière automobile de continuer de restructurer ses activités sans compromettre sa compétitivité.</p>
<p>Jusqu’à récemment, le secteur semblait relever ce défi en misant sur une stratégie industrielle axée sur la réduction des volumes de production, tout en élargissant les gammes de modèles et en augmentant les prix, notamment grâce aux SUV électrifiés (hybrides rechargeables et véhicules électriques à batterie) et à la montée en gamme (ou « premiumisation » des ventes). L’atonie des <a href="https://oica.net/category/sales-statistics/">ventes</a> observée depuis 2024 remet en cause cette stratégie.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/6ovSxpqPA4E?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>La relance des ventes pourrait venir d’une offre de <a href="https://www.la-fabrique.fr/fr/publication/voiture-electrique-a-succes/">véhicules électriques plus petits et abordables</a>, afin d’atteindre l’objectif de neutralité carbone du parc automobile européen d’ici 2050. Fabriqués sur le territoire européen, ces véhicules devront aussi répondre à des <a href="https://gerpisa.org/node/8350">exigences légitimes de contenu local</a>. Ce retour à des petits modèles compacts, qui sont dans l’ADN des marques européennes, apparaît comme une condition indispensable pour préserver l’indépendance industrielle du continent et maintenir les emplois dans le secteur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/266697/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Prieto Marc ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Depuis 2022, la guerre en Ukraine a conduit l’industrie automobile à revoir ses chaînes de valeur en gérant de nouveaux risques.
Prieto Marc, Professeur-HDR, directeur de l'Institut ESSCA "Transports & Mobilités Durables", ESSCA School of Management
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/267041
2025-10-27T10:05:41Z
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L’IA transforme le conseil plus qu’elle ne le remplace
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/696949/original/file-20251017-56-no7yxj.jpg?ixlib=rb-4.1.0&rect=222%2C0%2C4677%2C3118&q=45&auto=format&w=1050&h=700&fit=crop" /><figcaption><span class="caption">Le cabinet McKinsey a déployé 12&nbsp;000 agents IA au service de ses 40&nbsp;000 collaborateurs, après avoir licencié 5&nbsp;000 salariés.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/chatgpt-chat-ai-artificial-intelligence-technology-2300179463">SuPatMaN/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p><strong>Le conseil mue : moins d’exécution, plus de décision et de conduite du changement. Preuve à l’appui, cabinets et compétences s’ajustent vite.</strong></p>
<hr>
<p>Il y a quelques mois à peine, <a href="https://theconversation.com/salaries-chefs-dentreprises-lia-va-tout-changer-profitez-en-247281">nous évoquions trois phases dans l’adoption de l’IA</a> : productivité, point d’inflexion, puis substitution.</p>
<p>Les grands cabinets de conseil viennent tout juste de franchir ce seuil critique.</p>
<p>McKinsey a <a href="https://thefinancestory.com/mckinsey-deploys-12000-ai-agents">déployé 12 000 agents IA</a> pour assister ses 40 000 collaborateurs. Dans le même temps, l’entreprise est <a href="https://www.entrepreneur.com/business-news/ai-creates-powerpoints-at-mckinsey-replacing-junior-workers/492624">passée de 45 000 à 40 000 employés</a>. Accenture a <a href="https://www.economiematin.fr/licenciements-massifs-accenture-ia">licencié 12 000 personnes en trois mois</a>, celles jugées « incapables de se reconvertir » à l’IA selon sa direction. Le Boston Consulting Group affirme que <a href="https://www.consultor.fr/articles/ia-generative-20-des-revenus-monde-du-bcg-en-2024-et-deja-25-en-france">20 % de ses revenus proviennent désormais de l’IA</a>, avec un objectif de 40 % d’ici 2026.</p>
<p>Le métier du conseil n’est pas mort. Il se réinvente, vite.</p>
<p><div inline-promo-placement="editor"></div></p>
<h2>L’automatisation dévore les tâches analytiques</h2>
<p>Aujourd’hui, l’intelligence artificielle remplace ce que faisaient les consultants juniors : synthétiser des données, produire des slides, rechercher des informations.</p>
<p><a href="https://www.entrepreneur.com/business-news/ai-creates-powerpoints-at-mckinsey-replacing-junior-workers/492624">Plus de 75 % des employés de McKinsey</a> utilisent Lilli, la plateforme IA interne. L’outil <a href="https://www.mckinsey.com/capabilities/mckinsey-digital/how-we-help-clients/rewiring-the-way-mckinsey-works-with-lilli">traite plus de 500 000 requêtes par mois</a> et permet d’économiser environ 30 % du temps consacré à la recherche et à la synthèse.</p>
<p>Cette évolution suit exactement le modèle anticipé.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/696690/original/file-20251016-56-aqmf7k.png?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/696690/original/file-20251016-56-aqmf7k.png?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=357&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/696690/original/file-20251016-56-aqmf7k.png?ixlib=rb-4.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=357&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/696690/original/file-20251016-56-aqmf7k.png?ixlib=rb-4.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=357&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/696690/original/file-20251016-56-aqmf7k.png?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=449&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/696690/original/file-20251016-56-aqmf7k.png?ixlib=rb-4.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=449&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/696690/original/file-20251016-56-aqmf7k.png?ixlib=rb-4.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=449&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les trois phases d’adoption de l’IA dans le conseil.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laurent Flores</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une <a href="https://www.nber.org/papers/w31161">étude de Stanford (2023)</a> menée auprès de 5 000 agents de support clients montre que l’IA augmente la productivité de 14 % en moyenne. L’effet est massif chez les débutants (+35 %) et plus modeste pour les personnes les plus expérimentées. L’IA gomme une partie de l’inexpérience du junior.</p>
<p>Les chiffres ne mentent pas. Accenture a formé <a href="https://www.lemondeinformatique.fr/actualites/lire-faute-de-reconversion-sur-l-ia-des-milliers-de-salaries-d-accenture-licencies-98013.html">550 000 employés à l’IA générative</a>. Le nombre de ses spécialistes data et IA est <a href="https://www.channelnews.fr/accenture-se-restructure-et-se-separe-des-employes-depasses-par-lia-151343">passé de 40 000 à 77 000</a> en deux ans.</p>
<h2>La valeur migre vers la décision humaine</h2>
<p>Pourtant, le conseil ne disparaît pas. Il se redéfinit. </p>
<blockquote>
<p>« Do we need armies of business analysts creating PowerPoints ? No, the technology could do that » (« Avons-nous besoin d’armées d’analystes d’affaires qui créent des présentations PowerPoint ? Non, la technologie peut le faire »), <a href="https://www.entrepreneur.com/business-news/ai-creates-powerpoints-at-mckinsey-replacing-junior-workers/492624">déclare Kate Smaje</a>, responsable mondiale de la technologie chez McKinsey.</p>
</blockquote>
<p>L’IA synthétise et analyse. L’humain analyse et décide. Cette redistribution de la valeur se lit aussi dans les comptes.</p>
<p>Boston Consulting Group (BCG) a <a href="https://www.brainforge.ai/blog/how-big-consulting-firms-profit-massively-from-ai-consulting">réalisé 2,7 milliards de dollars</a> de chiffre d’affaires lié à l’IA en 2024, sur un total de 13,5 milliards. Dans la foulée, le cabinet a créé <a href="https://technologymagazine.com/articles/bcg-secures-ai-leadership-with-expanded-tech-division">BCG X</a>, une division de plus de 3 000 spécialistes vouée à l’intégration de l’IA.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/696746/original/file-20251016-56-vp1mtw.png?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/696746/original/file-20251016-56-vp1mtw.png?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/696746/original/file-20251016-56-vp1mtw.png?ixlib=rb-4.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/696746/original/file-20251016-56-vp1mtw.png?ixlib=rb-4.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/696746/original/file-20251016-56-vp1mtw.png?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/696746/original/file-20251016-56-vp1mtw.png?ixlib=rb-4.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/696746/original/file-20251016-56-vp1mtw.png?ixlib=rb-4.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Part de l’IA au Boston Consulting Group (BCG).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laurent Flores</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ce que l’IA ne fait pas : c’est pondérer les options dans le contexte culturel d’une entreprise, anticiper les résistances humaines, adapter une recommandation aux dynamiques de pouvoir des organisations.</p>
<p>La machine digère les données. Le consultant orchestre la décision.</p>
<h2>Se préparer maintenant ou rester sur le quai</h2>
<p>La fenêtre pour s’adapter se referme de plus en plus vite.</p>
<p>Une nouvelle <a href="https://digitaleconomy.stanford.edu/publications/canaries-in-the-coal-mine/">étude de Stanford (août 2025)</a> confirme que les emplois juniors sont les plus touchés par l’IA, avec une baisse moyenne de 16 % depuis fin 2022. Les secteurs les plus impactés : le développement logiciel, les fonctions administratives et commerciales, et désormais le conseil.</p>
<p>Accenture l’assume pleinement. </p>
<blockquote>
<p>« Nous nous séparons, dans un délai très court, de personnes dont nous pensons qu’elles ne pourront acquérir les compétences dont nous avons besoin », <a href="https://www.lemondeinformatique.fr/actualites/lire-faute-de-reconversion-sur-l-ia-des-milliers-de-salaries-d-accenture-licencies-98013.html">déclare Julie Sweet</a>, la patronne du groupe.</p>
</blockquote>
<p>Le message est certes brutal, mais limpide. La reconversion IA n’est plus une option, elle devient une réalité.</p>
<p>Cette trajectoire correspond au schéma du « point d’inflexion » que <a href="https://theconversation.com/salaries-chefs-dentreprises-lia-va-tout-changer-profitez-en-247281">nous décrivions début 2025</a>. D’abord, l’IA augmente la productivité. Puis elle atteint un seuil où elle remplace certaines tâches. Enfin, elle se substitue progressivement à l’humain sur un nombre croissant de fonctions.</p>
<p>Le conseil vient de franchir ce point d’inflexion. Les cabinets qui réussissent cette transition combinent formation massive et restructuration assumée. McKinsey forme <a href="https://www.mckinsey.com/capabilities/mckinsey-digital/how-we-help-clients/rewiring-the-way-mckinsey-works-with-lilli">plus de 70 % de ses effectifs</a> à l’utilisation de Lilli. BCG a noué des <a href="https://technologymagazine.com/articles/bcg-secures-ai-leadership-with-expanded-tech-division">partenariats stratégiques</a> avec neuf géants de l’IA, dont Anthropic, Microsoft et OpenAI. Accenture a <a href="https://www.channelnews.fr/accenture-se-restructure-et-se-separe-des-employes-depasses-par-lia-151343">triplé ses revenus liés à l’IA</a> en 2025.</p>
<p>La différence entre ceux qui montent dans le train et ceux qui restent sur le quai ? La capacité à déplacer la valeur de l’exécution vers la décision, de la production vers la synthèse, de l’analyse vers le jugement contextuel.</p>
<h2>Un « modèle » pour tous les métiers intellectuels</h2>
<p>La transformation du conseil préfigure celle de nombreux métiers intellectuels. Toutes les professions fondées sur la collecte, le traitement et la présentation d’informations structurées sont concernées : traduction, comptabilité, recherche juridique, études de marché, enseignement. La vague IA touche tous les « cols blancs ».</p>
<p>Une <a href="https://www.gsb.stanford.edu/insights/ai-could-make-these-common-jobs-more-productive-without-sacrificing-quality">étude de l’Université de Stanford (juillet 2025)</a> estime que l’IA pourrait accélérer près de la moitié des tâches dans les 100 métiers les plus courants. Les gains potentiels représenteraient 12 % du PIB. Mais ces gains dépendent fortement de la formation, des politiques d’accompagnement et de la vitesse d’adaptation.</p>
<p>Le conseil montre la voie. Les cabinets qui intègrent massivement l’IA tout en revalorisant l’expertise humaine prospèrent. <a href="https://thefinancestory.com/mckinsey-deploys-12000-ai-agents">McKinsey affiche 40 % de revenus liés à l’IA</a>. BCG vise la même proportion d’ici 2026. Mais cette croissance s’accompagne de restructurations qui excluent celles et ceux qui ne suivent pas le rythme.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/696788/original/file-20251016-56-v1kfj2.png?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/696788/original/file-20251016-56-v1kfj2.png?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/696788/original/file-20251016-56-v1kfj2.png?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/696788/original/file-20251016-56-v1kfj2.png?ixlib=rb-4.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/696788/original/file-20251016-56-v1kfj2.png?ixlib=rb-4.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/696788/original/file-20251016-56-v1kfj2.png?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/696788/original/file-20251016-56-v1kfj2.png?ixlib=rb-4.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/696788/original/file-20251016-56-v1kfj2.png?ixlib=rb-4.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le « conseil humain augmenté ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laurent Flores</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>La leçon est double</h2>
<p>L’IA ne remplace pas le conseil : elle le réinvente autour de sa véritable valeur, la capacité humaine à synthétiser, décider et accompagner le changement dans des contextes d’organisation de plus en plus complexes.</p>
<p>Mais cette réinvention exige une adaptation rapide. Celles et ceux qui maîtrisent l’IA pour « augmenter » leur jugement conservent leur avantage. Les autres deviennent « remplaçables ».</p>
<p>Le point d’inflexion est franchi. La question n’est plus de savoir si l’IA transformera votre métier, mais quand vous choisirez de vous transformer avec elle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/267041/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Flores ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Le conseil mue : moins d’exécution, plus de décision et de conduite du changement. Preuve à l’appui, cabinets et compétences s’ajustent vite.
Laurent Flores, Maître de Conférences, HDR, Sciences de Gestion, Université Paris-Panthéon-Assas
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/259459
2025-10-27T10:05:36Z
2025-10-27T10:05:36Z
Quand Disneyland écoute ses travailleurs… mais pas vraiment
<p><strong>Signer un accord avec les salariés, est-ce toujours un signe de qualité du dialogue social ? Parfois, les impressions peuvent être trompeuses… quand, par exemple, une entreprise fait en sorte que, à peine passé, l’objet de l’accord soit caduc.</strong></p>
<hr>
<p>La <a href="https://www.hup.harvard.edu/books/9780674276604">prise de parole</a> est souvent célébrée comme une <a href="https://psycnet.apa.org/record/2001-14443-001">voie à privilégier</a> pour créer des milieux de travail plus justes et plus inclusifs. Mais que se passe-t-il si l’entreprise fait semblant d’entendre, ou entend sans vraiment comprendre ce qui est dit ? C’est la question au cœur de notre <a href="https://journals.aom.org/doi/10.5465/amd.2022.0171">récente étude sur les marionnettistes de Disneyland</a>.</p>
<p>L’étude de ce cas montre comment une organisation peut donner l’impression d’être à l’écoute de ses employés, sans joindre le geste à la parole. Dans ces situations, la firme donne l’impression de ne pas avoir bien entendu, à moins qu’elle n’ait trop bien entendu. On parle dans ce cas de « participation de façade », quand, en apparence, l’employeur répond aux préoccupations des travailleurs – souvent par le biais d’ententes formelles – tout en réduisant simultanément sa dépendance à l’égard de ces travailleurs.</p>
<h2>L’illusion d’être entendus</h2>
<p>Le cas qui nous intéresse concerne Walt Disney Parks and Resorts US Inc. (qu’on nommera pour simplifier Disney ou Disneyland dans le reste de l’article), mais cela pourrait arriver dans d’autres entreprises. En 2014, en Californie, un groupe de marionnettistes de Disneyland a commencé à s’organiser en vue d’obtenir une représentation syndicale. Leurs revendications comprenaient un meilleur salaire, un équipement plus sûr et une plus grande participation à la conception des marionnettes.</p>
<p>Beaucoup gagnaient moins que les acteurs costumés avec lesquels ils jouaient, et les blessures – de la tension dorsale à la séparation des épaules – étaient trop courantes. Pendant près de deux ans, les marionnettistes ont négocié un contrat avec les avocats et les dirigeants du parc à thème. L’accord final, ratifié en 2017, comprenait un <a href="https://www.latimes.com/business/hollywood/la-fi-ct-disneyland-puppets-20170208-story.html">salaire de base de 12,25 dollars l’heure, des congés payés et l’accès à une salle où les artistes pouvaient se reposer avant et après les spectacles</a>.</p>
<p>De l’extérieur, cela ressemblait à une victoire. D’ailleurs, les marionnettistes ont célébré en ligne – c’était comme si leurs voix avaient enfin été entendues. Mais dans les coulisses, Disney réduisait déjà les rotations de travail et réaffectait le personnel à des fonctions non couvertes par l’accord syndical, si bien que près de la moitié des marionnettistes concernés au départ était partie au moment où les négociations se sont terminées au début de 2017.</p>
<p>Puis vint le coup de grâce. En mars 2017, juste avant la ratification de l’accord, Disney a annoncé la fermeture dès le mois suivant du spectacle principal dans lequel se produisaient les marionnettistes. À la fin de l’année 2020, aucun des 30 marionnettistes ayant participé à l’action collective n’était encore en poste – et bien que techniquement en place, l’accord n’a de fait jamais été mis en œuvre. C’est ce qu’on appelle la participation de façade, lorsqu’une entreprise a l’air d’être à l’écoute de ses travailleurs, mais s’assure en même temps que rien ne change vraiment.</p>
<h2>Bonne ou mauvaise foi ?</h2>
<p>Nous sommes conscients qu’il est très difficile de déterminer si les dirigeants de Disney ont négocié de bonne foi. D’une part, tout au long du processus de syndicalisation, Disney s’est montré quelque peu réceptif aux préoccupations des marionnettistes, tentant de trouver un accord. Les licenciements massifs et le gel des embauches dus à la pandémie de Covid-19 et aux confinements nationaux à la fin du contrat de travail ont également pu mettre un terme aux efforts visant à développer de nouveaux spectacles de marionnettes.</p>
<p>D’un autre côté, cependant, il est possible d’interpréter ce résultat en considérant que l’entreprise a ratifié un accord en sachant pertinemment qu’il ne serait jamais mis en œuvre. En effet, les efforts visant à faire taire les employés avaient commencé bien avant la signature de l’accord de travail, lorsque Disney avait tenté de contenir la voix des salariés. Nous n’avons vu aucun signe indiquant que Disney était disposé à développer un nouveau spectacle au cours des trois années qui ont suivi la ratification de l’accord.</p>
<p>Bien que l’intention soit difficile à qualifier, étant donné que nos sollicitations auprès de l’entreprise sont restées sans réponse, le résultat est que, malgré le temps et les efforts investis par les travailleurs pour se syndiquer et ceux investis par l’entreprise pour ratifier un nouvel accord, les marionnettistes de Disneyland n’ont pas encore vu leurs efforts pour faire entendre leur voix porter pleinement leurs fruits.</p>
<p>En agissant de la sorte, un employeur, quel qu’il soit, ne peut pas être suspecté de réprimer les revendications ou de faire traîner les négociations. Plus subtilement, des accords sont signés, mais le contexte nécessaire à leur mise en œuvre est discrètement démantelé.</p>
<p>Il est important de noter que cela ne découle pas toujours de la mauvaise foi ou d’une stratégie délibérée, d’une volonté de tromper. Souvent, la façon dont les entreprises sont organisées – avec beaucoup de lignes hiérarchiques, de services mobilisés, et donc de personnes prenant part aux décisions à différents endroits – rend difficile le respect des accords en général, et, notamment des accords de travail.</p>
<h2>Une démarche en trois temps</h2>
<p>Nos recherches montrent que la participation de façade se déploie généralement en trois étapes :</p>
<ul>
<li><p>Tentative de réduction au silence : Au début, les marionnettistes ont rencontré de la résistance. Disney a collé des affiches antisyndicales dans les coulisses. Les directeurs ont tenu des réunions individuelles avec les artistes pour essayer de les dissuader de soutenir le syndicat et ont réduit la programmation de certains travailleurs qui soutenaient l’effort.</p></li>
<li><p>Accord à contrecœur : Après l’échec de ces efforts, la direction a entamé à contrecœur des négociations formelles avec le syndicat des travailleurs. Le processus a été lent, composé de 28 réunions sur deux ans, et souvent frustrant pour les travailleurs. Mais en fin de compte, cela a abouti à la signature d’un accord portant sur les salaires et les conditions de travail.</p></li>
<li><p>Retrait stratégique : alors même que l’encre séchait, Disney a fermé le spectacle de marionnettes, réduit les heures de travail des salariés et beaucoup sont partis – certains parce qu’ils ne pouvaient pas survivre avec des salaires inférieurs, d’autres parce qu’ils ont été déplacés vers des fonctions non couvertes par le contrat.</p></li>
</ul>
<h2>Fort turnover</h2>
<p>Une fois que le spectacle a été terminé et les marionnettistes poussés dehors ou déplacés ailleurs, il ne restait plus personne pour faire respecter ou bénéficier de l’accord signé. Plus généralement, ce genre de résultat est courant dans les secteurs où les emplois sont à court terme et le taux de rotation élevé, comme les parcs à thème, la production cinématographique et télévisuelle, ou certaines parties de l’économie des petits boulots. Dans ce contexte professionnel, les employeurs peuvent facilement mettre de côté les accords sans jamais avoir à les rompre.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/lAVnryYj75c?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">France 24 – 2022.</span></figcaption>
</figure>
<p>La participation de façade peut sembler être un moyen peu coûteux de désamorcer les conflits – une concession symbolique qui satisfait la pression immédiate. Mais au fil du temps, cela érode la confiance et peut avoir des conséquences négatives pour l’entreprise. Pour le dire autrement, il ne peut s’agir que d’une victoire à très court terme.</p>
<h2>Une perte d’engagement coûteuse à terme ?</h2>
<p>En effet, les travailleurs qui pensent avoir été trompés sont moins susceptibles ensuite de s’engager pleinement dans leur travail. Les promesses qui ne sont pas tenues deviennent des histoires qui se répandent. À long terme, la perte d’employés peut être coûteuse.</p>
<p>La leçon pour les managers est simple. Dire que vous soutenez les travailleurs n’est pas la même chose que d’agir en conséquence. Si les changements s’effondrent au moment où les équipes changent ou que les projets se terminent, le message n’arrive pas et la confiance des travailleurs s’érode. Pour que leurs voix mènent à un véritable changement, les travailleurs ont besoin de plus qu’un siège à la table ; ils ont besoin d’avoir leur mot à dire sur ce qui se passera ensuite.</p>
<p>Si les mêmes gestionnaires qui négocient les accords décident également d’y donner une suite ou non, il n’y a pas de véritable responsabilité. Le suivi ne fonctionne que lorsque les employés restent impliqués, et les changements se manifestent dans la façon dont l’endroit fonctionne réellement, et pas seulement sur le papier. Si les entreprises veulent que les travailleurs s’expriment, elles doivent aller jusqu’au bout. Dire oui ne suffit pas, il faut que cela ait un sens.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été rédigé avec Bella Fong, actuellement Postgraduate Researcher à Energy Studies Institute (ESI)</em>.</p>
<p><strong>Méthodologie</strong></p>
<p>Nous avons interrogé huit anciens marionnettistes de Disneyland et analysé sept ans de données de leur groupe Facebook privé, composé de 398 publications uniques, 2 228 commentaires et 1 780 likes. Nous voulions comprendre comment les travailleurs peuvent être entendus, mais rester exclus – et comment les entreprises, parfois sans le vouloir, finissent par bloquer les changements qu’elles semblent accepter.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/259459/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Écouter les demandes des salariés et négocier semble être la meilleure voie dans une entreprise. Mais les directions sont-elles toujours sincères dans leur volonté d’aboutir ?
Audrey Holm, Porfessseur assistant, HEC Paris Business School
Michel Anteby, Professor of Management and Organizations & Sociology at Questrom School of Business & College of Arts and Sciences, Boston University
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tag:theconversation.com,2011:article/266527
2025-10-27T10:05:32Z
2025-10-27T10:05:32Z
La détention double, le phénomène méconnu qui incite à l’optimisation fiscale
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/696936/original/file-20251017-56-nya2zc.jpg?ixlib=rb-4.1.0&rect=406%2C0%2C4387%2C2925&q=45&auto=format&w=1050&h=700&fit=crop" /><figcaption><span class="caption">Si une banque prête à une entreprise tout en possédant des actions de celle-ci, le gain est double&nbsp;: l’augmentation des bénéfices fait monter le cours de l’action, tout en améliorant la capacité de remboursement de l’entreprise.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/group-business-people-shaking-hands-financial-2639118773">metamorworks/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p><strong>Au sein de certaines entreprises, des investisseurs sont à la fois créanciers et actionnaires. Mais pourquoi l’optimisation fiscale est-elle favorisée dans cette configuration ? Qui en sort gagnant ?</strong></p>
<hr>
<p>C’est un phénomène étudié aux États-Unis, dont les implications sont transposables en Europe et en France. Une tendance bien utile aux entreprises qui les conduit à payer moins d’impôts. On peut appeler ce phénomène « dual holding » ou « détention double ».</p>
<p>En peu de mots, c’est une configuration dans laquelle, au sein d’une entreprise, des investisseurs – institutionnels, notamment – sont à la fois les créanciers de l’entreprise en question et ses actionnaires. Notre <a href="https://www.researchgate.net/publication/357246341_Simultaneous_debt-equity_holdings_and_corporate_tax_avoidance">étude</a> menée sur un échantillon d’entreprises états-uniennes, parmi lesquelles Microsoft, Procter & Gamble ou Walt Disney, cotées entre 1987 et 2017, montre que les entreprises dans cette situation ont davantage tendance à rechercher une optimisation fiscale, et donc à mener une politique agressive pour payer moins d’impôts.</p>
<p>En moyenne, les entreprises concernées affichent un taux effectif d’imposition <a href="https://www.researchgate.net/publication/357246341_Simultaneous_debt-equity_holdings_and_corporate_tax_avoidance">inférieur de 1,1 %</a> par rapport aux autres, ce qui équivaut à une économie annuelle d’environ 3,63 millions de dollars par entreprise.</p>
<h2>Conflit d’intérêts entre actionnaires et créanciers</h2>
<p>L’optimisation fiscale des entreprises a toujours été perçue comme une arme à double tranchant. Elle transfère des ressources potentielles de l’État vers les entreprises et peut exposer ces dernières à des risques réputationnels ou à des sanctions juridiques. Cependant, elle accroît souvent la valeur de ces entreprises pour les actionnaires.</p>
<p><a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0165410113000542">Les travaux antérieurs sur la question</a> ont étudié la conformité fiscale des entreprises dans une logique « principal / agent », en mettant l’accent sur les conflits entre actionnaires et dirigeants. Ce cadre d’analyse « principal / agent » décrit une situation dans laquelle une partie (le principal) délègue une tâche ou un pouvoir de décision à une autre (l’agent) pour qu’elle agisse en son nom. Comme les intérêts entre actionnaires et dirigeants peuvent diverger, des problèmes d’incitation et d’asymétrie d’information peuvent apparaître. </p>
<p>Ce que nous mettons en lumière, c’est un autre conflit d’intérêts : celui qui existe entre actionnaires et créanciers, c’est-à-dire ici des banques qui prêtent aux entreprises. Nous démontrons que la détention double reconfigure leur rapport et donc les comportements fiscaux des entreprises.</p>
<p>La détention double s’est rapidement répandue. La proportion d’entreprises états-uniennes comptant au moins un détenteur double est passée de 1,19 % en 1987 à 19,13 % en 2017. La pratique, loin d’être marginale, est devenue courante sur les marchés financiers, ce qui accroît son impact sur les stratégies fiscales.</p>
<h2>Optimisation fiscale favorisée</h2>
<p>Pourquoi l’optimisation fiscale est-elle favorisée lorsque les créanciers sont aussi actionnaires ?</p>
<p>Les actionnaires y sont favorables. Ils profitent des gains, tout en transférant une partie des risques vers les créanciers. Ces derniers, en revanche, sont des bénéficiaires dits « fixes ». Autrement dit, dans le cas d’un prêt, la banque est un créancier « fixe », car elle a seulement droit au remboursement du capital et des intérêts prévus dans le contrat.</p>
<p>Son gain n’augmente pas si l’entreprise fait de gros profits, mais elle subit tout de même les pertes si le comportement risqué de l’entreprise entraîne un défaut de paiement. Les bénéficiaires fixes supportent les conséquences négatives des risques accrus liés à l’optimisation fiscale, comme des sanctions réglementaires ou judiciaires, sans pouvoir en partager pleinement les bénéfices. C’est pourquoi ils exigent souvent des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0304405X14000464">coûts d’emprunt plus élevés pour les entreprises</a> pratiquant une optimisation fiscale intensive.</p>
<p>La présence de détenteurs doubles lisse ce conflit entre actionnaires et créanciers. Lorsque les deux rôles sont réunis dans un même investisseur, le risque n’est pas véritablement transféré, mais simplement déplacé d’une poche à l’autre au sein du même portefeuille. Dans le même temps, ces investisseurs bénéficient des économies d’impôts comme les autres actionnaires, ce qui les incite fortement à soutenir de telles stratégies. Résultat : les créanciers ont moins de raisons de freiner les politiques d’optimisation fiscale.</p>
<h2>Stratégies fiscales agressives</h2>
<p>Comment les détenteurs doubles poussent-ils les entreprises vers davantage d’optimisation fiscale ?</p>
<p>Comme beaucoup d’autres choix stratégiques, l’optimisation fiscale est décidée par les dirigeants au nom des actionnaires. Si certains dirigeants évitent de mener des stratégies trop agressives pour limiter leurs propres risques ou leur charge de travail, leurs décisions dépendent surtout des incitations. Lorsque la rémunération d’un président-directeur général est indexée sur des objectifs liés aux performances après impôts, il est naturellement enclin à recourir à des <a href="https://www.researchgate.net/publication/247874690_Corporate_Tax-Planning_Effectiveness_The_Role_of_Compensation-Based_Incentives">stratégies fiscales agressives</a>. Or, les entreprises avec détention double intègrent plus fréquemment ce type d’objectifs dans la rémunération de leurs dirigeants, les encourageant à considérer l’optimisation fiscale comme un indicateur de succès – et donc à l’intensifier.</p>
<p>Au-delà des incitations, les détenteurs doubles apportent une expertise fiscale, nombre d’entre eux étant des banques disposant des ressources nécessaires pour <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/1475-679X.12246">accompagner leurs clients dans la planification fiscale</a>. Alors que de simples créanciers hésiteraient à favoriser l’optimisation fiscale en raison des risques qu’elle comporte, les détenteurs doubles, eux, ont de bonnes raisons de le faire. En transférant leur savoir-faire fiscal vers les entreprises dans lesquelles ils investissent, ils leur permettent de découvrir de nouvelles possibilités d’économie et de mettre en place des stratégies plus sophistiquées.</p>
<h2>Perception de l’optimisation fiscale</h2>
<p>Quel impact la détention double a-t-elle sur la perception de l’optimisation fiscale par les créanciers ?</p>
<p>Lorsqu’une entreprise contracte un prêt bancaire, elle emprunte de l’argent à une banque sur le marché du crédit. Ces derniers voient l’optimisation fiscale comme un risque, ce qui pousse les créanciers à exiger des coûts d’emprunt plus élevés. Lorsque des détenteurs doubles sont présents, cette perception change.</p>
<p>Pourquoi ? Lorsque les prêteurs détiennent également des actions, une partie des risques liés à une stratégie fiscale agressive est compensée par la hausse de la valeur des titres. Par exemple, si une banque prête à une entreprise tout en possédant des actions de celle-ci, une stratégie fiscale réussie qui augmente les bénéfices fait monter le cours de l’action tout en améliorant la capacité de remboursement de l’entreprise. La banque est donc exposée à un risque global moindre et se montre plus encline à tolérer, voire à encourager, les efforts d’optimisation fiscale de l’entreprise.</p>
<p>La détention double contribue à apaiser, au moins en partie, les inquiétudes des créanciers vis-à-vis de l’optimisation fiscale et la rend donc plus attractive encore. Au détriment des gouvernements et de leur capacité à financer des biens publics essentiels, ou à rembourser leur dette.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/266527/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Liang Xu ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Au sein de certaines entreprises, des investisseurs sont à la fois les créanciers et les actionnaires. Mais pourquoi l’optimisation fiscale est-elle favorisée dans cette configuration ?
Liang Xu, Professeur associé, SKEMA Business School
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/266271
2025-10-27T10:05:29Z
2025-10-27T10:05:29Z
Ce que nous apprend la crise du Covid pour les commerces de proximité : une digitalisation à visage humain existe
<p><strong>Au cours de la pandémie de Covid (2020), certains commerçants ont accéléré leur numérisation en employant les moyens du bord. Que nous enseigne ce bricolage entrepreneurial ? Constitue-t-il un modèle à dupliquer ?</strong></p>
<hr>
<p>Quand on parle de transition numérique, on pense souvent aux multinationales, aux start-ups de la tech ou aux géants de l’industrie. Pourtant, c’est dans les commerces de proximité que s’opèrent parfois les transformations les plus concrètes, les plus agiles… et les plus inattendues.</p>
<p>Boulangeries, coiffeurs, fleuristes, petits restaurants ou librairies de quartier <a href="https://theconversation.com/ces-petits-commercants-qui-ont-resiste-a-la-crise-145956">ont dû affronter de plein fouet les conséquences de la crise sanitaire liée au Covid-19</a> : fermetures, baisse de fréquentation, nouvelles attentes des consommateurs. Et dans l’urgence, faute de budget ou de consultants, beaucoup ont inventé une digitalisation <em>low cost</em>, bricolée mais efficace.</p>
<p>Le bricolage constitue une <a href="https://pubsonline.informs.org/doi/10.1287/isre.2023.0193">réponse particulièrement adaptée pour les microentreprises</a> évoluant dans des environnements à ressources limitées, leur permettant de créer des solutions de transformation numérique à partir de moyens simples et accessibles.</p>
<hr>
<p>
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<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-hypermarches-ont-ils-encore-un-avenir-235264">Les hypermarchés ont-ils encore un avenir ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Notre étude menée <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/14657503251355466">auprès de seize commerçants locaux en France</a> montre comment cette crise a agi comme un <a href="https://theconversation.com/la-transition-numerique-dans-lenseignement-superieur-et-dans-la-recherche-est-elle-compatible-avec-lecologie-251572">accélérateur de transition numérique, tout en déclenchant, souvent en parallèle, une prise de conscience écologique</a>. Face à la double contrainte, se numériser et devenir plus durable, ces entrepreneurs ont fait preuve d’une agilité inattendue, que nous analysons à travers la notion de <a href="https://www.hbrfrance.fr/organisation/bricolage-en-entreprise-la-fin-dun-tabou-1177">bricolage entrepreneurial</a>.</p>
<h2>Une adaptation pragmatique</h2>
<p>Privés d’accès aux solutions clés en main souvent trop coûteuses, complexes ou inadaptées à leur réalité, les commerçants interrogés ont opté pour une approche résolument pragmatique. Plutôt que de privilégier des outils sur mesure, ils ont tiré parti de ce qu’ils connaissaient déjà ou pouvaient facilement s’approprier. Cette digitalisation low cost s’appuie ainsi sur des outils existants, gratuits ou à très faible coût : les réseaux sociaux (Facebook, Instagram), Google My Business pour la visibilité locale, ou encore les plateformes de livraison comme Uber Eats ou Deliveroo.</p>
<p>Cette approche pragmatique de la digitalisation low cost rejoint les <a href="https://www.scirp.org/reference/referencespapers?referenceid=3995794">travaux de Liu et Zhang</a> qui montrent comment le bricolage entrepreneurial constitue un levier essentiel d’innovation des modèles d’affaires, en particulier dans des environnements contraints.</p>
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<p>« Avant le Covid, on postait sur Facebook de temps en temps. Depuis, c’est devenu notre principal canal de communication », explique un restaurateur.</p>
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<p>Dans certains cas, ces choix traduisent aussi un engagement éthique. Quelques commerçants ont ainsi privilégié des moteurs de recherche plus responsables comme <a href="https://www.ecosia.org/?c=fr&tt=7yi2pdmk&gad_source=1&gad_campaignid=22577829500&gbraid=0AAAAAC87VpBObjsYY2o35pm7Gq5Tuhdvo&gclid=CjwKCAjwruXBBhArEiwACBRtHdsaXuyscE5WDYtRpZ4ABjgJY1hpL2GUY2hhzobGkTIC569IIEa5dxoCkG8QAvD_BwE">Ecosia</a>, du matériel reconditionné ou des solutions open source, évitant ainsi de surinvestir tout en limitant leur impact environnemental. </p>
<p>Cette digitalisation à petits pas ne cherche pas tant la performance technologique à tout prix, mais permet de maintenir le lien avec le client, de gagner en visibilité locale et d’expérimenter des usages numériques à leur rythme, sans alourdir les charges fixes ni dépendre de prestataires extérieurs.</p>
<h2>Une transition collective et écologique</h2>
<p>Ce passage au numérique ne s’est pas fait seul. Il s’est appuyé sur les <a href="https://theconversation.com/en-entreprise-qui-lon-connait-compte-davantage-que-ce-que-lon-sait-185630">réseaux personnels et informels</a> : enfants, amis, anciens collègues, voire des clients volontaires. Ce bricolage relationnel compense le manque de formation ou de ressources humaines spécialisées.</p>
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<p>« J’ai embauché un serveur dont la copine est community manager. Il va s’occuper des réseaux sociaux », raconte un gérant.</p>
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<p>L’apprentissage reste empirique, souvent improvisé, mais il illustre un modèle d’entraide locale et horizontale. Toutefois, cette dépendance à un cercle restreint peut aussi freiner la montée en compétence à long terme. À côté de cette digitalisation bricolée, une orientation écologique a émergé. Là encore, pas de grands plans RSE, mais des actions modestes impliquant, par exemple, le tri des déchets et la valorisation des circuits courts.</p>
<h2>Digital et résilience</h2>
<p>Cette dynamique illustre également ce qu’ont montré <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0040162522006564">Tobias Bürgel, Martin Hiebl et David Pielsticker</a>, à savoir que les petites entreprises ayant engagé une digitalisation, même modeste, ont fait preuve d’une résilience accrue face aux effets de la pandémie de Covid-19. C’est le cas, par exemple, de salons de coiffure qui ont su diversifier leurs services et valoriser leurs pratiques écoresponsables.</p>
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<p>« On envoie les cheveux coupés à une association qui les recycle pour ensuite dépolluer la mer », raconte une coiffeuse.</p>
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<h2>D’importants freins structurels</h2>
<p>La résilience de ces commerces de proximité ne doit pas masquer leurs fragilités. La digitalisation des petites entreprises reste inégale car, comparées aux grandes entreprises, elles adoptent tardivement une stratégie digitale. Les freins sont nombreux :</p>
<p>Le manque de temps : </p>
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<p>« Je suis seule en boutique, je n’ai pas le temps de m’occuper d’un site Internet. »</p>
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<p>Le manque de moyens : </p>
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<p>« Être écolo, c’est bien, mais les clients ne veulent pas payer plus cher. »</p>
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<p>Une culture parfois distante du numérique : </p>
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<p>« Le numérique ? Pour quoi faire ? Ça marche très bien comme ça. »</p>
</blockquote>
<p>Cette réalité rappelle que l’innovation low cost ne remplace pas un véritable accompagnement. Sans financement, sans formation, sans soutien structurant, les avancées risquent de rester ponctuelles et fragiles.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/45Ky6N0ZqvY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">France 24, 2021.</span></figcaption>
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<h2>Mieux reconnaître le « bricolage stratégique »</h2>
<p>Notre étude met finalement en lumière trois leviers pour l’avenir, comme <a href="https://www.mdpi.com/2079-8954/13/5/355">valoriser le bricolage numérique</a> en tant que stratégie légitime d’adaptation, notamment pour les petites structures. Une autre piste qui pourrait s’avérer fertile consiste à soutenir les dynamiques écologiques locales, même modestes, comme tremplin vers une économie plus responsable. Enfin, il importe de combler les lacunes structurelles (temps, compétences, financement) pour éviter que le bricolage ne se transforme en bricolage subi.</p>
<p>À terme, ce sont des politiques publiques sur mesure, de la formation adaptée et des aides spécifiques aux microentreprises qui pourront transformer ces tentatives en véritables trajectoires de transformation.</p>
<p>La pandémie a mis les commerces de proximité à l’épreuve. Mais elle a aussi révélé leur capacité à innover avec peu, à intégrer le numérique sans le dénaturer, et à faire rimer proximité avec agilité. Leur démarche n’est pas spectaculaire, mais elle est profondément instructive : la transition digitale ne se résume pas à une question de budget ; elle se construit, pas à pas, avec les ressources disponibles, l’intelligence collective et beaucoup d’innovation. C’est cette digitalisation low cost, sobre et ancrée, qu’il est urgent de reconnaître, d’encourager et de structurer.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/266271/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
L’indispensable numérisation des petits commerces ne passe pas forcément par de coûteuses applications. Un bricolage entrepreneurial peut être une première étape efficace.
Nizar Ghamgui, Assistant Professor in Entrepreneurship/Head of Entrepreneurship and Strategy Department, EM Normandie
Déborah Lejuste, Docteure en sciences de gestion, Université de Limoges
Dorian Boumedjaoud, Professeur assistant en entrepreneuriat, Burgundy School of Business
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/265602
2025-10-25T08:15:11Z
2025-10-25T08:15:11Z
Vente par la Russie d’hydrocarbures à la Chine en yuan : fin du dollar, opportunité pour l’euro ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/696527/original/file-20251015-56-ufiwpw.jpg?ixlib=rb-4.1.0&rect=0%2C3%2C6015%2C4010&q=45&auto=format&w=1050&h=700&fit=crop" /><figcaption><span class="caption">De 80&nbsp;% à 85&nbsp;% du pétrole de l’Union européenne étant encore facturé en dollar états-unien (USD), le paiement du pétrole russe en yuan par la Chine pourrait marquer un tournant monétaire historique.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/petroleum-petrodollar-crude-oil-concept-pump-1066056281">William Potter/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p><strong>Le yuan (monnaie chinoise, officiellement appelée renminbi) s’impose dans le commerce du pétrole et du gaz entre la Russie et la Chine. Cette évolution présente des risques pour l’Union européenne, mais aussi une opportunité pour l’euro dans le contexte énergétique.</strong></p>
<hr>
<p>Lors du 25ᵉ Sommet de l’<a href="https://theconversation.com/de-tianjin-a-new-york-comment-la-chine-cherche-a-reconfigurer-la-gouvernance-mondiale-266806">Organisation de coopération de Shanghai</a> (OCS) tenu à Tianjin, en septembre 2025, les dirigeants chinois et russes ont ouvertement défendu un commerce de l’énergie en dehors du dollar états-unien. Cette poussée vers la <a href="https://theconversation.com/est-ce-la-fin-de-la-toute-puissance-du-dollar-une-opportunite-geopolitique-pour-lunion-europeenne-257059">dédollarisation</a>, illustrée par l’augmentation des ventes de pétrole et de gaz de la Russie à la Chine en yuan (monnaie chinoise, officiellement renminbi), marque un bouleversement dans le commerce de l’énergie.</p>
<p>Pour l’Union européenne, et plus précisément pour les entreprises de la zone euro, où les <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/SEPDF/cache/65104.pdf">importations de pétrole sont encore très largement facturées en dollars</a>, cette évolution agit comme une arme à double tranchant.</p>
<h2>Le yuan, central dans les accords énergétiques Russie–Chine</h2>
<p>En quelques années, le yuan s’est affirmé comme monnaie de réglage importante dans les échanges énergétiques russo-chinois. En 2022, les entreprises <a href="https://www.gazprom.com/press/news/2022/february/article547478/">Gazprom et China National Petroleum Corporation</a> (CNPC) commencent à réduire leurs paiements en dollar pour certains contrats, en favorisant l’usage du rouble et du yuan. En 2023, le commerce bilatéral a atteint un record de <a href="https://www.mofcom.gov.cn/dl/gbdqzn/upload/eluosi.pdf">240 milliards de dollars (+ 26 %)</a>, avec la moitié du pétrole russe exporté vers la Chine.</p>
<p>En 2024, le commerce bilatéral Chine-Russie atteint <a href="https://tass.com/economy/1898227">244,81 milliards de dollars états-uniens</a>, en hausse de 1,9 % par rapport à 2023, selon les douanes chinoises. Ce chiffre s’explique par la montée des échanges sur la paire CNY/RUB, c’est-à-dire le taux de change entre le yuan chinois et le rouble russe. Autrement dit, de plus en plus d’entreprises russes achètent ou vendent directement des yuans contre des roubles, alors qu’auparavant, elles passaient presque toujours par le USD/RUB, le taux entre dollar des États-Unis et rouble.</p>
<p>Ce glissement reflète un transfert progressif du commerce de l’énergie russe, autrefois dominé par le dollar, vers la monnaie chinoise.</p>
<p>Ce basculement s’est confirmé à Tianjin, où <a href="https://www.reuters.com/world/china/chinas-xi-pushes-new-global-order-flanked-by-leaders-russia-india-2025-09-01/">Xi Jinping, Vladimir Poutine et Narendra Modi</a> ont soutenu l’usage accru des monnaies nationales. Le président de la République populaire de Chine a même proposé la création d’une banque de développement destinée à contourner le dollar et à limiter l’impact des sanctions.</p>
<h2>Plus de 80 % du pétrole de l’UE facturé en dollar</h2>
<p><a href="https://theconversation.com/de-tianjin-a-new-york-comment-la-chine-cherche-a-reconfigurer-la-gouvernance-mondiale-266806">L’OCS</a> réunit dix membres : la Chine, la Russie, l’Inde, le Pakistan, l’Iran, le Kazakhstan, le Kirghizstan, le Tadjikistan, l’Ouzbékistan et le Bélarus. Ils représentent près de la moitié de la population mondiale et un quart du PIB. Le commerce de la Chine avec ses partenaires a atteint <a href="https://eng.yidaiyilu.gov.cn/p/0L2SA9R2.html">3,65 trillions de yuans</a> (500 milliards de dollars états-uniens) en 2024.</p>
<p>Le commerce de la Chine avec ses partenaires est de plus en plus souvent réglé en yuan, transformant progressivement la monnaie chinoise en instrument international de facturation et d’échange, au-delà de son usage domestique. Le dollar conserve toutefois son statut dominant, représentant <a href="https://www.federalreserve.gov/econres/notes/feds-notes/the-international-role-of-the-u-s-dollar-2025-edition-20250718.html">encore 58 % des réserves mondiales en 2024</a>.</p>
<p>L’Union européenne (UE) reste largement dépendante du dollar pour ses importations d’énergie. <a href="https://www.ecb.europa.eu/pub/pdf/ire/focus/ecb.irebox201906_03%7E3e5a7878dd.en.pdf">Entre 80 et 85 % du pétrole de l’Union européenne est facturé en dollar états-unien</a> (USD), alors qu’une part infime provient des États-Unis. Ce choix s’explique par le rôle du dollar comme monnaie commune de transaction sur les marchés mondiaux. Il sert d’intermédiaire entre producteurs et acheteurs, quelle que soit leur nationalité. L’UE se rend <em>de facto</em> vulnérable aux variations du dollar et aux décisions de la Réserve fédérale des États-Unis.</p>
<h2>Nouvelle complexité pour les entreprises européennes</h2>
<p>Si le commerce mondial du pétrole et du gaz cessait d’être dominé par le dollar pour se répartir entre plusieurs monnaies comme le yuan ou la roupie, les entreprises européennes, surtout celles de la zone euro, devraient s’adapter à un environnement financier plus complexe.</p>
<p>Aujourd’hui, la plupart d’entre elles achètent leur énergie en dollars. Elles peuvent se protéger contre les variations du taux de change grâce à des « marchés de couverture » très développés. Ces marchés permettent de conclure des contrats financiers à l’avance pour bloquer un taux et éviter des pertes si la valeur du dollar change.</p>
<p>Avec le yuan, la situation serait plus difficile. Les outils financiers permettant de se couvrir sont encore limités, car la Chine contrôle les mouvements de capitaux et restreint la circulation de sa monnaie à l’étranger. Autrement dit, le yuan ne circule pas librement dans le monde. Cela réduit la liquidité, c’est-à-dire la capacité d’une entreprise à acheter ou vendre rapidement des yuans quand elle en a besoin. Moins la monnaie circule, moins il y a d’échanges possibles, et plus les transactions deviennent lentes et coûteuses. Pour les entreprises, cela signifie des paiements plus complexes et des coûts financiers plus élevés.</p>
<p>Des signes concrets montrent que ce scénario commence à se concrétiser. En mars 2023, la China National Offshore Oil Corporation et TotalEnergies ont conclu la première transaction de <a href="https://www.chinadaily.com.cn/a/202303/28/WS6422f68da31057c47ebb70c7.html">gaz naturel liquéfié (GNL) libellée en yuan via une bourse de Shanghai</a>. Quelques mois après, l’entreprise pétrolière publique de la République populaire de Chine a réalisé une <a href="https://www.reuters.com/markets/commodities/chinas-cnooc-french-energy-firm-engie-complete-yuan-settled-lng-trade-2023-10-18/">autre transaction en yuan avec Engie</a>. Ces accords illustrent la montée en puissance du yuan dans les échanges énergétiques et annoncent un nouvel équilibre où les entreprises européennes devront composer avec une plus grande diversité de devises.</p>
<h2>Rôle accru de l’euro dans la facturation énergétique</h2>
<p>L’évolution du commerce mondial de l’énergie ouvre une opportunité stratégique pour l’Union européenne : renforcer le rôle de l’euro dans la tarification du pétrole et du gaz, et réduire sa dépendance vis-à-vis du dollar – ou, demain, du yuan.</p>
<p>L’euro est déjà la deuxième monnaie mondiale, <a href="https://www.federalreserve.gov/econres/notes/feds-notes/the-international-role-of-the-u-s-dollar-2025-edition-20250718.html">représentant 20 % des réserves</a>. Elle sert de référence pour plus de la moitié des exportations européennes. Dans le commerce de l’énergie, son rôle demeure limité. Dès 2018, la <a href="https://commission.europa.eu/publications/recommendation-international-role-euro-field-energy_en">Commission européenne avait d’ailleurs recommandé d’accroître son usage dans la tarification énergétique</a>, afin de consolider la souveraineté économique du continent.</p>
<p>Les progrès les plus visibles concernent le gaz. Selon la <a href="https://www.ecb.europa.eu/press/economic-bulletin/focus/2023/html/ecb.ebbox202301_01%7E6395aa7fc0.en.html">Banque centrale européenne</a>, la réduction des approvisionnements russes a poussé l’Union européenne à s’intégrer davantage aux marchés mondiaux du gaz naturel liquéfié (GNL). Les prix européens sont désormais étroitement liés aux marchés asiatiques, ce qui rend l’UE plus sensible aux variations de la demande mondiale. Cette interdépendance renforce l’intérêt de développer des contrats de gaz libellés en euros.</p>
<p>La même logique pourrait s’appliquer au pétrole. <a href="https://energy.ec.europa.eu/topics/international-cooperation/euro-field-energy_en">l’Union européenne importe plus de 300 milliards d’euros d’énergie chaque année</a>. Elle dispose d’un poids suffisant pour négocier avec ses partenaires commerciaux, notamment les producteurs du Golfe cherchant à diversifier leurs devises.</p>
<h2>Vers une monnaie énergétique européenne ?</h2>
<p>Faire de l’euro une monnaie de référence dans les échanges énergétiques ne se décrète pas, mais cela pourrait devenir un levier essentiel de la politique monétaire et énergétique européenne.</p>
<p>L’euro dispose d’atouts : il est relativement stable, pleinement convertible, et soutenu par la Banque centrale européenne. Si des cargaisons de pétrole ou de gaz étaient facturées en euros, cela pourrait réduire la dépendance au dollar, simplifier la couverture monétaire pour les entreprises européennes et renforcer l’indépendance financière de l’Union.</p>
<p>Ce virage monétaire implique des défis concrets. Le marché de l’énergie en euros reste peu développé, et certains pays ou entreprises pourraient craindre des sanctions états-uniennes s’ils s’éloignent du dollar. Surmonter ces freins nécessite de renforcer les marchés de capitaux européens, de créer des produits de couverture expressément en euros pour l’énergie, et d’assurer une politique économique stable à l’échelle de la zone euro.</p>
<p>Cette démarche ne vise pas à remplacer le yuan, mais à établir une alternative équilibrée, où l’euro pèse dans la facturation, dans les réserves stratégiques et dans le paysage monétaire mondial.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/265602/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Suwan Long ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Le yuan, ou renminbi, s’impose dans le commerce énergétique Russie–Chine, créant des risques pour l’Union européenne, mais aussi une opportunité pour l’euro.
Suwan Long, Assistant Professor, LEM-CNRS 9221, IÉSEG School of Management
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/268232
2025-10-25T08:14:33Z
2025-10-25T08:14:33Z
Le prix Nobel d’économie 2025 met à l’honneur la création et la destruction économique
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/698074/original/file-20251013-66-6u10vb.jpg?ixlib=rb-4.1.0&rect=22%2C0%2C2905%2C1936&q=45&auto=format&w=1050&h=700&fit=crop" /><figcaption><span class="caption">Les économistes Joel Mokyr, Philippe Aghion et Peter Howitt.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://nobelprize.qbank.se/mb/?h=1dbb005ef977c88253f8acdcc863a6c8">Niklas Elmehed © Nobel Prize Outreach </a></span></figcaption></figure><p><strong>Les travaux de Joel Mokyr, Philippe Aghion et Peter Howitt portent sur les facteurs qui stimulent la croissance économique, et le rôle joué par l’innovation scientifique dans la naissance et la disparition d’entreprises.</strong></p>
<hr>
<p>Trois économistes, créateurs d’un modèle de croissance endogène, ont remporté cette année le <a href="https://www.nobelprize.org/prizes/economic-sciences/">prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel</a>.</p>
<p>La moitié du prix de 11 millions de couronnes suédoises (environ 1,01 million d’euros) a été attribuée à <a href="https://economics.northwestern.edu/people/directory/joel-mokyr.html">Joel Mokyr</a>, un historien de l’économie d’origine néerlandaise de l’Université Northwestern (Illinois).</p>
<p>L’autre moitié a été attribuée conjointement à <a href="https://theconversation.com/profiles/philippe-aghion-1485844">Philippe Aghion</a>, économiste français au Collège de France et à l’Insead, et à <a href="https://vivo.brown.edu/display/phowitt">Peter Howitt</a>, économiste canadien à l’Université Brown (Rhode Island).</p>
<p>Collectivement, leurs travaux ont porté sur l’importance de l’innovation dans la stimulation d’une croissance économique durable. Ils mettent en évidence un principe : dans une économie florissante, les vieilles entreprises meurent au moment même où de nouvelles entreprises naissent.</p>
<h2>L’innovation, moteur d’une croissance durable</h2>
<p>Comme l’<a href="https://www.nobelprize.org/prizes/economic-sciences/2025/press-release/">a noté</a> l’Académie royale des sciences de Suède, la croissance économique a sorti des milliards de personnes de la pauvreté au cours des deux derniers siècles. Bien que nous considérions cela normal, c’est en fait très inhabituel dans l’histoire de l’humanité. La période qui s’est écoulée depuis 1800 est la première dotée d’une croissance économique durable. Attention à ne pas prendre cela pour acquis. Une mauvaise politique pourrait voir nos économies stagner de nouveau.</p>
<p>L’un des jurés du prix Nobel a donné les <a href="https://www.nobelprize.org/prizes/economic-sciences/2025/prize-announcement/">exemples</a> de la Suède et du Royaume-Uni où il y eut peu d’amélioration du niveau de vie entre 1300 et 1700, soit durant quatre siècles.</p>
<p>Les travaux de Joel Mokyr ont montré qu’avant la révolution industrielle, les innovations sont davantage une question d’essais et d’erreurs qu’une réelle compréhension scientifique. L’historien de l’économie <a href="https://faculty.wcas.northwestern.edu/jmokyr/AGHION1017new.pdf">fait valoir</a> qu’une croissance économique durable n’émergerait pas dans </p>
<blockquote>
<p>« un monde d’ingénierie sans mécanique, de sidérurgie sans métallurgie, d’agriculture sans science du sol, d’exploitation minière sans géologie, d’énergie hydraulique sans hydraulique, de teinturerie sans chimie organique et de pratique médicale sans microbiologie et immunologie ».</p>
</blockquote>
<p><a href="https://www.jstor.org/stable/j.ctt7rz25">Joel Mokyr donne l’exemple</a> de la stérilisation des instruments chirurgicaux, préconisée dans les années 1840. Les chirurgiens furent offensés par la seule suggestion qu’ils pourraient transmettre des maladies. Ce n’est qu’après les travaux de Louis Pasteur et de Joseph Lister, dans les années 1860, que le rôle des germes a été compris et que la stérilisation est devenue courante.</p>
<p>Le chercheur américano-israélien montre l’importance pour la société d’être ouverte aux nouvelles idées. Comme <a href="https://www.nobelprize.org/uploads/2025/10/advanced-economicsciencesprize2025.pdf">l’a souligné le comité Nobel</a> : </p>
<blockquote>
<p>« Des praticiens prêts à s’engager dans la science ainsi qu’un climat sociétal propice au changement étaient, selon Mokyr, les principales raisons pour lesquelles la révolution industrielle a commencé en Grande-Bretagne. ».</p>
</blockquote>
<h2>Gagnants et perdants</h2>
<p>Les deux autres lauréats de cette année, Philippe Aghion et Peter Howitt, mettent en évidence que les innovations créent à la fois des entreprises gagnantes et perdantes. </p>
<p>Aux États-Unis, <a href="https://www.nobelprize.org/uploads/2025/10/advanced-economicsciencesprize2025.pdf">environ 10 %</a> des entreprises sont créées et 10 % mettent la clé sous la porte, chaque année. Pour promouvoir la croissance économique, il faut comprendre ces deux processus.</p>
<p>Leur <a href="https://www.jstor.org/stable/2951599?seq=1">article scientifique de 1992</a> s’appuyait sur des travaux antérieurs sur le concept de <a href="https://theconversation.com/economic-theories-that-have-changed-us-endogenous-growth-42249">« croissance endogène »</a> – l’<a href="https://www.jstor.org/stable/2138148?seq=1">idée</a> que la croissance économique est générée par des facteurs à l’intérieur d’un système économique, et non par des forces qui empiètent de l’extérieur. Cela a valu un prix Nobel à <a href="https://www.nobelprize.org/prizes/economic-sciences/2018/romer/facts/">Paul Romer</a> en 2018.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-chine-de-limitation-a-linnovation-217151">La Chine : de l’imitation à l’innovation ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Leurs travaux se sont également appuyés sur les recherches antérieures sur <a href="https://economics.mit.edu/sites/default/files/publications/creative%20destruction.pdf">« la destruction créatrice »</a> menées par <a href="https://www.hetwebsite.net/het/profiles/schumpeter.htm">Joseph Schumpeter</a>.</p>
<p>Le modèle créé par Philippe Aghion et Peter Howitt implique que les gouvernements doivent faire attention à la façon dont ils conçoivent les subventions pour encourager l’innovation. Si les entreprises pensent que toute innovation dans laquelle elles investissent va simplement être dépassée (ce qui signifie qu’elles perdraient leur avantage), elles n’investiront pas autant dans l’innovation.</p>
<p>Leur travail appuie également l’idée que les gouvernements ont un rôle à jouer dans le soutien et la reconversion des travailleurs qui perdent leur emploi dans des entreprises qui sont évincées par des concurrents plus innovants. Cela permettra également de renforcer le soutien politique aux politiques qui encouragent la croissance économique.</p>
<h2>« Nuages noirs » à l’horizon ?</h2>
<p>Les trois lauréats sont tous en faveur de la croissance économique, contrairement aux <a href="https://theconversation.com/comprendre-la-notion-de-limites-planetaires-145227">inquiétudes grandissantes</a> concernant l’impact d’une croissance sans fin sur la planète.</p>
<p>Dans un <a href="https://www.theguardian.com/business/live/2025/oct/13/asian-stocks-tumble-fresh-us-china-trade-spat-chinese-exports-top-forecasts-business-live?CMP=share_btn_url&page=with%3Ablock-68ecd6598f08cd078f90e7c3#block-68ecd6598f08cd078f90e7c3">entretien accordé</a> après l’annonce du prix, cependant, Philippe Aghion a appelé à ce que la tarification du carbone rende la croissance économique compatible avec la réduction des émissions de gaz à effet de serre.</p>
<p>Il met également en garde contre l’accumulation des « nuages sombres » de <a href="https://theconversation.com/apres-lechec-des-droits-de-douane-de-trump-1-pourquoi-cela-serait-il-un-succes-sous-trump-2-253645">droits de douane</a> qui s’amoncellent à l’horizon. La création d’obstacles au commerce pourrait réduire la croissance économique, selon le chercheur français, ajoutant que nous devons nous assurer que les innovateurs d’aujourd’hui n’étouffent pas les innovateurs de demain par des pratiques anticoncurrentielles.</p>
<h2>Rachel Griffith oubliée</h2>
<p>Le prix d’économie n’était pas l’un des <a href="https://www.nobelprize.org/alfred-nobel">cinq initialement prévus</a> dans le testament du chimiste suédois Alfred Nobel en 1895. Il s’appelle officiellement le prix Sveriges Riksbank en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel. Il a été décerné pour la première fois en 1969. Ce prix décerné à Joel Mokyr, Philippe Aghion et Peter Howitt s’inscrit dans la tendance qui voit l’attribution de ces récompenses dominée par des chercheurs travaillant dans des universités états-uniennes.</p>
<p>Cela perpétue également le schéma de surreprésentation masculine. Seuls <a href="https://www.cbc.ca/news/world/nobel-economics-canadian-howitt-9.6936774">3 des 99 lauréats en économie sont des femmes</a>.</p>
<p>On aurait pu imaginer que la professeure d’économie Rachel Griffith, plutôt que Joel Mokyr, partagerait le prix avec Philippe Aghion et Peter Howitt cette année. Puisqu’en effet, Griffith a co-écrit l’ouvrage <a href="https://mitpress.mit.edu/9780262512022/competition-and-growth/"><em>Competition and Growth</em></a> avec Philippe Aghion et co-écrit un <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/000282806777211595">article</a> sur la concurrence avec ses deux coreligionnaires.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/268232/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>John Hawkins ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Les travaux de Joel Mokyr, Philippe Aghion et Peter Howitt, Prix Nobel d’économie 2025, portent sur les facteurs qui stimulent la croissance économique, et le rôle joué par l’innovation scientifique dans la naissance et la disparition d’entreprises.
John Hawkins, Head, Canberra School of Government, University of Canberra
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2025-10-24T15:01:33Z
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Pourquoi vous devriez sérieusement arrêter d’essayer d’être drôle au travail
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/698373/original/file-20250918-56-xztt9t.jpg?ixlib=rb-4.1.0&rect=0%2C1%2C7007%2C4672&q=45&auto=format&w=1050&h=700&fit=crop" /><figcaption><span class="caption">Les gens rient lorsque les règles sont transgressées sans heurter les sensibilités. Un art d'équilibriste.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/photo/businessman-dreaming-of-vacation-while-coworkers-royalty-free-image/2227211391?adppopup=true">Milan Markovic/E+ via Getty Images</a></span></figcaption></figure><p><strong>Plutôt que de chercher à faire rire à tout prix, mieux vaut adopter la façon de penser des humoristes pour stimuler la créativité, renforcer l’esprit d’équipe et se démarquer sans déraper.</strong></p>
<hr>
<p>Comment progresser dans sa carrière sans trop s’ennuyer ? Une solution souvent évoquée dans les <a href="https://www.humorseriously.com/">livres de management</a>, sur <a href="https://www.linkedin.com/pulse/humor-work-more-than-laugh-backed-science-liz-laber-nngsc/">LinkedIn</a>
ou dans <a href="https://ntrs.nasa.gov/citations/20220015846">les manuels de team building</a>, consiste à manier l’humour. Partager des blagues, des remarques sarcastiques, des mèmes ironiques ou des anecdotes spirituelles, dit-on, vous rendra plus sympathique, réduira le stress, renforcera les équipes, stimulera la créativité et pourra même révéler votre potentiel de leader.</p>
<p>Nous <a href="https://scholar.google.com/citations?user=ksUPFN0AAAAJ&hl=en&oi=ao">sommes</a> <a href="https://scholar.google.com/citations?user=oQhB8gYAAAAJ&hl=en">professeurs de marketing</a> et de <a href="https://scholar.google.com/citations?user=i_7B_84AAAAJ&hl=en">management</a> spécialisés dans l’étude de l’humour et des dynamiques de travail. Nos propres recherches – ainsi qu’un nombre croissant de travaux menés par <a href="https://doi.org/10.1016/j.copsyc.2023.101698">d’autres chercheurs</a> – montrent qu’il est plus difficile d’être drôle qu’on ne le croit. Les conséquences d’une mauvaise blague sont souvent plus lourdes que les bénéfices d’une bonne. Heureusement, il n’est pas nécessaire de faire hurler de rire son entourage pour que l’humour vous soit utile. Il suffit d’apprendre à penser comme un humoriste.</p>
<h2>L’humour, un exercice risqué</h2>
<p>La comédie repose sur le fait de tordre et de transgresser les normes – et lorsque ces règles ne sont pas brisées de la bonne manière, cela nuit plus souvent à votre réputation que cela n’aide votre équipe. Nous avons développé la « <a href="https://humorresearchlab.com/benign-violation-theory/">théorie de la violation bénigne</a> »
pour expliquer ce qui rend une situation drôle – et pourquoi tant de tentatives d’humour tournent mal, notamment au travail. En résumé, le rire naît lorsque quelque chose est à la fois « mal » et « acceptable ».</p>
<p>Les gens rient lorsque les règles sont transgressées sans danger. Si l’un des deux éléments manque, la blague tombe à plat. Quand tout est bénin et qu’il n’y a aucune transgression, on s’ennuie. Quand il n’y a que transgression sans bénignité, on provoque l’indignation.</p>
<p>Il est déjà difficile de faire rire dans la pénombre d’un comedy club. Sous les néons d’un bureau, la ligne devient encore plus mince. Ce qui paraît « mal mais acceptable » à un collègue peut sembler simplement inacceptable à un autre, selon la hiérarchie, la culture, le genre ou même l’humeur du moment.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/PhGe50BXb2M?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La série « The Office » excelle dans l'art d'exposer les conséquences d'une transgression ratée.</span></figcaption>
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<h2>Une étude publicitaire</h2>
<p>Dans nos expériences, lorsque des personnes ordinaires sont invitées à « être drôles », la plupart de leurs tentatives tombent à plat ou franchissent des limites. Lors d’un concours de légendes humoristiques avec des étudiants en école de commerce – décrit dans <a href="https://petermcgraw.org/books/the-humor-code/">le livre de Peter McGraw sur l’humour à travers le monde</a>, <em>The Humor Code</em>, les propositions n’étaient pas particulièrement drôles au départ. Pourtant, celles jugées les plus amusantes étaient aussi considérées comme les plus déplacées.</p>
<p>Être drôle sans être offensant est donc essentiel. C’est particulièrement vrai pour les femmes : de nombreuses études montrent qu’elles subissent des réactions plus négatives que les hommes lorsqu’elles adoptent des comportements perçus comme offensants ou transgressifs, tels que <a href="https://doi.org/10.1111/j.1467-9280.2008.02079.x">l’expression de la colère</a>, l’affirmation de dominance ou <a href="https://doi.org/10.1016/j.obhdp.2006.09.001">même les demandes de négociation</a>.</p>
<h2>Risquer de perdre tout respect</h2>
<p>Les recherches menées par d’autres spécialistes du comportement des leaders et managers racontent la même histoire. Dans une étude, les managers qui utilisaient l’humour efficacement étaient <a href="https://doi.org/10.1037/pspi0000079">perçus comme plus compétents et plus sûrs d’eux</a>, ce qui renforçait leur statut. Mais lorsque leurs tentatives échouaient, ils perdaient aussitôt crédibilité et autorité. D’<a href="https://doi.org/10.1016/j.copsyc.2023.101698">autres chercheurs ont montré</a> qu’un humour raté ne nuisait pas seulement au statut d’un manager, mais réduisait aussi le respect, la confiance et la volonté des employés de solliciter ses conseils.</p>
<p>Même lorsqu’une blague fait mouche, l’humour peut se retourner contre son auteur. Dans <a href="https://www.msi.org/working-papers/when-humor-backfires-revisiting-the-relationship-between-humorous-marketing-and-brand-attitude/">une étude</a>, des étudiants en marketing chargés d’écrire des publicités « drôles » ont produit des annonces plus amusantes, mais moins efficaces, que ceux invités à rédiger des textes « créatifs » ou « persuasifs ».</p>
<p>Une autre étude a révélé que les patrons qui plaisantent trop souvent <a href="http://doi.org/10.5465/amj.2022.0195">poussent leurs employés à feindre l’amusement</a>, ce qui épuise leur énergie, réduit leur satisfaction et augmente le risque d’épuisement professionnel. Et les risques sont <a href="https://hbr.org/2019/03/making-jokes-during-a-presentation-helps-men-but-hurts-women">encore plus élevés pour les femmes</a> en raison d’un double standard : lorsqu’elles utilisent l’humour dans une présentation, elles sont souvent jugées moins compétentes et de plus faible statut que les hommes.</p>
<p>En résumé, une bonne blague ne vous vaudra presque jamais une promotion. Mais une mauvaise peut mettre votre poste en danger – <a href="https://www.cbsnews.com/news/abc-suspends-jimmy-kimmel-live-over-kimmels-charlie-kirk-comments/">même si vous n’êtes pas un animateur de talk-show</a> payé pour faire rire.</p>
<h2>Inverser la perspective</h2>
<p>Plutôt que d’essayer d’être drôle au travail, nous recommandons de vous concentrer sur ce que nous appelons « penser drôle » – comme le décrit un autre livre de McGraw, “<a href="https://petermcgraw.org/books/shtick-to-business/"><em>Shtick to Business</em></a>. </p>
<p>« Les meilleures idées naissent comme des blagues », disait le légendaire publicitaire David Ogilvy. « Essayez de rendre votre manière de penser aussi drôle que possible. » Mais Ogilvy ne conseillait pas aux dirigeants de lancer des blagues en réunion. Il les encourageait à penser comme des humoristes : renverser les attentes, s’appuyer sur leurs réseaux et trouver leur propre registre.</p>
<p>Les humoristes ont souvent pour habitude de vous emmener dans une direction avant de renverser la situation. Le comédien Henny Youngman, maître des répliques percutantes, <a href="https://www.quotationspage.com/quote/1054.html">a ainsi lancé cette célèbre boutade</a> : « Quand j’ai lu les dangers de l’alcool, j’ai arrêté… de lire. »
La version professionnelle de cette approche consiste à remettre en cause une évidence.</p>
<p>Par exemple, la campagne « Don’t Buy This Jacket » de Patagonia, publiée en pleine journée du Black Friday 2011 sous forme de page entière dans le New York Times, <a href="https://www.investopedia.com/articles/personal-finance/070715/success-patagonias-marketing-strategy.asp">a paradoxalement fait grimper les ventes</a> en dénonçant la surconsommation.</p>
<p>Pour appliquer cette méthode, identifiez une idée reçue au sein de votre équipe – par exemple, que l’ajout de nouvelles fonctionnalités améliore toujours un produit, ou que multiplier les réunions favorise une meilleure coordination – et demandez-vous : « Et si c’était l’inverse ? » Vous découvrirez alors des pistes que les séances de brainstorming classiques laissent souvent passer.</p>
<h2>Créer un fossé</h2>
<p>Quand l’humoriste Bill Burr <a href="https://www.vulture.com/2018/05/bill-burr-in-conversation.html">fait hurler de rire son public</a>, il sait que certaines personnes ne trouveront pas ses blagues drôles – et il ne cherche pas à les convaincre. Nous avons observé que beaucoup des meilleurs comiques ne cherchent pas à plaire à tout le monde. Leur succès repose justement sur le fait de restreindre délibérément leur audience. Et nous constatons que les entreprises qui adoptent la même stratégie bâtissent souvent des marques plus fortes.</p>
<p>Par exemple, lorsque l’office du tourisme du Nebraska a choisi <a href="https://visitnebraska.com/press-releases/nebraska-tourism-launches-springsummer-campaign-nebraska-honestly-its-not-everyone">le slogan « Honnêtement, ce n’est pas pour tout le monde »</a> dans une campagne de 2019 visant les visiteurs hors de l’État, le trafic du site web a bondi de 43 %. Certaines personnes aiment le thé chaud, d’autres le thé glacé. Servir du thé tiède ne satisfait personne. De la même manière, on peut réussir en affaires en décidant à qui une idée s’adresse – et à qui elle ne s’adresse pas – puis en adaptant son produit, sa politique ou sa présentation en conséquence.</p>
<h2>Coopérer pour innover</h2>
<p>Le stand-up peut sembler un exercice solitaire. Pourtant, les humoristes dépendent du retour des autres – les suggestions de leurs pairs et les réactions du public – et peaufinent leurs blagues comme une start-up agile améliore un produit.</p>
<p>Construire des équipes performantes au travail suppose d’écouter avant de parler, de valoriser ses partenaires et de trouver le bon équilibre entre les rôles. Le professeur d’improvisation Billy Merritt <a href="https://petermcgraw.org/talking-pirates-and-robots-with-billy-merritt/">décrit</a> trois types d’improvisateurs : les pirates, qui prennent des risques ; les robots, qui bâtissent des structures ; et les ninjas, capables de faire les deux à la fois – oser et organiser.</p>
<p>Une équipe qui conçoit une nouvelle application, par exemple, a besoin des trois : des pirates pour proposer des fonctionnalités audacieuses, des robots pour simplifier l’interface, et des ninjas pour relier le tout. Donner à chacun la possibilité de jouer pleinement son rôle permet de générer des idées plus courageuses, avec moins d’angles morts.</p>
<h2>Les dons ne sont pas universels</h2>
<p>Dire à quelqu’un « sois drôle » revient à lui dire « sois musical ». Beaucoup d’entre nous savent garder le rythme, mais peu ont le talent nécessaire pour devenir des rock stars.C’est pourquoi nous pensons qu’il est plus judicieux de penser comme un humoriste que d’essayer d’en imiter un.</p>
<p>En renversant les évidences, en coopérant pour innover et en assumant des choix clivants, les professionnels peuvent trouver des solutions originales et se démarquer — sans devenir la risée du bureau.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/268320/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Au bureau comme sur scène, l’humour demande du doigté. Penser « drôle » – plutôt que jouer au comique – permet d’innover, d’unir et de surprendre sans perdre en crédibilité.
Peter McGraw, Professor of Marketing and Psychology, University of Colorado Boulder
Adam Barsky, Associate Professor of Management, The University of Melbourne
Caleb Warren, Professor of Marketing, University of Arizona
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2025-10-24T10:28:10Z
2025-10-24T10:28:10Z
Pourquoi Halloween commence-t-elle beaucoup plus tôt chaque année ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/698305/original/file-20251024-56-xrng2x.jpg?ixlib=rb-4.1.0&rect=0%2C1%2C5759%2C3840&q=45&auto=format&w=1050&h=700&fit=crop" /><figcaption><span class="caption">Halloween trouve ses racines dans une fête celtique honorant les morts.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/empty-wooden-table-blurred-halloween-background-2494467217">12Studio/shutterstock</a></span></figcaption></figure><p><strong>Autrefois fête modeste d’automne, Halloween s’est transformée en un phénomène commercial qui s’étend sur une période de plus en plus longue. On peut difficilement blâmer les commerçants.</strong></p>
<hr>
<p>Halloween est une période amusante et effrayante pour les enfants et les adultes, mais pourquoi cette période semble-t-elle commencer beaucoup plus tôt chaque année ? Il y a des décennies, quand j’étais jeune, Halloween était une fête concentrée sur quelques jours, et les gens ne commençaient à se préparer qu’à la mi-octobre. Aujourd’hui, dans mon quartier près de l’endroit où j’ai grandi dans le Massachusetts, les décorations d’Halloween commencent à apparaître au milieu de l’été.</p>
<p>Ce qui a changé, ce n’est pas seulement le moment où nous célébrons, mais comment : Halloween est passée d’une simple tradition folklorique à un événement commercial massif. En tant que <a href="https://www.bu.edu/questrom/profiles/jay-zagorsky/">professeur d’école de commerce</a> qui étudie l’économie des vacances depuis des années, je suis stupéfait par la <a href="https://theconversation.com/why-is-halloween-spending-growing-when-americans-are-supposedly-cutting-back-242101">façon dont le business d’Halloween s’est développé</a>. Et comprendre l’ampleur de cette fête commerciale peut aider à expliquer pourquoi elle commence de plus en plus tôt.</p>
<h2>Le business d’Halloween</h2>
<p>Les racines d’Halloween sont à chercher du côté d'une <a href="https://theconversation.com/halloweens-celebration-of-mingling-with-the-dead-has-roots-in-ancient-celtic-celebrations-of-samhain-191300">fête celtique</a> honorant les morts, plus tard <a href="https://www.history.com/articles/history-of-halloween%23section_3">adaptée par l’Église catholique</a> comme un moment pour se souvenir des saints. Aujourd’hui, il s’agit en grande partie d’une célébration laïque — une célébration qui donne aux gens de tous horizons une chance de se déguiser, de s’engager dans la fantaisie et d’affronter leurs peurs en toute sécurité.</p>
<p>Ce large attrait a alimenté une croissance explosive. Depuis 2005, la <a href="https://nrf.com/">National Retail Federation</a> a <a href="https://nrf.com/research-insights/holiday-data-and-trends/halloween">interrogé les Américains sur leurs projets pour Halloween</a> chaque mois de septembre. À l’époque, un <a href="https://nrf.com/research-insights/holiday-data-and-trends/halloween/halloween-data-center">peu plus de la moitié des Américains ont déclaré qu’ils prévoyaient de célébrer</a>. En 2025, <a href="https://nrf.com/media-center/press-releases/nrf-consumer-survey-finds-halloween-spending-to-reach-record-13-1-billion">près des trois quarts</a> ont dit qu’ils le feraient — un bond énorme en 20 ans.</p>
<p>Et les gens <a href="https://nrf.com/media-center/press-releases/nrf-consumer-survey-finds-halloween-spending-to-reach-record-13-1-billion">prévoient de débourser</a> plus d’argent que jamais. Selon la fédération, les dépenses totales pour Halloween devraient atteindre un record de 13 milliards de dollars cette année, soit près de quatre fois plus qu’au cours des deux dernières décennies. En tenant compte de <a href="https://www.bls.gov/data/inflation_calculator.htm">l’inflation</a> et de la <a href="https://www.census.gov/programs-surveys/popest.html">croissance démographique</a>, j’ai constaté que l’États-unien moyen dépensera environ 38 dollars pour Halloween cette année – contre seulement 18 dollars par personne en 2005. C’est beaucoup de maïs sucré.</p>
<p><iframe id="ZtQxQ" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ZtQxQ/4/" height="400px" width="100%" style="border: 0;" scrolling="no" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les <a href="https://dataweb.usitc.gov/">importations de bonbons</a> montrent une tendance similaire. Septembre a longtemps été le mois clé pour le commerce des bonbons, avec des importations d’environ un cinquième plus élevées que pendant le reste de l’année. En septembre 2005, les États-Unis ont importé environ 250 millions de dollars de ces sucreries. En septembre 2024, ce chiffre avait triplé pour atteindre environ 750 millions de dollars.</p>
<p>Cela fait partie d’une tendance plus large d’Halloween qui devient un évènement beaucoup plus professionnalisé. Par exemple, quand j’étais enfant, il n’était pas rare que les familles distribuent des brownies, des pommes confites et d’autres friandises faites maison aux enfants. Mais en raison de <a href="https://www.fda.gov/consumers/consumer-updates/halloween-safety-tips-costumes-candy-and-colored-contact-lenses">problèmes de sécurité et d’allergies alimentaires</a>, pendant des décennies, les Américains ont été avertis de s’en tenir à des bonbons produits en masse et emballés individuellement.</p>
<p>Le même changement s’est produit avec les costumes. Il y a des années, beaucoup de gens fabriquaient le leur. Aujourd’hui, les costumes achetés en magasin deviennent majoritaires – <a href="https://theconversation.com/half-a-billion-on-halloween-pet-costumes-is-latest-sign-of-americas-out-of-control-consumerism-125991">même pour les animaux de compagnie</a>.</p>
<h2>Pourquoi Halloween continue de commencer plus tôt</h2>
<p>Bien qu’aucune recherche définitive n'établisse pourquoi la fête d'Halloween commence plus tôt chaque année, l’augmentation des dépenses commerciales pourrait être l’un des principaux facteurs.</p>
<p>Les produits d’Halloween sont saisonniers, ce qui signifie que personne ne veut acheter des <a href="https://www.costco.com/giant-ground-breaking-skeleton.product.4000256751.html">squelettes en plastique géants</a> le 1<sup>er</sup> novembre. À mesure que les dépenses totales augmentent, les commerçants commandent plus de stocks et le coût de stockage de quantités toujours plus importantes d’articles invendus jusqu’à l’année prochaine devient une variable plus importante.</p>
<p>Une fois que le retour sur investissement d’une saison devient suffisamment important, les <a href="https://doi.org/10.1287/mksc.1110.0693">commerçants commencent à commander et à exposer des marchandises</a> bien avant qu’elles ne soient réellement nécessaires. Par exemple, les manteaux d’hiver commencent à apparaître dans les magasins au début de l’automne et disparaissent généralement lorsque la neige commence à tomber. C’est la même chose avec Halloween : les commerçants sortent les marchandises tôt pour s’assurer qu’elles ne soient pas coincées avec des marchandises invendues une fois la saison terminée.</p>
<p>De plus, ils fixent souvent des prix stratégiques, en facturant le prix fort lorsque les articles arrivent pour la première fois sur les étagères, en attirant les acheteurs précoces, impatients, puis en baissant les prix à l’approche des vacances. Cela permet de vider les étagères et les entrepôts et de faire de la place pour la prochaine saison.</p>
<p>Au cours des deux dernières décennies, Halloween est devenue une fête commerciale de plus en plus importante. L’augmentation du nombre de personnes profitant des vacances et l’augmentation des dépenses ont fait d’Halloween un régal géant pour les entreprises. L’enjeu pour les commerçants est d’empêcher son commencement avant le 4 juillet…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/268306/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jay L. Zagorsky ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Aux États-Unis, Halloween n’est plus une simple fête de fantômes et de citrouilles : c’est un business de plusieurs milliards de dollars. Les décorations s’installent dès l’été, les ventes de costumes explosent, et les dépenses par foyer ont doublé en vingt ans.
Jay L. Zagorsky, Associate Professor Questrom School of Business, Boston University
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
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2025-10-23T14:18:16Z
2025-10-23T14:18:16Z
La fin du libre-échange et le retour du protectionnisme économique aux États-Unis
<p><strong>Les récentes politiques douanières des États-Unis signalent un changement de paradigme. Washington adopte un protectionnisme assumé, centré sur la relocalisation de la production et sur la promotion du « Made in America ». Ce tournant redéfinit les règles du jeu et contribue à une reconfiguration en profondeur de la mondialisation et des flux commerciaux internationaux.</strong></p>
<hr>
<p>Une lecture rapide de la mondialisation permet de retracer les étapes essentielles qui ont abouti à la situation actuelle et de mettre en lumière l’effacement de l’idéologie libérale au profit de <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/08/27/donald-trump-renforce-l-intervention-de-l-etat-americain-dans-les-entreprises_6636441_3234.html">l’interventionnisme stratégique aux États-Unis</a>.</p>
<p><a href="https://www.telos-eu.com/fr/economie/vers-un-nouveau-cycle-de-mondialisation.html#_ftn1">La période 1990-2019 représente une phase d’hypermondialisation</a> caractérisée par la diffusion d’une idéologie néolibérale centrée sur les entreprises et les marchés, et sur l’adoption de politiques commerciales se conformant aux <a href="https://www.wto.org/french/thewto_f/whatis_f/tif_f/fact2_f.htm">règles globales des flux commerciaux et d’investissements édictées par l’Organisation mondiale du commerce</a> (OMC).</p>
<p>Le système d’échanges international, construit autour de <a href="https://ses.ens-lyon.fr/articles/la-mondialisation-des-chaines-de-valeur">chaînes de valeur mondialisées</a>, traduit l’influence unilatérale des États-Unis, unique hyperpuissance dans les années 1990, 2000 et 2010. Le résultat est un jeu à somme positive qui conduit à une <a href="https://www.foreignaffairs.com/china/requiem-hyperglobalization">convergence des taux de croissance entre le Nord et le Sud, entre 2003 et 2019</a>.</p>
<p>Les inégalités s’accroissent à la fin de la période et la <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/zoom-zoom-zen/zoom-zoom-zen-du-jeudi-24-novembre-2022-1614142">démondialisation</a>, certes relative, s’amplifie. Pour deux raisons.</p>
<p>D’une part, en raison de la crise financière, les <a href="https://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2022/12/06/debt-service-payments-put-biggest-squeeze-on-poor-countries-since-2000">pays pauvres très endettés</a> ne peuvent exploiter leurs avantages comparatifs au sein de chaînes de valeur raccourcies et régionalisées. C’est le cas du Bangladesh et du Cambodge dans le textile-habillement et dans l’ameublement. Les pays bénéficiaires sont la Turquie, la Roumanie et la Bulgarie.</p>
<p>D’autre part, les considérations géopolitiques l’emportent sur les motifs strictement économiques, ce qui accroît fortement la contrainte de risque dans les choix des localisations et conduit à une fragmentation progressive de l’espace mondial (certains segments de chaînes de valeur dans l’aéronautique et les technologies numériques installées en Chine ont été transférés au Vietnam).</p>
<h2>Du libre-échange à la quête de puissance</h2>
<p>Pour les États-Unis, le risque global de décrochage économique et technologique par rapport à la Chine accentue le poids de l’impératif de sécurité : il s’agit de sécuriser certains approvisionnements (terres rares ou batteries) et de développer les technologies critiques couvrant des besoins économiques et de sécurité nationale. Il apparaît que les interactions internationales ont accru le déficit commercial et l’endettement financier.</p>
<p>Les rapports de force s’introduisent en deux temps. Les États-Unis réagissent d’abord lorsqu’ils admettent que les <a href="https://www.ifri.org/fr/editoriaux/la-chine-premiere-puissance-economique-mondiale-vraiment">gains de puissance politique, économique et technologique de la Chine</a> diminuent la puissance relative des États-Unis, et reconnaissent que la puissance mondiale est un jeu à somme nulle.</p>
<p>Le nouveau paradigme repose sur l’idée que les politiques industrielles ne s’opposent pas aux marchés, mais permettent de renforcer des positions d’ancrage significatives sur des marchés ayant une importance économique et géopolitique stratégique. Dès lors, des formes de protectionnisme se développent. D’où les deux lois votées en 2022, sous Joe Biden : le <a href="https://www.congress.gov/bill/117th-congress/house-bill/4346">CHIPS and Science Act</a> (semiconducteurs) et <a href="https://www.congress.gov/bill/117th-congress/house-bill/5376">l’Inflation Reduction Act</a> (transition énergétique).</p>
<p>À l’opposé, Donald Trump considère que la décarbonation de l’industrie ne permet pas la réindustrialisation des États-Unis. C’est pourquoi il a mis fin le 7 juillet au <a href="https://www.lesechos.fr/monde/etats-unis/donald-trump-declare-la-guerre-aux-energies-renouvelables-2187083">plan de subventions et d’exonérations fiscales en faveur de la transition énergétique</a>.</p>
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<p>Les rapports de puissance s’expriment par les droits de douane censés réaliser des objectifs économiques et de sécurité nationale. L’idée est que plus les droits de douane sont élevés, plus les <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/08/01/reindustrialiser-les-etats-unis-le-pari-incertain-de-donald-trump_6625858_3234.html">entreprises étrangères sont incitées à investir aux États-Unis pour ne pas avoir à les payer</a>.</p>
<p>Or, les entreprises étrangères peuvent être désincitées par le <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/08/01/reindustrialiser-les-etats-unis-le-pari-incertain-de-donald-trump_6625858_3234.html">coût de la main-d’œuvre aux États-Unis</a> (seize fois plus élevé qu’au Vietnam et onze fois plus important qu’au Mexique), mais plus encore par la difficulté de s’approvisionner en biens intermédiaires stratégiques, ce que les accords de libre-échange facilitaient.</p>
<p>Les nouveaux droits de douane sont la base d’une politique « réciproque » visant à équilibrer le commerce entre les États-Unis et leurs partenaires commerciaux, notamment les pays en développement.</p>
<p>Dans les faits, la recherche de l’équité via « la politique réciproque » dans les relations commerciales aboutit à de fortes asymétries. Par exemple, en ce qui concerne le Vietnam, les <a href="https://asialyst.com/fr/2025/07/04/guerre-commerciale-vietnam-limite-degats-etats-unis/">exportateurs américains vendront à droit zéro sur le marché vietnamien tandis que les exportateurs vietnamiens acquitteront une taxe de 20 %</a>.</p>
<p>Dans ce contexte, la mondialisation transactionnelle articulée autour de négociations et de sanctions, <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/droits-de-douane-de-trump-poussent-linde-bras-de-chine/00116498">comme dans le cas de l’Inde</a>, s’accompagne de mesures protectionnistes dont les plus notables sont le contrôle des importations menaçant la sécurité nationale, les restrictions sur les investissements entrants et sortants et la <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/08/22/donald-trump-affirme-qu-intel-a-accepte-de-ceder-10-de-ses-actions-a-l-etat-americain_6633553_3234.html">prise de participation de 10 % de l’État américain au capital d’Intel</a>, ce qui interroge sur l’éclosion d’un capitalisme d’État.</p>
<h2>La fin de l’orthodoxie libérale</h2>
<p>En janvier 2025, le Bureau of Industry and Security (<em>agence du département du commerce, ndlr</em>) a imposé des restrictions formelles à l’exportation de nouveaux équipements de calcul avancé (la Taïwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC) est dorénavant contrainte d’obtenir une licence pour tout envoi de produits), ce à quoi s’ajoute le contrôle de volumes importants de données nécessaires à l’entraînement des modèles d’intelligence artificielle (IA).</p>
<p>L’objectif est d’instrumentaliser les interconnexions économiques (flux de produits, de connaissances brevetées, de données, transferts financiers) à des fins de blocage et de coercition. L’orthodoxie libérale est congédiée au profit de l’avantage stratégique dans le but d’atteindre un leadership incontestable sur la scène mondiale.</p>
<p>À supposer que l’UE reste une zone de libre-échange capable d’irradier et de construire avec d’autres pays des règles et de l’équité, la mondialisation s’organiserait autour de deux découpages superposés : celui du libre-échange concernant les produits de faible et moyenne gamme et celui des biens stratégiques dont le périmètre est réduit, selon la formule « <em>Small yard, high fence</em> », en raison des barrières à l’entrée infranchissables, à la fois, géopolitiques et industrielles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/266810/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bernard Guilhon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Les États-Unis renforcent leur politique douanière, en misant sur le protectionnisme et sur la production locale, et redéfinissent les règles du commerce mondial.
Bernard Guilhon, Professeur de sciences économiques, SKEMA Business School
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/267234
2025-10-23T14:13:43Z
2025-10-23T14:13:43Z
Pour vendre en boutique, Shein devra accomplir une rupture logistique
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/697286/original/file-20251020-56-3j8qoy.jpg?ixlib=rb-4.1.0&rect=0%2C0%2C6000%2C4000&q=45&auto=format&w=1050&h=700&fit=crop" /><figcaption><span class="caption">Des entrepôts de Shein pourraient éclore en France dans les prochaines années, si la marque de prêt-à-porter ultra-rapide s’installe durablement dans les magasins français.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/whitestown-circa-november-2022-shein-ecommerce-2234883037">Jonathan Weiss</a></span></figcaption></figure><p><strong>Passer de la vente 100 % en ligne à la vente en magasin n’est pas chose si aisée. Cela nécessite de revoir l’ensemble de sa logistique.</strong></p>
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<p>Le géant de l’ultrafast fashion, Shein, a bâti son succès sur une chaîne logistique mondiale « sans frontières », mais bel et bien centrée sur la Chine, un pays clé pour la plupart des chaînes logistiques mondiales. Au cœur de son modèle économique se trouvent la production par micro-lots, l’expédition directe à bas coût et l’agilité extrême dans la création et la diffusion de nouveaux produits pour coller aux tendances des réseaux sociaux.</p>
<p>L’annonce de la vente de produits de cette marque dans six magasins en France, une première mondiale pour la marque, change radicalement la donne… et pas seulement d’un point de vue marketing. C’est une véritable rupture logistique qui se joue. </p>
<p>Pour passer du modèle « ultra-flexible, centré sur la production « à la demande », à un modèle « semi-physique avec stocks localisés », la <a href="https://doi.org/10.1007/s10479-021-03974-9">viabilité de cette nouvelle chaîne logistique</a>, et donc de son modèle économique, dépend de la capacité de Shein à maintenir l’équilibre entre résilience, agilité et robustesse.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ultrafast-fashion-et-grands-magasins-un-pacte-dangereux-pour-les-consommateurs-et-pour-la-planete-267036">Ultrafast-fashion et grands magasins : un pacte dangereux pour les consommateurs et pour la planète</a>
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<h2>Un tournant à haut risque</h2>
<p>Migrer d’un modèle de <em>pur player</em> (100 % en ligne) à celui de la vente en boutique impose de nouvelles contraintes : constituer des stocks avancés en France (ou à proximité), gérer les flux omnicanaux (qui mêlent les flux vers les boutiques et l’e-commerce), organiser les éventuels retours (problèmes de taille…), anticiper la demande locale afin de maximiser les ventes et éviter d’avoir à gérer des invendus ou les minimiser.</p>
<p>Tout l’inverse ou presque du « modèle historique » de Shein, celui de l’agilité extrême, caractérisée par peu de stocks, une production selon la demande et des délais courts de création et de production. Cette nouvelle stratégie pourrait bien se heurter aux réalités du <em>retail</em> traditionnel : coûts fixes, délais d’acheminement, surstocks, obsolescence… Autrement dit, Shein devra désormais composer avec la rigidité physique du point de vente. Cette mutation logistique, au-delà de la stratégie marketing, mérite qu’on s’y arrête.</p>
<h2>Une logistique historiquement centralisée</h2>
<p>Shein a prospéré grâce à une organisation hypercentralisée, avec une production majoritairement basée dans le sud de la Chine et des expéditions directes vers les clients européens sous format de colis. Ce modèle lui permettait d’éviter les coûts d’entreposage et de produire en fonction de la demande. Un article n’était fabriqué qu’après l’apparition d’une tendance en ligne, notamment sur les réseaux sociaux.</p>
<p>L’ouverture de boutiques physiques change tout. Pour alimenter ces « corners » annoncés à <a href="https://theconversation.com/ultrafast-fashion-et-grands-magasins-un-pacte-dangereux-pour-les-consommateurs-et-la-planete-267036">Paris, à Dijon (Côte-d’Or), à Reims (Marne), Grenoble (Isère), Angers (Maine-et-Loire) et Limoges (Haute-Vienne) au sein du BHV</a> ou aux Galeries Lafayette, l’entreprise devrait disposer de stocks tampons à proximité, probablement dans des entrepôts situés en France ou dans un pays limitrophe. Shein entre dans un champ d’équations nouvelles : livraisons régulières aux magasins, <a href="https://theconversation.com/livraison-du-dernier-kilometre-quelles-solutions-demain-pour-decarboner-la-logistique-231300">gestion du « dernier kilomètre »</a> (avec notamment les difficultés de livraison en hypercentre), retours croisés entre les achats effectués en e-commerce et en boutique… Autant de contraintes qui augmentent les coûts et allongent les délais.</p>
<p>Or, Shein c’est avant tout des prix bas et des délais serrés. Cette réorganisation peut supposer de nouvelles infrastructures comme des entrepôts régionaux, des systèmes d’information capables d’assurer la visibilité des stocks en temps réel, et des flux de transport réguliers entre hubs logistiques et points de vente. Ces ajustements logistiques risquent de réduire l’agilité qui faisait la force du modèle initial… </p>
<p>Ira-t-elle jusqu’à décevoir les clients en boutique ?</p>
<h2>Des précédents éclairants</h2>
<p>Shein n’est pas la première entreprise à franchir le pas du physique. Aux États-Unis, Amazon, qui avait longtemps juré ne jamais ouvrir de magasins, a finalement lancé en 2018 ses <a href="https://theconversation.com/amazon-derriere-linnovation-une-armee-de-travailleurs-precaires-230437">enseignes Amazon Go</a>, avant d’en fermer près de la moitié à partir de 2023. C’est la preuve que la gestion opérationnelle du physique (stocks, personnel, emplacement) peut peser lourd même pour un géant du numérique.</p>
<p>Plusieurs marques françaises, dites <em>digital natives</em>, ont expérimenté cette transition. Cabaïa, connue pour ses sacs et accessoires personnalisables, a débuté comme <em>pure player</em> avant d’ouvrir des boutiques en propre et des corners dans les gares et centres commerciaux. Ce virage a nécessité une refonte logistique complète de la constitution de stocks régionaux, à l’adaptation des flux entre le site web et les points de vente, en passant par la synchronisation des références pour éviter les ruptures ou doublons d’inventaire. La marque reconnaît que la prévision de la demande locale et la logistique de réassort ont été les plus grands défis de cette expansion.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le Figaro TV, 2025.</span></figcaption>
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<p>Autre exemple, le <a href="https://theconversation.com/lunion-fait-la-force-du-made-in-france-240044">Slip français</a>, pionnier du <em>Made in France</em> digital, a lui aussi multiplié les boutiques physiques pour renforcer la proximité avec les clients. Cette stratégie a entraîné des investissements en entrepôt, en personnel et en systèmes d’information, nécessaires pour assurer une cohérence entre le stock en ligne et celui en magasin, tout en maintenant la promesse du local et du circuit court.</p>
<p>Ces expériences montrent que passer du digital au physique, via une transition multicanale, ne consiste pas seulement à ouvrir une boutique. Cela implique de repenser la chaîne logistique dans son ensemble : prévisions, entreposage, transport, gestion de stocks… et même durabilité (si cela est un objectif de Shein !). Shein, avec son modèle fondé sur la vitesse et la dispersion mondiale, se retrouve confrontée à des défis similaires… mais à une échelle sans commune mesure.</p>
<h2>Un « stress-test » logistique grandeur nature</h2>
<p>L’implantation de Shein en France est un test grandeur nature pour son modèle logistique. Si l’entreprise parvient à articuler e-commerce et commerce physique sans compromettre sa rapidité et ses marges, elle pourrait redéfinir les standards de l’ultrafast-fashion… Mais la probabilité inverse est tout aussi plausible : que les rigidités du <em>retail</em> viennent brider l’agilité et révéler les limites d’un modèle conçu pour l’instantanéité numérique.</p>
<p>L’expérience française devrait donc servir en quelque sorte de laboratoire logistique. Soit Shein réussit à hybrider ses flux mondiaux avec des capacités locales efficaces, soit cette transition exposera la fragilité structurelle d’une fast-fashion devenue trop rapide pour le monde physique. En définitive, plus qu’une simple diversification commerciale, cette implantation marque l’entrée de Shein dans une nouvelle ère, celle où l’optimisation logistique devient la clé de sa nouvelle expansion.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/267234/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Salomée Ruel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Passer de la vente 100 % en ligne à la vente en magasin n’est pas chose si aisée. Cela nécessite de revoir l’ensemble de la logistique.
Salomée Ruel, Professeur, Pôle Léonard de Vinci
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