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Re-recording

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Gilbert Bécaud dans un studio d'enregistrement en 1958 : il chante dans un micro tout en entendant la musique dans un casque.

Le « re-recording », littéralement en français « réenregistrement », est une technique utilisée dans le domaine de la production audio. Elle consiste à enregistrer des sons pour les rajouter à d'autres sons déjà enregistrés afin de les mélanger au moment du mixage. « Re-recording » est un faux-ami en anglais. Le véritable terme équivalent est « dubbing ». À l'apparition de l'enregistrement multipiste, le terme « dubbing » devint « overdubbing » ou overdub.

L'overdub permet à une seule personne d'enregistrer plusieurs instruments l'un après l'autre, puis de les combiner en un seul morceau de musique. Il peut aussi y avoir un enregistrement multipiste live de plusieurs instruments, puis un overdub des musiciens pour rajouter des pistes additionnelles ou du chant. L'overdub permet de compenser les limites de l'enregistrement multipiste, notamment le manque d'entrées sur l'interface audio ou un nombre limité de microphones.

Le doublage, ou double tracking, est une méthode particulière de réenregistrement où une même partie instrumentale ou vocale est enregistrée deux fois afin de donner un son massif en stéréo.

Nathaniel Shilkret est le premier à enregistrer un disque commercialisé avec la technique du re-recording, en 1932.

Le premier exemple de re-recording connu a lieu en 1932 : Nathaniel Shilkret enregistre l'orchestre Victor et y superpose la voix du ténor Enrico Caruso, mort en 1921 et dont des enregistrements existaient déjà. Cette technique avait déjà été expérimentée en 1927 par Rosario Bourdon avec le même chanteur, mais le résultat n'avait pas été jugé digne d'être commercialisé. Dans ce cas précis, le re-recording permet de faire jouer un orchestre avec un chanteur décédé[1].

La technique de l'overdubbing est ensuite utilisée en jazz. Sidney Bechet enregistre le chez son ami John Reid (RCA) des séances en re-recording, une première dans l’histoire du jazz. Il joue à tour de rôle six instruments : de la contrebasse, de la batterie, du piano, de la clarinette, du saxophone soprano et du saxophone ténor, et enregistre les deux faces d’un disque avec les morceaux The Sheik of Araby et Blues of Bechet[2],[3]. À cette époque, la bande magnétique n'existe pas encore, et les instruments sont enregistrés sur un disque acétate ; le son du premier instrument est ensuite diffusé dans le studio tandis que Bechet joue le deuxième instrument, enregistré sur un autre disque, et ainsi de suite[1].

Avec les premiers enregistreurs à bande, la technique consiste à enregistrer d'abord les instruments sur un magnétophone (une piste), puis à enregistrer le chant mélangé simultanément avec les instruments, et ensuite recopier le tout sur un deuxième magnétophone sur bande 1/4 de pouce. En analogique, l'inconvénient de ce procédé a pour conséquence d'ajouter des distorsions, non désirées, inhérentes à ce procédé de copies incontournables.[réf. souhaitée]

Ampex invente[Quand ?] le magnétophone 3 pistes puis rapidement 4 pistes sur bande 1/2 pouce qui permet l'overdub du chanteur tout en évitant l'inconvénient de la copie et surtout en permettant à l'ingénieur du son de se concentrer ultérieurement sur le mixage. Les premiers Ampex 3 et 4 pistes ont été importés en France au tout début des années 1960 aux studios Europa Sonor[Note 1].

En multipiste analogique

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Console de mixage Solid State Logic SL4064G+, dotée de 64 pistes, dans un studio d'enregistrement en 2013.

Le développement de l'enregistrement multipiste analogique, à partir du milieu des années 1960 jusqu'à l'apparition du numérique, offre des possibilités beaucoup plus étendues pour le re-recording. Il modifie radicalement et progressivement les techniques d'enregistrement et de mixage.

Dans les années 1960, l'apparition de magnétophones 4, puis 8 pistes, suivie dans les années 1970 des 16, 24 et 48 pistes, permet l'enregistrement séparé et fractionné[Note 2] de chaque section de l'orchestre (section rythmique puis overdub de cuivres, puis de cordes, puis de la voix…) ce qui donne une nouvelle importance à l'étape du mixage. Le mixage devient ainsi une étape de manipulation des sons, potentiellement « créative ».[réf. souhaitée]

Les évolutions techniques des consoles permettent l'augmentation du nombre de pistes : 24 pistes , 32 pistes analogiques[Note 3] puis davantage (jusqu’à 96 pistes sur certaines consoles).[réf. souhaitée]

En multipiste numérique

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Les premiers enregistreurs numériques apparaissent dans les années 1980, avec l'enregistreur sur bande (enregistrement linéaire) Sony 3324 offrant 24 pistes puis d'autres enregistreurs multipiste apparaissent : 32 et 48 pistes, puis les systèmes de synchronisation permettent d'enregistrer sur plusieurs machines, par exemple 2×48 pistes.[réf. souhaitée]

L'apparition des stations audio-numériques (acronyme DAW, de l'anglais digital audio workstation) permet, avec l'enregistrement non-linéaire, d'augmenter encore plus le nombre de pistes disponibles et facilite l'enregistrement piste par piste des différents instruments : chaque piste peut être enregistrée l'une après l'autre, et les prises de son peuvent se faire tout en écoutant les pistes précédemment enregistrées[4].

Dans le cinéma, il est courant d'utiliser plusieurs DAW lecteurs et enregistreurs au mixage. Quand la console ne possède pas suffisamment de voies d'entrée, il est usuel de procéder à des prémixages à l'intérieur de ces stations.[réf. souhaitée]

Réalisation

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Plusieurs pistes audio dans une station audionumérique.

En numérique, lors de l'enregistrement d'un morceau de musique en studio d'enregistrement (ou en home studio), les instruments sont enregistrés par des microphones ou bien en direct, avec des boîtes de direct (notamment pour les claviers et machines). Ils peuvent passer par plusieurs processeurs hardware (préamplis, compresseurs, EQ...) puis entrent dans une interface audio, elle-mêle généralement reliée à un ordinateur sur lequel se trouve une DAW (station audionumérique) où apparaissent les différentes pistes audio.[réf. souhaitée]


Une fois que le premier instrument est enregistré sur la piste n°1, le deuxième instrument peut être enregistré sur la piste n°2, tout en écoutant le son de la piste n°1. L'overdub nécessite de pouvoir réécouter les pistes déjà enregistrées pour permettre à l'instrumentiste ou l'interprète de se caler sur la musique en enregistrant sa nouvelle piste[4]. L'utilisation d'un casque (plutôt que des enceintes) pour écouter les pistes déjà existantes est privilégiée, afin d'éviter que le son de ces pistes ne soit pas capté par le microphone réalisant la nouvelle prise[4]. Il est également nécessaire d'avoir le même tempo pour tous les instruments afin de pouvoir les caler ensemble. Souvent, l'enregistrement est accompagné d'un métronome qui donne le tempo à tous les musiciens qui enregistrent[5].

La chanteuse Diariata N'Diaye enregistrant en studio : elle écoute les pistes déjà enregistrées dans un casque posé sur ses oreilles, et enregistre sa voix par dessus, en chantant dans un micro (non visible, à gauche de l'image), protégé par un filtre anti-pop.
Exemple audio de double tracking, une méthode d'overdubbing où un instrument est enregistré plusieurs fois pour obtenir un son stéréo massif (ici, une guitare électrique). La basse et les guitares ont été enregistrées par la même personne piste par piste.

Dans le rock et la variété, l'enregistrement en direct (tous les instruments en même temps) a progressivement été remplacé par des enregistrements fractionnés, consistant souvent à commencer par une prise rythmique de base (par exemple : basse-batterie-guitare et voix témoin éventuellement), puis à y ajouter au fur et à mesure d'autres instruments ou groupes d'instruments (claviers, cordes, cuivres, chœurs, percussions, etc.) et ce, par couches successives pour finir par l'enregistrement (ou le ré-enregistrement) des voix définitives.

Le doublage, ou double tracking, est une méthode particulière de réenregistrement où une même partie instrumentale ou vocale est enregistrée deux fois afin de donner un son massif en stéréo[6].

L'overdub permet à un seul musicien d'enregistrer plusieurs instruments ou plusieurs pistes du même instrument (par exemple, une guitare rythmique et un solo de guitare par dessus, ou bien des harmonies vocales chantées par une seule personne)[4]. Certains multi-instrumentistes peuvent ainsi créer des morceaux entiers en enregistrant chaque instrument l'un après l'autre.

Un autre avantage du re-recording est une plus grande clarté du son et l'absence de pollution par les autres instruments. Ainsi, la prise séparée de la batterie, puis de la guitare électrique évite que le son de l'ampli de guitare soit capté par les micros de la batterie, ce qui est le cas quand les deux instruments sont enregistrés en même temps dans la même pièce[5].

L'overdub permet aussi de compenser les limites de l'enregistrement multipiste, notamment le manque d'entrées sur l'interface audio ou un nombre limité de microphones[4]. Un même micro peut ainsi servir pour enregistrer une guitare folk, puis une voix, puis une percussion par exemple.

De même, il est possible d'enregistrer un morceau complet avec une carte son qui ne dispose que de quelques entrées. C'est notamment la méthode utilisée par Bon Iver en 2008 (une interface audio, deux guitares et un seul micro Shure SM57) pour enregistrer tout son album For Emma, Forever Ago[7], ou Billie Eilish et son frère Finneas O' Connell pour l'album When We All Fall Asleep, Where Do We Go?, enregistré dans une chambre en 2019 avec peu de matériel[8]. Alan Krueger note qu’au XXIe siècle, « entre de bonnes mains, un ordinateur avec le logiciel GarageBand ou Logic Pro peut avoir autant de capacités d'enregistrement que les studios Abbey Road »[9]. Ces évolutions technologiques bouleversent le modèle économique de la musique, les barrières à l'entrée pour produire, diffuser et commercialiser un morceau s'étant drastiquement réduites[9].

Artistes ayant utilisé le re-recording

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  • Harry Lookofsky enregistre plusieurs pistes de violon et d'alto pour son album Miracle in Strings, à l'aide de plusieurs enregistreurs Ampex à bande d'une piste en 1954[1]. Il réutilise cette technique en 1959 pour son album Stringsville[1].
  • Les Beach Boys qui doublaient leurs harmonies vocales, donnant à l'auditeur l'impression que les membres du groupe étaient deux fois plus nombreux qu'ils ne l'étaient en réalité.
  • Jethro Tull sur l'album Stand Up (1969) où Ian Anderson interprète deux parties de flûte en simultané sur le morceau Bourrée. Mais sur les deux autres morceaux de l'album où on peut entendre deux parties de flûte en même temps, ce n'est pas du re-recording : la première flûte est tenue par Ian Anderson et la deuxième par Martin Barre, le guitariste du groupe.
  • Led Zeppelin. Jimmy Page, comme producteur du premier album, Led Zeppelin I (1969) superpose plusieurs parties de ses guitares, ainsi que la voix de Robert Plant.
  • Paul McCartney joue de tous les instruments pour l'enregistrement de son premier album éponyme (1970) post-Beatles.
  • Mike Oldfield, qui a bricolé un magnétophone pour superposer tous les instruments dont il joue sur Tubular Bells (1973).
  • Queen. Quasiment toutes leurs chansons contiennent des harmonies vocales (excepté Spread Your Wings). Tout comme les Beach Boys, cela donnait l'illusion d'une chorale. Le guitariste Brian May aussi ré-enregistrait certaines parties de guitare.
  • Aldo Ciccolini dans sa première intégrale des œuvres de piano d'Erik Satie chez EMI, a enregistré les pièces pour piano à quatre mains en re-recording[11].
  • Fazil Say pour son enregistrement de la version pour piano du Sacre du printemps d’Igor Stravinsky (chez Teldec) destiné à l'origine à quatre mains, utilise le procédé pour doubler voire quadrupler son jeu, donnant l'impression dans certains passages d'un piano à six ou huit mains[12].

Notes et références

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  1. George Massenburg (en) a été directeur technique de ce studio, en 1973 et 1974.
  2. Un overdub peut être enregistrée en plusieurs parties ou plusieurs sections ou même sur plusieurs pistes dont chaque partie sera choisie et prémixée sur une nouvelle et unique piste.
  3. Gunther Loof au studio CBE est l'inventeur du 32 pistes analogique.

Références

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  1. a b c et d (en) Alan Stanbridge, Rhythm Changes: Jazz, Culture, Discourse, Taylor & Francis, (ISBN 978-1-000-75547-3, lire en ligne), p. 219
  2. « Victor matrix BS-063785. The sheik of Araby / Sidney Bechet », sur Discography of American Historical Recordings (consulté le )
  3. Christian Béthune, Sidney Bechet, Editions Parenthèses, (ISBN 978-2-86364-609-0, lire en ligne), p. 101
  4. a b c d et e (en) Andrew Brown, Music Technology and Education: Amplifying Musicality, Routledge, (ISBN 978-1-317-93500-1, lire en ligne), p. 53-54
  5. a et b (en) Bruce Bartlett et Jenny Bartlett, Practical Recording Techniques: The Step-by-step Approach to Professional Audio Recording, Taylor & Francis, (ISBN 978-0-240-82153-5, lire en ligne), p. 12, 209-2010
  6. Pierre-Louis de Nanteuil, Dictionnaire encyclopédique du son, Dunod, (ISBN 978-2-10-053674-0, lire en ligne), p. 199
  7. (en) Matt Mullenpublished, « How Bon Iver made a Platinum-selling record with two guitars and a single SM57 microphone », sur MusicRadar, (consulté le )
  8. (en) Andy Jonespublished, « “The less stuff you have, the easier it is to make music": Why Billie Eilish's When We All Fall Asleep, Where Do We Go? is a modern masterpiece », sur MusicRadar, (consulté le )
  9. a et b (en) Alan Krueger, Rockonomics: What the Music Industry Can Teach Us About Economics (and Our Future), John Murray Press, (ISBN 978-1-4736-6790-7, lire en ligne)
  10. (en) Alain Drouot, « Fast Mood », sur AllMusic (consulté le ).
  11. Vincent Lajoinie, Erik Satie édition L'Age d'Homme, 1985, p. 439
  12. « Igor Stravinski : Le Sacre du printemps (version pour piano à quatre mains) », sur www.concertonet.com, (consulté le )

Articles connexes

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Liens externes

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