(English below, en anglais ci-dessous)
Le 3 mai 2019
Depuis quelques semaines, le Québec vit des inondations historiques. Plus de 3’000 maisons inondées, plus de 1800 personnes évacuées. Les scènes sont spectaculaires, des inondations centenaires, dont la dernière occurrence remonte… à 2017. Puis, une digue cède, 5000 évacuées de plus.
Le témoignage d’une dame a particulièrement retenu mon attention. Elle vit au même endroit depuis sa naissance. « Nous n’avons jamais connu d’inondations durant mon enfance. En 1997, la crue a montée, mais sans inonder notre maison. Puis en 2017, nous avons été inondé. Et, de nouveau en 2019. » Un sentiment d’accélération. Son propos ressemble tellement à d’autres entendus via nos médias, ici et ailleurs, depuis une décennie.
Inondations, sécheresses, feux de forêt, ouragans, tempêtes: l’augmentation d’événements exceptionnels, de leur intensité, est un phénomène mondial. Le Canada et le Québec ne font pas exception. À tel point que les assurances habitations ont augmenté au Canada depuis une année, de 10 à 15 pour cent en moyenne. Vlaag, terminé le « ça se passe ailleurs ». Un rapport relève par ailleurs que notre pays se réchauffe trois fois plus rapidement que le reste du monde, et pas seulement au pôle nord.
Réchauffement climatique, gestion des sols, économie (véritablement) circulaire
Le réchauffement climatique est bien entendu présumé coupable. Il gonfle les eaux et augmente le nombre d’événements climatiques extrêmes et les intensifie. Mais la gestion des sols joue un rôle de premier plan. Les terres noires de la Vallée du Saint-Laurent ont perdu une grande partie de leur matière organique et la dégradation s’accélère. La déforestation, le compactage des sols, sont des éléments conduisant à l’oxydation et à l’érosion des terres agricoles. L’usage de produits phytosanitaires et d’engrais chimiques contribuent également à leur oxydation, avec leur exposition à nu au soleil et au vent par le labour. La mauvaise santé des sols génère des symptômes en cascade: leur vie microbienne se dégrade, avec elle le taux de carbone diminue. L’absorption d’eau en baisse produit des inondations, et, paradoxalement, les sécheresses se multiplient pour la même raison.
Cette dégradation des terres agricole a une histoire. Elle aurait débutée par la disparition de la méga-faune, puis, se serait accélérée avec les débuts de l’agriculture, en particulier du fait de la pratique du labour. Après la Révolution française, l’agro-silvo-pastorale a constitué une tentative de réponse à la dégradation des terres. Puis un engrais, le guano, a permis à l’agriculture de connaitre une relance sur des bases saines. Un engrais naturel produit par les oiseaux, le guano est venu en renfort au dix-neuvième et au tout début du vingtième siècle. Jusqu’à sa disparition au Pérou et dans les Iles du Pacifique où on le trouvait. Cette période — guano et fumiers des animaux — fera place à l’agrochimie, NPK, et, à une monoculture à perte de vue, sans animaux. Résultat: les sols s’oxydent et perdent leur fertilité, ne retiennent plus l’eau, les plantes ont besoin toujours plus d’engrais chimiques.
L’agriculture de régénération à la rescousse
Dans nos médias, les sols sont rarement mentionnés lorsqu’il s’agit de lutter contre les réchauffements climatiques, de lutter contre les inondations, ou même, lorsqu’il s’agit de réduire les effets des sécheresses. Pourtant les sols sont au centre de toute stratégie pour résoudre ces problèmes. Dans Dirt to soil — A Family’s Journey into Generative Agriculture, Gabe Brown permet de comprendre pourquoi. Voici deux brefs passages. Ils permettent de saisir la pertinence des sols en santé, avec un bon niveau de carbone:
« Lorsque nous avons fait l’acquisition de la ferme en 1991, l’infiltration sur nos terres cultivables était de seulement un demi pouce par heure. Lorsqu’une grande tempête venait, déversant deux ou trois pouces de pluie, l’essentiel de la quittait la ferme en vitesse, emportant habituellement un paquet de sol de surface. En 2009, le taux d’infiltration avait augmenté à plus de 10 pouces par heure merci à des sols bien agrégés, grâce à leurs champignons mycorhiziens et à la biologie de nos sols. »
De 0.5 à 10 pouces par heure, une multiplication par 20 de l’absorption! Et Brown de poursuivre…
« Un autre facteur critique dans la capacité de rétention est la matière organique. Pour un accroissement de la matière organique de 1 pour cent, nous pouvons emmagasiner entre 17’000 et 25’000 gallons d’eau par acre. Pour prendre mon exploitation comme exemple, je suis passé de moins de 2 pour cent de matière organique en 1991 à largement plus de 6 pour cent en 2017. En 1991 mes sols pouvaient emmagasiner 40’000 gallons d’eau par acre, en 2017 ils pouvaient emmagasiner bien au-delà de 100’000 gallons par acre. Cette différence est énorme — et critique au succès de notre exploitation — lorsque la pluie ne vient pas au bon moment. »
L’amélioration de l’absorption des sols de Gabe Brown fait qu’aucune eau ne couvre ses terres lors de grandes averses. Elle lui permet également de traverser des sécheresses grâce à l’eau retenu.
Taux de carbone dans les sols: lucratif pour les uns, désastreux pour les autres
Une augmentation de l’eau emmagasiné de 250%… Curieusement le taux de carbone (la matière organique) dans les sols n’est presque jamais mentionné dans les médias lorsqu’il est question d’inondations. Concernant le réchauffement climatique, il est fait référence au carbone dans l’atmosphère, mais jamais son taux dans les sols n’est évoqué… C’est un triste constat: nombre de journalistes et d’analystes ne maitrisent et ne comprennent simplement pas le fonctionnement du cycle du carbone.
L’omission de cet enjeu par la communauté agricole révèle une méconnaissance concernant l’importance des sols en agriculture. L’attention est centré sur la lucrative industrie des semences, des engrais, et, des produits phytosanitaires. Lucrative pour l’agro-business, mais désastreuse pour les agriculteurs passés à 1% de la population, pour les inondés, pour les payeurs de taxes, et, pour les assurés. La canalisation des réseaux hydrographiques, la déforestation, la disparition des marais sont également responsables. Mais le taux de carbone des sols est probablement l’élément le plus important, et le seul véritablement ignoré.
Floods in Québec
For the last few weeks, Quebec is experimenting historical floods. More than 3000 houses flooded, more that 1’800 people evacuated. Scenes are spectacular, century floods which last occurence goes back to… 2017. Then a dyke breaks, 5000 more evacuated.
The comment of a lady in particular grabbed my attention. She had lived in the same house all her life. « We never experienced floods during my childhood. In 1997, the high came close, but it did not flood our house. Then in 2017, we where flooded. And, again in 2019. » There is a feeling of acceleration. Her comment ressembles so many other comments heard, here and abroad, for the last decade.
Floods, droughts, forest fires, hurricanes, storms: exceptional events increase, so does their intensity. It is a world phenomenon. Canada and Quebec are no exception. To the point home insurances have raised during the last year, 10 to 15 per cent on average. Vlaag, the famous « this is happening somewhere else » is over. A report just released underline our country is warming three times faster than the rest of the world, and not just at the North Pole.
Global warming, soils management, (a genuine) circular economy
Global warming is of course considered guilty. It inflates water, increases the number of climatic events, it also intensify them. But the management of soils plays a primary role. Black dirt of the Saint-Laurence Valley have lost a great share of their organic matter. Their degradation accelerates. Deforestation, soils’ compaction, are elements provoking the oxydation of soils and driving the erosion of agriculture lands. Phytosanitary and chemical fertilizers use also drives their oxydation, with plowing making soils exposed to the sun and the wind. The bad health of soils generates cascading symptoms: their microbien life is degrading, their carbon level diminishes. Water absorption being reduced, floods increase, and, paradox, droughts multiply for the same reason.
This degradation of agriculture lands has a history. It might have begun with the mage-fauna disparition, and, would have accelerated with the development of agriculture, in particular because of plowing. After the French Revolution, agro-silvo-grazing was an attempt to give an answer to lands’ degradations. Then a fertilizer, guano, allowed a new breath for agriculture, on healthy bases. A natural fertilizer produced by birds, guano came in support during the nineteen and twentieth century. Until it disappeared in Peru and the Pacific Islands where it was found. This period using natural fertilizers—guano and animals’ manure—will be replaced by agro-chemistry, NPK, and, by monoculture as far the eye can see, while taking off animals on lands. As a result, oxydation of soils increased, they lost fertility, they retain water no more, plants need always more chemical fertilizers to grow.
Regenerative agriculture to the rescue
In media soils are rarely mentioned when it is question to fight global warming, to reduce floods, or event regarding the reduction of droughts. Yet, soils are central to any strategy to reduce those problems. In Dirt to soil — A Family’s Journey into Generative Agriculture, Gabe Brown tell us why. Here are two brief quotations. They allow an understanding of the relevance of healthy soils, with a high carbon level:
« When we purchased the farm in 1991, the infiltration rate on our cropland was only one half inch per hour. When a big storm came along, dumping two or three inches of rain, most of the water left the farm in a hurry, usually taking a bunch of topsoil with it. By 2009, the infiltration rate had risen to more than ten inches per hour thanks to well-aggregated soils due to mycorrhizal fungi and soil biology. »
0.5 to 10 inches per hour, a multiplication by 20 of absorption! And Brown continues…
« Another critical factor in water-holding capacity is organic matter. For every 1 percent increase in organic matter, we can store between 17,000 and 25,000 gallons of water per acre. To use my operation as an example, I went from less than 2 percent organic matter in 1991 to well over 6 percent in 2017. In 1991 my soils could store approximately 40,000 gallons of water per acre, while in 2017 they were able to store well over 100,000 gallons per acre. That difference is huge—and critical to the success of our operation—when timely rains do not come. »
The improvement of Gabe Brown’ soils’ absorption allows no water on his land after major showers. It also allows going through droughts, thanks to retained water.
Carbon levels in soils: lucratif for some, disastrous for others
An increase in stored water of more than 250%… Oddly the carbon level in soils is not mentioned by media when discussing floods. Regarding global warming, carbon is mentioned in relation to the atmosphere, but not its level in soils. It is a sad finding: numerous journalists and analysts simply do not master or understand the carbon cycle.
Omission of this issu by the agriculture community itself underlines a misunderstanding of soils significance. Attention is centered on the lucrative seed industry, fertilizers, and, phytosanitary products. Lucrative for agro-business, but, disastrous for farmers that now represent only 1% of the population, for those flooded, for tax payers, and, for those with insurance. The canalisation of hydrographic networks, deforestation, disappearance of marshlands are also responsible. But the carbon levels in soils are probably the first element, and the only one really ignored.